Analysons la nouvelle publication sur X/Twitter de Didier Raoult, le 14 novembre à 19h49.
‘’Les fous sont devenus les maitres de l’asile ‘’ Noam Chomsky
C’est nous les gentils !
Nous voyons que la gestion du Covid n’était qu’un symptôme d’une folie générale où la compétence et le bilan n’ont pas de sens. C’est l’ère de Caligula, on peut mettre n’importe qui à n’importe quelle place, il faut juste plaire au Prince.
Je suis gêné et ne voudrais pas paraitre arrogant, mais il y a une telle discordance entre la réalité de la réalisation en science et les perroquets du gouvernement et des médias que je suis obligé de faire une insulte à ma modestie en remettant les choses comme elles sont dans un monde mesurable. Pardon si ceci apparait comme une marque de vanité.
Nous vivons une époque troublée où les ratés ont pris le pouvoir des médias contrôlés par l’État et la tentation est grande de faire taire les plus compétents par la terreur, les poursuites et la censure.
Pour rassurer ceux qui m’ont fait confiance, un classement récent des scientifiques basé sur les citations scientifiques (research .com) me place parmi tous les scientifiques de toutes spécialités au monde à la 149ᵉ place, à la 2e en France (aucun de mes contradicteurs n’est dans les 100 premiers) la première en médecine (mais le conseil de l’ordre m’explique la science !!!)
En microbiologie, je suis le premier mondial. J’ai fait face à une tribu d’ignorants qui m’expliquait que ce virus ne mutait pas (l’ineffable Veran).
Le gouffre qui nous sépare en science est terrifiant. Ceci est cohérent avec mon classement sur Google scholar avec un chiffre de 225 de H Factor qui signifie que plus de 225 de mes articles ont été cités plus de 225 fois dans la littérature scientifique pour un total qui dépasse 250 000 citations… plus que tout autre microbiologiste/ infectiologue au monde et plus qu’A.Fauci l’idole des laboratoires pharmaceutiques.
En science, « je crains degun » !
Les grenouilles de plateau peuvent toujours coasser, ce n’est que dans un monde d’ignorants qu’ils ont la parole.
»Souffle, souffle, vent d’hiver ; tu n’es pas si cruel que l’ingratitude de l’homme. « Shakespeare »
Avant d’aller plus loin, voici une précision qui a son importance. La phrase que Didier Raoult attribue à Noam Chomsky — « Les fous sont devenus les maîtres de l’asile » — n’est pas de Chomsky. On ne la trouve ni dans ses ouvrages, ni dans ses conférences, ni dans ses entretiens, ni dans les archives publiques de ses interventions. C’est une citation apocryphe, un faux viral sans aucune trace textuelle. Autrement dit, Raoult ouvre son message sur une maxime qu’il croit avoir piochée chez Chomsky, mais qui provient en réalité de nulle part. On pourrait y voir un symbole involontaire : commencer une démonstration par une affabulation, c’est jouer cartes sur tables.
Permettez-moi de glisser une vraie citation de Noam Chomsky pour faire bonne mesure.
« La responsabilité des intellectuels est de dire la vérité et de dénoncer les mensonges. »
(The Responsibility of Intellectuals, 1967)
Une mise en scène de soi
Didier Raoult ouvre son message par Chomsky et le conclut par Shakespeare, comme s’il se plaçait d’emblée dans un registre tragique. Ce vernis littéraire camoufle pourtant un texte centré sur lui-même, où la réflexion sur la pandémie sert surtout de décor à un récit d’héroïsation personnelle. Ce n’est pas un discours scientifique, mais une scénographie : il se présente comme l’unique figure lucide dans un monde politique et médiatique livré à la folie. L’effet recherché est simple : donner à son indignation un parfum d’oracle, comme si la gravité du style garantissait la véracité du propos.
Nous avons en général une idée assez précise de ce qu’il convient de penser de l’individu qui hurle tous les jours que tout le monde est fou sauf lui.
Le récit victimaire
Toute la prise de parole repose sur l’idée que Raoult serait un savant d’exception, assiégé par une meute d’incompétents. Les autorités sanitaires seraient aveugles, les médias corrompus ou stupides, et ses contradicteurs réduits à l’état de « grenouilles de plateau ». Cette posture n’a rien d’original : elle correspond au script classique du « génie incompris » persécuté par les institutions. Dans les faits, les critiques formulées contre Raoult depuis 2020 ne relèvent pas de divergences politiques mais de questions méthodologiques, éthiques et factuelles, bien documentées par les inspections sanitaires (IGAS, 2023 ; ANSM, 2022).
Plutôt que de répondre à ces analyses, il les requalifie en attaques infamantes. C’est une stratégie de survie rhétorique : transformer toute critique fondée en persécution afin de ne jamais affronter le fond du problème.
Les mensonges commodes
Lorsqu’il affirme que certains responsables auraient dit que « le virus ne mutait pas », il décrit une scène qui n’a jamais existé. Dès le printemps 2020, des travaux rigoureux montraient la circulation de mutations, notamment la substitution D614G identifiée par Korber et collègues dans Cell (2020), devenue dominante dans le monde quelques mois plus tard. Aucun spécialiste n’a jamais nié la capacité du SARS-CoV-2 à muter ; les virologues expliquaient seulement que son taux de mutation initial était modéré, ce qui était exact. Raoult reformule donc la réalité pour produire un adversaire plus absurde, plus facile à accabler. Vous connaissez ce stratagème, c’est l’homme de paille.
Il affirme aussi que les médias seraient « contrôlés par l’État », ce qui est factuellement infondé : la majorité du paysage médiatique français est détenue par des groupes privés. Cette réécriture conspiratoire lui permet de se placer en dissident courageux, mais elle ne reflète aucune analyse structurelle sérieuse.
Le fétichisme des chiffres
Raoult exhibe ensuite son H-index, son nombre de citations et son classement Research.com, comme si ces chiffres tranchaient à eux seuls la validité scientifique de ses positions sur la pandémie. Il confond notoriété bibliométrique et rigueur méthodologique. Depuis longtemps, des travaux en scientométrie — notamment Waltman (2016), qui analyse en détail les biais structurels du H-index — montrent combien cet indicateur est imparfait, façonné par l’ancienneté, la taille des équipes et la dynamique propre à chaque domaine, sans lien direct avec la qualité réelle des pratiques scientifiques.
Ioannidis, que Raoult présentait autrefois comme une figure d’excellence, a lui-même souligné les illusions créées par les métriques et les structures d’incitation qui poussent à surinterpréter les indicateurs quantitatifs : dans son article Meta-research: Why research on research matters (2018), il décrit précisément comment ces systèmes peuvent fausser la perception de la qualité scientifique. Depuis que Ioannidis s’est aligné sur l’analyse méthodologique rigoureuse contre les affirmations fantaisistes de Raoult sur la pandémie, celui-ci ne le cite évidemment plus.
Opposer une carrière volumineuse à des critiques portant sur des essais cliniques non randomisés, des analyses statistiques invalides ou des protocoles contraires aux règles éthiques n’a aucun sens. Les essais randomisés contrôlés — le cœur de l’évaluation thérapeutique — ont démontré l’inefficacité de l’hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19 : RECOVERY (The New England Journal of Medicine, Horby et al., 2020), SOLIDARITY (Pan et al., New England Journal of Medicine, 2021) et des méta-analyses indépendantes (Axfors & Ioannidis, 2021). Aucun score bibliométrique ne peut annuler ces résultats.
Une réputation infâme
L’un des éléments les plus frappants, pourtant totalement absent de la mise en scène de Didier Raoult, est son classement dans le Retraction Watch Leaderboard, qui recense les chercheurs ayant accumulé le plus grand nombre de rétractations au monde. Contrairement à l’image triomphale qu’il projette, Raoult figure désormais parmi les vingt scientifiques les plus rétractés au niveau international. La microbiologiste Elisabeth Bik — qui a documenté de manière systématique les anomalies d’images et les manipulations dans de nombreuses publications issues de l’IHU — a résumé cette ironie avec une précision difficile à balayer. S’adressant publiquement à Raoult, elle écrit : « You forgot to mention that you are #14 on the @RetractionWatch leaderboard! It appears that you are quickly losing the trust that scientists once had in you. »
Cet élément est crucial : il montre que l’autorité bibliométrique qu’il brandit comme un talisman s’érode rapidement au sein même de la communauté scientifique. Les citations passées ne protègent pas un chercheur lorsque ses pratiques présentes deviennent indéfendables. Le contraste entre le prestige qu’il revendique et le nombre de rétractations qui pèse sur ses travaux récents souligne précisément la dérive méthodologique que Raoult refuse de regarder en face. Pire que cela, ces rétractations en masse jettent un épais discrédit sur la valeur réelle des contributions de Raoult à la littérature scientifique, ce qui invalide complètement cette ligne rhétorique aux yeux de ceux qui connaissent le fonctionnement de la science
Un discours politique masqué en discours scientifique
Le texte glisse ensuite vers un récit politique où l’on voit surgir la figure d’un « Prince » distribuant les postes selon la flatterie, et celle d’un État tentant de réduire au silence les « compétents ». Cette vision du monde relève de la dramatisation, pas de l’analyse. Les sanctions et enquêtes dont Raoult a fait l’objet n’émanent pas d’un pouvoir politique en quête de vengeance : elles sont le résultat d’évaluations administratives liées à des faits précis, notamment la conduite d’essais cliniques illégaux sur des mineurs et des patients vulnérables (ANSM, 2022).
Le registre de la “terreur” ou de la “censure” est donc une reconstruction dramatique. Il lui permet de ne jamais répondre sur les données, sur les protocoles, ni sur les manipulations constatées dans plusieurs publications. C’est un bouclier narratif qui ne peut faire illusion qu’auprès de ceux qui pour une raison ou une autre veulent prendre fait et cause pour lui.
L’effondrement de la rigueur
Cette prise de parole révèle la rupture progressive entre Didier Raoult et la pratique scientifique telle qu’elle est normalement exercée. Depuis longtemps, il a renoncé à convaincre par des preuves, pour tout miser sur la posture. Il ne discute plus méthodes ni données : il convoque sa carrière comme argument final. Ce renversement est typique des chercheurs en dérive charismatique : lorsque la rigueur méthodologique les contredit, ils quittent la science pour l’autorité personnelle. L’histoire en fournit plusieurs exemples, de Trofim Lyssenko, dont le prestige politique supplanta toute validité expérimentale (Roll-Hansen, 2005), à Wilhelm Reich, qui substitua progressivement un récit héroïque à la réfutation de ses pairs (Sharaf, 1983). Dans chaque cas, la logique est identique : l’autorité remplace l’épreuve des faits. »
Le message ne dit donc rien sur la pandémie, ni sur l’état de la recherche. Il dit quelque chose de beaucoup plus intime : la nécessité, pour Raoult, de maintenir un monde alternatif où il n’a jamais eu tort, où ses échecs sont des complots, et où ses erreurs deviennent les preuves de son génie. Ce refuge rhétorique lui permet d’éviter un examen que la communauté scientifique, elle, a déjà fait depuis longtemps.
« La folie chez les grands ne doit pas aller sans surveillance. »
Shakespeare. Hamlet, Acte III, scène 1.
Acermendax
Références
- Axfors, C., & Ioannidis, J. P. A. (2021). Infection fatality rate of COVID-19 inferred from seroprevalence data. Bulletin of the World Health Organization, 99(3), 178–189.
- Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM). (2022). Inspection de l’IHU Méditerranée Infection : Synthèse des non-conformités graves observées.
- Bik, E. (2025, February 21). Science Integrity Digest: Catching up. Science Integrity Digest.
- Chomsky, N. (1967). The Responsibility of Intellectuals. The New York Review of Books, 8(3).
- Horby, P. W., Mafham, M., Linsell, L., et al. (2020). Effect of hydroxychloroquine in hospitalized patients with Covid-19. The New England Journal of Medicine, 383, 2030–2040.
- Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS). (2023). Rapport sur le fonctionnement et les pratiques de l’IHU Méditerranée Infection.
- Ioannidis JPA (2018) Meta-research: Why research on research matters. PLoS Biol 16(3): e2005468. https://doi.org/10.1371/journal.pbio.2005468
- Korber, B., Fischer, W. M., Gnanakaran, S., et al. (2020). Tracking changes in SARS-CoV-2 spike: Evidence that D614G increases infectivity. Cell, 182(4), 812–827.e19.
- Marcus, A. (2024, April 3). Embattled researcher Didier Raoult earns more than 100 expressions of concern and another retraction. Retraction Watch. https://retractionwatch.com/2024/04/03/embattled-researcher-didier-raoult-earns-more-than-100-expressions-of-concern-and-another-retraction/
- Pan, H., Peto, R., Henao-Restrepo, A. M., et al. (2021). Repurposed antiviral drugs for Covid-19 — Interim WHO Solidarity Trial results. The New England Journal of Medicine, 384, 497–511.
- Roll-Hansen, N. (2005). The Lysenko Effect: The Politics of Science. Humanity Books.
- Sharaf, M. (1983). Fury on Earth: A Biography of Wilhelm Reich. St. Martin’s Press.
- Waltman, L. (2016). A review of the literature on citation impact indicators. Journal of Informetrics, 10(2), 365–391.




















