On identifie sans mal certaines idéologies pour ce qu’elles sont : des combinaisons de valeurs, d’idéaux et des stratégies déployées pour les défendre.

La source de la morale humaine ?

Quelle est la place de cette icône de l’Ancien testament qu’est le Décalogue, Table de la Loi confiée à Moïse par Dieu ?

Dans les débats d’idées entre les pro- et les anti-religions revient souvent l’argument que Dieu est la source de la moralité humaine : la connaissance du bien et du mal est garantie par la parole de Dieu, et donc de la Bible (pour ceux dont elle est le livre sacré). Et de manière générale, il semble que les 10 commandements, le Décalogue, soient la partie de la Bible que le plus grand nombre de croyants désigne comme le repère le plus solide.

Par ailleurs, des travaux récents ont mis en évidence un fait curieux. Statistiquement les personnes qui se définissent elles-mêmes comme athées/agnostiques ont en moyenne une meilleure connaissance des religions que les chrétiens, juste devant les mormons (et les juifs).

En conjuguant ces deux faits, on peut se demander si les croyants qui s’en remettent au décalogue comme source ultime de leurs jugements moraux ne le font pas pour de mauvaises raisons, à savoir le bouche à oreille, la tradition, une certaine crédulité (considérée comme une qualité dans la bible) et un manque de connaissance du texte.

Les 10 commandements

Un texte indépassable ?

Parmi les productions intellectuelles humaines, citons les Lois de Newton, les équations de Maxwell, le principe de la Sélection Naturelle, la théorie de la relativité, les symphonies de Beethoven, les pièces de Shakespeare, de Racine, de Molière… toutes peuvent être condensées en un texte. Quelles sont les chances qu’une personne lambda prise au hasard dans la population soit en mesure d’améliorer le travail de Newton ou de corriger le style de Mozart ? C’est à cela que l’on peut mesurer la valeur ajoutée que représentent ces œuvres : elles sont de véritables sommets dans ce que l’esprit humain peut concevoir.

Nous allons brièvement tenter la même expérience avec les 10 Commandements. Le lecteur servira de cobaye, d’individu lambda.

D’abord faisons la liste des 10 commandements que l’on trouve dans Exode 20 (dans la traduction de Louis Segond), et notons au passage que le texte ne dresse pas une liste claire de 10 éléments, ce qui fait que la liste varie selon les interprétations.

1 — Tu n’auras pas d’autre Dieu que moi.

Le texte dit : « Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face. »

2 — Tu n’adoreras point d’idole

« Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras pas devant d’autres dieux que moi, et tu ne les serviras point ; car moi, l’Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent et qui fais miséricorde jusqu’en mille générations à ceux qui m’aiment et qui gardent mes commandements.

3 — Tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain.

« Tu n’invoqueras point le nom de l’Éternel, ton Dieu, en vain ; car l’Éternel ne laissera point impuni celui qui invoque son nom en vain. »

4 — Souviens-toi du jour du sabbat.

« Souviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos de l’Éternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes portes. Car en six jours l’Éternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s’est reposé le septième jour : C’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du repos et l’a sanctifié. »

5 — Honore ton père et ta mère.

« Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne. »

6 — Tu ne tueras point.

7 — Tu ne commettras point d’adultère.

8 — Tu ne déroberas point.

9 — Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain.

10 — Tu ne convoiteras point

« Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain. »

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Analyse sommaire du Décalogue.

 Constatons que les commandements 1 à 4, les plus importants, les plus développés, concernent Dieu lui-même, le culte qui lui est dû, sa jalousie et les punitions promises en cas d’entorse à ces règles ultimes. Autant dire que l’apport moral est difficile à percevoir. Quelle aide ces commandements apportent-ils à nos vies quotidiennes pour nous aider à faire les bons choix, à être bons avec les autres ?

Pire. Si l’on croit à la liberté de pensée et à la liberté d’expression (valeurs morales s’il en est) on pourra même trouver que ces quatre commandements mesquins sont du mauvais côté de la barrière qui sépare le bien du mal.

Bons vs mauvais commandementsLe commandement 5 est curieux. Il semble impliquer qu’un individu, du simple fait qu’il est parent, doit être honoré. Le commandement n’est assorti d’aucune dérogation ni modalité. Il semble plus juste de penser que l’on doit honorer toutes les personnes honorables. Certes, on interprète ce commandement aujourd’hui comme une première forme de sécurité sociale : les jeunes doivent secourir la vieillesse et la dépendance. Mais déjà, une interprétation est nécessaire pour faire de ce commandement un véritable atout moral.

« Tu ne tueras point » n’arrive qu’en sixième position. Stupéfiant. Il est pourtant celui qui vient le premier à l’esprit. Le lecteur lamdba n’aurait aucune difficulté à en faire le premier commandement. La Bible n’en a pas été capable.

Ensuite viennent l’adultère puis le vol, puis le faux témoignage (le mensonge, en somme). On pourrait considérer qu’il serait plus simple, plus efficace et surtout plus exhaustif de rassembler tout cela dans un seul commandement qui exigerait de ne pas nuire à autrui, d’être honnête, de ne brutaliser personne. Si la brutalité ne fait pas partie des préoccupations du dieu de la Bible, elle nous préoccupe, nous, et nous pourrions en quelques instant améliorer le texte en ce sens.

Le dixième commandement est probablement le pire, le plus immoral.

« Tu ne convoiteras point » ce qui est en cause, ce n’est pas un acte, c’est une pensée. Le dixième commandement est celui d’une police de la pensée, et le dieu de la Bible est parfaitement disposé à punir les contrevenants à cette règle. Quant à l’objet de la convoitise, il s’agit de tout ce qui appartient à ton prochain… Et sa femme en fait partie.

La sujétion de la femme, sa relégation au rang de propriété du mâle ne fait pas partie d’une vision du monde saine et morale. Et ceux qui nous répondent que cette vérité est facile à dire au XXIème siècle mais impossible à écrire au temps de Moïse admettent ipso facto que le texte n’est pas un guide moral qui fonctionne de nos jours, car même au temps de Moïse, le créateur de toute chose dans l’univers aurait pu imposer le respect aux femmes au moins aussi facilement que le respect du sabbat, sinon son utilité en tant que boussole morale est nulle.

Choice

De nouveaux commandements ?

A présent venons-en à ce qui n’est pas dans le Décalogue (et nulle part ailleurs dans la Bible). Le lecteur lambda du XXIème siècle, si on lui demandait de dresser une courte liste de grands principes qui, s’ils étaient respectés, produiraient un monde plus juste, plus moral, n’écrirait sûrement pas le Décalogue.

Peut-être commencerions-nous par citer ce qui est sans doute le texte de l’Histoire le plus important à cet égard, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, et le premier commandement serait :

1 — Les humains naissent libre et égaux en droit.

L’égalité Homme-Femme serait assurée, toute forme de dictature implicitement désavouée, ce serait un point de départ autrement plus pertinent que de commencer par établir la jalousie obsessive d’un Être suprême prompt à punir les enfants pour la faute des parents.

En deuxième place, nous pourrions sans doute établir une bonne fois pour toute ce qu’est le respect de la dignité humaine et corriger l’oubli le plus inexcusable de ces tables de la loi : l’esclavage.

2 — Chaque individu est une fin en soi et ne doit jamais être traité comme un moyen. Aucun humain ne peut en posséder un autre.

Je sais ce que vous allez me dire : les articles 1 et 2 se recoupent un peu, mais j’ai tendance à penser qu’ils contiennent les principes sur lesquels on peut s’autoriser à enfoncer le clou, histoire d’éviter toute velléité future d’interprétation si vous voyez ce que je veux dire.

A coté de ces principes, le troisième commandement pourrait donner une règle de vie pragmatique. La règle d’or semble toute indiquée.

3 — Traite autrui comme tu voudrais qu’on te traitât.

Lorsque nos actions ou nos décisions ont des contextes subtils, complexes avec des ramifications de conséquences, les principes précédents ne suffisent pas forcément. Le Bien absolu n’existe sans doute pas, la règle morale absolue devra donc être relative, et sans être versé dans les arcanes de la philosophie, on pourra trouver aisément que le principe utilitariste [http://fr.wikipedia.org/wiki/Utilitarisme] est une bonne approximation de la règle à suivre.

4 —Que tes actes produisent le plus grand bien-être au plus grand nombre et amoindrissent la souffrance générale et de chacun.

 En termes de morale, nous pourrions nous arrêter là. 4 commandements suffisent à établir des règles supérieures au Décalogue.

Mais si l’on est tenté de réfléchir plus loin, on peut se demander bien vite pour quelle raison le décalogue est de si piètre qualité. Pourquoi n’a-t-il jamais été amélioré alors que nous voyons que la chose est simple. Cette question est très pertinente, et elle nous permet d’ajouter un cinquième commandement :

5 — Toutes les connaissances doivent être mises à l’épreuve et améliorées par l’expérience et le questionnement.

 Afin de s’assurer que l’amélioration des connaissances puisse affecter notre liste elle-même, ajoutons :

6 — Aucune idée, aucune pensée ne doit être interdite, mais aucune ne doit être soustraite à la critique.

Et nous aurons terminé d’établir une liste de nouveaux commandements dictés par le bon sens, la raison et le désir d’assurer le bien-être du plus grand nombre. Tâche qui nous aura pris quelques minutes de réflexion, quelques heures de discussion, et qui s’avère donc bien plus simple que réécrire Les Fleurs du Mal ou Le Trône de Fer.

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En conclusion :

Nous savons que notre moralité, ce que nous jugeons bien ou mal, socialement acceptable ou tabou ne nous est pas dicté par la religion, puisque personne dans les démocraties n’applique à la lettre le Lévitique qui réclame la mort d’à peu près tout le monde, ni les versets du Coran qui exigent la décapitation ou la lapidation des gens un peu trop libres dans leur tête. Cela veut dire que nos jugements moraux viennent d’ailleurs, et en partie de la nature, héritage des instincts protecteurs du clan qui ont permis à nos ancêtres d’assurer la survie de leur descendance. Mais ces instincts moraux peuvent maintenant être transfigurés par la raison, et sans réelle difficulté.

Les religions ne sont pas une source de moralité.

Pour un regard naturaliste sur la moralité, regardez notre émission sur le sujet.

Acermendax.

L’intérêt supérieur de l’enfant ?

 

Les membres de la manif pour tous ont raison quand ils disent que l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer, quand ils s’inquiètent de la marchandisation des corps et réclament le respect de la famille.

En effet la Gestation Pour Autrui (GPA) pose question : peut-on accepter qu’une femme loue son corps pour neuf mois afin d’y faire grandir un bébé, en mettant peut-être sa santé en danger dans l’opération ? Peut-on la dépouiller de tous les droits sur l’enfant qu’elle mettra au monde ? Cela pose le problème de l’encadrement technique, juridique, médical, du coût (estimé à 150.000$), et en matière d’éthique la question de la position de la mère porteuse envers l’enfant à naître. Le droit de chacun à connaître ses parents et à être élevé par eux ne peut pas être balayé de la main. Peut-on accepter qu’on « achète » un enfant ?

Dans un pays qui augmente les impôts tout en diminuant les prestations familiales, on peut légitimement questionner la position du gouvernement par rapport à la famille. Et cela seul suffirait à justifier que les « défenseurs de la Famille » descendent dans la rue pour cette Manif pour Tous. Les anti-GPA ont tellement raison que le premier Ministre naguère favorable à la GPA, quand il parlait au magazine Têtu, s’est soudain rendu compte, sans doute avec la plus grande sincérité, qu’il était contre, et l’a déclaré dans les pages du magazine La Croix deux jours avant la manif de dimanche.

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Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ! Devise des traitres depuis toujours.

Toutefois la lutte contre la GPA n’est pas le cœur de l’action de la Manif Pour Tous qui occupe les rues de Paris le 5 octobre (70.000 selon la Police, 500.000 selon les organisateurs, un écart qui se creuse entre la communication et la réalité). La MPT s’est structurée autour du refus du mariage homo, et elle se bat maintenant pour l’abrogation de la loi Taubira au nom de la protection de la famille, en tant que sanctuaire où grandit l’enfant. Ici encore, on peut réussir à voir en quoi ils peuvent avoir raison : au vu de la dégradation des résultats scolaires des jeunes français, il n’est pas idiot de fortifier la famille, de l’aider dans sa mission d’éducation des futurs citoyens. Ces préoccupations peuvent être les nôtres.

Tout cela étant dit, bien évidemment…

Cela ne les empêche pas d’avoir (tellement !) tort.

 Les gens de la Manif pour Tous qui protestent contre la GPA n’arrivent pas drapés d’innocence et de bons sentiments. Sans qu’il soit question de faire un procès d’intention, on les connait, on sait dans quelle idéologie baigne leur organisation. Ce qui les rassemble d’abord est le refus du mariage homo et la défense d’UN modèle familial bien particulier, ce qu' »on appelle la cellule nucléaire : papa, maman, et deux ou trois enfants, modèle que les anthropologues ne jugent ni universel ni spécialement naturel dans l’histoire de l’humanité. Leur discours outrancier et pseudo-universaliste (c’est-à-dire l’universalisme de ceux qui prennent leur cas pour une généralité) est finement travaillé, et il devrait donc se concentrer sur les vrais bons arguments à leur disposition. Quelle surprise, dès lors, de les entendre s’horrifier à mauvais escient à tous propos.

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Extrait du message de la MPT en janvier 2013.

1 — Ils sont contre « l’idéologie du genre inculquée dans les écoles ».

Sur la définition du genre et la question de l’existence d’une « théorie » du genre, le lecteur pour consulter un billet précédent [Les défenseurs des études sur le genre ont raison].

Il est très intéressant de s’arrêter sur l’aspect idéologique de cet argument, et de se demander justement à partir de quand on peut considérer de quelqu’un qu’il est aveuglé par son idéologie. Par exemple quand des dizaines d’études en psychologie et en sociologie étalées sur plus de vingt ans démontrent les unes après les autres que le « genre » est une construction sociale et culturelle plutôt qu’un attribut biologique, que les goûts des hommes et des femmes (les couleurs, les professions, les loisirs) proviennent en majorité d’un conditionnement de la société (sans jugement de valeur : ce conditionnement peut très bien être une bonne chose a priori), quand les faits s’accordent, que les experts donnent leurs conclusion et que malgré tout on reste sur ses positions en criant au complot… est-on aveuglé par son idéologie ? La réponse ne semble pas très compliquée.

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Exemple de message idéologique peu enclin à susciter la réflexion

2 — Ils sont contre la PMA pour les couples homos, mais la tolèrent pour les couples hétéros.

Au gré du cortège, on nous rassure pourtant : « On n’est pas homophobes mais mariageophiles », mais le mariage et les droits qui vont avec, et notamment la Procréation Médicalement Assistée, ce n’est de toute évidence pas fait pour les homosexuels, et ces derniers (ou en tout cas les associations qui veulent les représenter) sont accusées sans rire de vouloir détruire le mariage et la famille simplement parce qu’ils veulent y participer : se marier comme le autres et avoir une famille comme les autres, c’est-à-dire reproduire le modèle social (que ce soit une bonne ou une mauvaise idée). En somme le concept du mariage et des liens qui font la famille sont déclarés propriété privée des manifestant de la MPT qui se sentent plus légitimes à les définir que ceux qui veulent les élargir à des types de famille moins traditionnelle. Cette légitimité ressentie, bien sûr, n’est étayée par aucun argument. Elle est, point.

Nos doctes manifestants sont persuadés de faire le bien en protégeant LA famille, vous savez le modèle Ami Ricoré, et hurlent à la « Familiphobie » en vertu du plaisir coupable des chrétiens qui raffolent du sentiment biblique de se sentir victimes d’une oppression injuste. Qu’il me soit permis, même si ce n’est pas très politiquement correct, de pointer du doigt ce trait de caractère d’une frange de la France amoureuse des histoires de martyr où la souffrance est la monnaie du rachat des âmes.

Note : Depuis quelques années des sondages montrent que les chrétiens des USA se sentent discriminés. À titre d’information, nous vous suggérions la page Wikipédia de la discrimination contre les athées dans le monde.

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LA famille parfaite (cherchez l’intrus)

Pour être tout à fait clair, une majorité des personnes qui manifestent réclament l’abrogation d’une loi (le mariage homo) qui en 12 ans d’application dans différents pays d’Europe ne semble poser aucun problème à la société, à l’économie, à la morale ou à tout ce que vous voulez. Ces personnes s’accordent à trouver que le chômage est un problème plus important, que le gouvernement devrait s’en occuper en priorité, mais on ne les trouve pas dans la rue pour des questions de pouvoir d’achat ou de chômage ; ils manifestent pour recommencer un long débat législatif quasi-impossible sur une question jugée secondaire. « Pardon de le dire » (comme dirait JF Copé), mais c’est illogique.

3 — Ils dénoncent l’exploitation du corps de la femme et la marchandisation de l’humain.

Sur le sujet précis de la GPA, c’est leur argument le plus fort, et il est recevable. Mais il a ses limites. Sans revenir sur la comparaison de Pierre Bergé, qui disait en substance : « l’ouvrier vend ses bras, pourquoi une femme ne vendrait pas son ventre ? », penchons-nous sur ce que serait la GPA : une contractualisation de procréation. Seulement, voilà, une femme qui s’engage à produire un enfant, c’est quasiment la définition du mariage au cours des siècles passés. La marchandisation du corps, c’est la tractation entre les familles, c’est la dote, c’est le contrat de mariage, c’est l’obsession de la transmission patrimoniale, le dogme de la propriété. Les arguments anti GPA sont aussi, en dernière analyse, des arguments anti-mariage.

Hypothèse : l’attachement féroce au mariage aveugle sans doute ceux qui défendent l’idée qu’ils s’en font et leur rend insupportable le genre de comparaison qui vient d’être faite.

Continuons de nous interroger. Sur la marchandisation de l’enfant, regardons-nous un peu en face. L’adoption d’un enfant en France ou à l’étranger passe par tant d’étapes et tant d’épreuves qu’il est inutile de tenter cette éreintante aventure en l’absence d’un socle financier confortable. À l’autre bout du spectre, pourrait-on dire, on connait des familles dans lesquelles la naissance d’un nouvel enfant n’est programmée que pour assurer la poursuite des versements des allocations familiales. Qu’on le veuille ou non le lien entre accès à la parentalité et argent existe déjà, il ne va pas naître soudainement d’une éventuelle légalisation de la GPA.

Dimanche, parmi les slogans brandis dans le cortège, on pouvait lire « La femme n’est pas une machine à bébés ». La sociologie des manifestants n’est pas mystérieuse : ce sont essentiellement les milieux catholiques qui trouvent là une occasion de battre le pavé. On y voit les représentants de familles parfois nombreuses dans lesquelles la tradition n’a jamais dit autre chose que : Femme, fais des enfants, occupe-t-en, reste à la maison. Le reste de la France a déjà compris que la femme n’est pas une machine à bébé et n’attend guère d’information sur le sujet de la part des MPT.

Mais alors… Pourquoi nos concitoyens qui manifestent dimanche et se veulent les dénonciateurs de l’exploitation du corps de la femme, et par conséquent les protecteurs du libre droit de chacun à disposer de son corps sont-ils les mêmes que l’on retrouve quand il s’agit de s’opposer à l’avortement et à l’euthanasie ? On a envie de dire FAIL.

 4 — Ils ont un discours centré sur l’émotion.

Parmi la forêt de panneaux et de slogan au cours des différents défilés de la MPT, on peut lire « non à l’asservissement de la femme », « Je ne veux pas que ma mère s’appelle Robert », « La loi de Dieu et (sic) bonne », et sur le trottoir les explications des manifestants : « Que dira-t-on à ces enfants plus tard ? Qu’ils ont éte achetés pour quelques milliers d’euros sur internet ? », « Recourir à une mère porteuse c’est de « l’industrialisation », de « l’esclavagisme moderne » ».

Quant à leur communication par image, sur internet, elle ressemble à ça :

La GPA c'est vraiment très mal

Le pathos est une arme déloyale dans un débat sur des enjeux de société.

Tous ces propos ne font pas débat, ils sont des jugements de valeur, des accusations sur les motivations hideuses des pro-PMA et pro-GPA. Il ne s’agit pas d’argument ni de question sérieuse à partir desquelles entamer un dialogue. Plus rarement on voit apparaitre des pancartes comme « Peut-on se prévaloir d’un droit à l’enfant ? » qui posent le genre de vraies questions dont il est possible de débattre. Pourquoi la MPT en produit-elle si peu ? Pourquoi l’essentiel de son propos est-il tourné vers émotion, vers la peur, vers l’illusion de persécution ?

C’est un véritable problème, parce que l’absence de vraie question empêche le débat, et sans débat les idées se défendent par la violence. L’espace d’un paragraphe, permettons-nous de jouer le même jeu, et employons le pathos et l’émotion pour défendre la GPA.

« La GPA est une avancée fantastique, une libération pour la femme et pour la famille. Qu’y a-t-il de plus beau au monde que de donner la vie ? Comment imaginer un acte d’amour plus absolu que d’être le vecteur d’une vie qui démarre, que d’être celle par qui le miracle arrive. La GPA va enfin permettre à des couples empêchés par les accidents de la vie d’avoir un enfant à élever, à aimer, à éduquer dans le respect de notre culture qui chérit la vie, qui chérit l’effort, le dépassement de soi. La GPA et la PMA vont offrir aux enfants des familles qui les désirent, qui ont de véritables projets de vie pour eux. Il y a certainement des milliers de femme en France qui sont désireuses de faire ce geste de générosité, de prendre cet engagement étonnant que la science a rendu possible, bref, inutile d’en rajouter… »

La GPA c'est mal

C’est beau un corps de maman, il faut le protéger. (Cette phrase à une puissance dialectique totalement nulle)

 

Tout ce paragraphe présente les choses d’une manière qui n’est pas fausse et qui n’est guère réfutable, car les arguments sont des sentiments, des émotions, du ressenti, tout y est subjectif. Précisons que je n’ai jamais vu un pro-GPA tenir ce genre de propos. Ici, comme dans tous les débats publics, on a besoin de beaucoup, beaucoup plus d’objectivité.

5 — Ils ne savent pas comment défendre le droit de l’enfant

La protection de l’enfant est le cri de ralliement des anti-GPA, anti-PMA, anti mariage pour tous. Et ce cri est suivi de l’assertion que la famille traditionnelle est parfaite, insurpassable, sans alternative valable, sous vos applaudissements. Là encore, point d’argument, simplement une opinion, une intuition assenée comme une vérité qui s’émancipe des faits, des études scientifiques et du débat. Une vérité au nom de laquelle les manifestants veulent priver de droit les enfants nés d’une GPA à l’étranger. Oui, ces gens veulent punir l’enfant pour la manière dont il est né.

Dans le même temps, nous pouvons observer un certain nombre de chose sans qu’il soit besoin d’aller fouiner dans les foyers, de soulever les secrets d’alcôves, d’épier les familles. Dans la rue, au sein même de la manifestation publique, la MPT nous démontre que la protection de l’enfant n’est qu’un alibi à la défense d’une idéologie.

1 – « On va mettre les enfants devant »

En 2013 un certain nombre de parents armés de poussettes et de bambins sont allés au contact des CRS, sur des barrières qui délimitaient le parcours autorisé. En refusant d’obtempérer avec les forces de l’ordre, ils étaient à la recherche de l’incident, dans le désir du martyr qui justifierait leur cause. On peut juger la démarche respectable dans bien des cas de figure, celui qui consiste à utiliser l’enfant comme bouclier humain n’en fait pas partie.

2 – Tout au long du cortège, les enfants en poussette ou sur les épaules portent des T-shirt et des drapeaux, parfois des pancartes avec un message politique qui est celui de leurs parents. Pourtant aucun des enfants de 5 ou 12 ans n’avait sa carte de l’UMP ou du FN, une fois en âge, une proportion non négligeable se désolidarisera du message de la MPT ce qui promet des repas de famille agités, d’autant que 5-10% d’entre eux se révèleront homosexuels une fois adolescents/adultes (les chiffres là-dessus sont extrêmement flous et ce n’est pas grave).

Ces enfants ont été utilisés comme slogan vivant par leurs parents, et c’est bien plus grave que ce qu’on tend à dire. La définition du respect de la dignité humaine tient en une phrase toute simple : on doit toujours considérer l’individu comme une fin en soi et jamais comme un moyen. En utilisant les enfants comme moyen de communication, la MPT foule aux pieds la dignité humaine en toute bonne foi et sans jamais l’imaginer, preuve que la bonne foi et le manque d’imagination ne sont pas d’une grande aide.

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L’enfant en T-shirt ou bâillonné est le moyen d’expression choisi par la MPT.

3 – Enfin, qu’en est-il vraiment des conséquences des idées de la Manif pour Tous sur le bien être des enfants en général ? Pourquoi ne pas laisser la parole, rien que 1 minutes à l’association « La Ligue du Droit des Enfants » qui répond en vidéo :

 

 Conclusion.

Le Premier Ministre Manuel Valls nous dit le 3 octobre 2014 que la GA c’est « La marchandisation de l’être humain, c’est donc inacceptable »… Mais comment croire vraiment ces mots extrêmement forts puisqu’il disait en 2011 « la GPA est une évolution incontournable, et je crois que si elle est maitrisée, elle est acceptable ». Comment ne pas voir dans la galerie des personnages politiques qui défilent dans les rangs de la MPT une récupération politicienne ?

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On est là pour protéger les petits nenfants, pas pour se faire réélire, hein les gars ! Lol.

Le droit de l’enfant, le droit à l’enfant, sont des questions très sérieuses, ce sont des problèmes de fond qui méritent un dialogue apaisé parce que les enfants et la Famille ne sont la propriété d’aucun parti politique, d’aucun lobby, qu’il soit catho ou gay.

Et pourtant on voit que toute l’énergie déployée n’aboutit qu’à de petits compromis entre les blocs politiques :

« J’ai gagné le mariage pour tous.

— Mais moi je t’ai coulé ta GPA.

— Pour la PMA on remet ça l’an prochain ? »

Dans un camp comme dans l’autre, la trahison des idées aux intérêts électoralistes est criante et elle exacerbe les tensions entre les pro et les anti qui se sentent les uns et les autres mal représentés et mal compris. Alors on a vu des milliers de gens défiler dans un camp comme dans l’autre, on a lu des dizaines de slogans à l’emporte-pièce, on a eu droit à des postures à la télévision, à des outrances, à des mots comme décadence ou civilisation, mais où était le débat réclamé ? Beaucoup de bruit pour rien.

Les végétariens ont raison de défendre un régime alimentaire sain en accord avec l’idée de développement durable et le respect de la dignité animale.

 Nous sommes en passe (et il est bien temps) d’accorder des droits aux animaux pour empêcher qu’ils soient traités uniquement comme des objets, mais une part de nous reste habituée à l’exploitation de la ressource qu’ils représentent. Le fait de consommer (depuis toujours) des animaux, de les tuer, de les élever parfois de manière cruelle conduit à un phénomène de rationalisation. Ce mécanisme, bien connu en psychologie, nous amène à abaisser la valeur que nous accordons aux objets ou aux individus envers lesquels nous nous sommes mal comportés, de sorte que nous nous inventons une excuse pour notre comportement passé afin de le rendre cohérent, puisque toute incohérence de notre comportement induit une désagréable dissonance que nous désirons fortement éviter. Les végétariens, par leur simple présence, remettent en cause le précieux roman intime que nous nous racontons pour nous déculpabiliser. Parce qu’au fond, ils ont raison, et nous le savons.

Quelques repères lexicaux :

Végétarien : Ne consomme pas de chaire animale ni aucun sous-produit de l’abattage des animaux comme la gélatine (Ceux qui consomment du poisson sont appelés Pescétariens).

Végétalien : Personne consommant uniquement des végétaux (donc ni lait, ni miel).

Végan : Personne ne consommant aucun produit obtenu par l’exploitation animale (élevage ou test sur animaux), que ce soit de la nourriture, des vêtements, des produits cosmétiques

Fléxitarien : ce mot nouveau désigne une personne ayant un régime essentiellement végétarien ou végétalien mais qui pour diverses raisons (souvent sociales) s’accorde des dérogations ponctuelles.

Carniste : Individu qui consomme de la viande. Ce sont un peu les moldus de l’univers végan.

Ces étiquettes servent de typologie, elles sont des conventions de langage et ne correspondent bien sûr à aucun dogme. Aucune loi n’empêche une personne qui consomme du poisson de se considérer comme végétarien. Un prochain article entrera dans le détail des différents régimes et des discours qui les accompagnent.

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Le cri de la carotte.

Être végétarien est un choix qui permet de vivre aussi bien que n’importe quel mangeur de bifteck et d’avoir une alimentation aussi variée qu’on peut l’imaginer. Les végétariens ne sont pas responsables du manque d’imagination des autres (dont font partie certains restaurateurs) qui trouvent leur assiette triste si elle ne contient pas un tournedos ou une côtelette.

Les végétariens ne sont pas moins sportifs, moins actifs, moins énergiques. Au contraire, leur choix de vie peut s’accompagner assez logiquement d’une plus grande attention apportée au choix des aliments, à leur qualité, à leur provenance, et de manière générale à l’hygiène de vie. Ils doivent pourtant endurer les remarques agaçantes de quelques carnistes qui considèrent que ne pas manger de viande est un signe de faiblesse (avec le délicieux flou artistique qui consiste à ne pas savoir si la faiblesse serait la conséquence ou la cause de ce comportement).

D’un point de vue écologique (et économique et social), le régime végétarien a bien des avantages. Outre qu’il ne requière pas de tuer (directement) un animal pour produire de la nourriture, ce régime ne nécessite aucune des installations d’élevage de races à viande qui consomment plus de la moitié des récoltes mondiales, produisent des déchets organiques polluants pour les nappes phréatiques (le lisier n’est pas un mince problème en Bretagne) et consomme des quantités importantes d’eau, d’énergie et d’antibiotiques, bref notre consommation en viande pose de sérieux problèmes sanitaires et ne cadre pas avec un développement durable.

Le monde se porterait donc mieux si les humains devenaient universellement végétariens, tandis qu’à l’inverse, les ressources de la planète ne suffiraient pas à nourrir les humains si tous consommaient autant de viande qu’un européen moyen. Il s’agit donc d’un sujet sérieux. Il semble évident que l’idéal de tout végan qui se respecte est de vivre dans un monde où tout le monde serait végan, on pourrait donc s’attendre à ce que le discours des végans soit accueillant, englobant, qu’il invite à la réflexion ceux qui n’ont pas (encore) fait ce choix de vie et les encourage à tenter l’expérience sur les bases rationnelles que nous venons d’évoquer. Or, ce n’est pas vraiment ce à quoi nous assistons.

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Cela ne les empêche pas d’avoir tort…

Les images chocs, la dénonciation d’une population complice et donc coupable, la culpabilisation des foules que l’on rend responsables de l’héritage culturel qui leur a été transmis sont des démarches récurrentes dans le monde du végétarisme. On n’hésite pas à avoir recours à la rhétorique de la peur en propageant des informations tendancieuses, voire erronées comme l’exagération de la nocivité de la viande.

Ainsi on partage Un article de Sud-Ouest au titre fracassant : « Manger de la viande réduirait l’espérance de vie » . L’article affirme (bêtement) un lien de causalité directe entre la consommation de viande et l’espérance de vie, quand en réalité les études montrent que l’absence de viande n’est pas la seule particularité du régime végétarien par rapport à la moyenne des autres régimes : la diversité, la qualité des aliments, la culture physique sont aussi différents et ces paramètres là ont très probablement un effet supérieur à celui de l’absence de viande. C’est ce qu’on appelle une corrélation trompeuse ou l’Effet Cigogne : On observe en Alsace un pic de population de Cigognes concomitant avec un pic de natalité : cette corrélation n’indique nullement que les Cigognes apportent les bébés.

Dans le registre des arguments qui ne rendent service à personne, on ne compte plus les messages, les billets ou les commentaires qui comparent les conditions d’abattage des animaux de boucherie avec les camps d’extermination nazis. On a beau être sensible à la cause animale, il semble peu rationnel et en tout cas peu acceptable dans le monde actuel de mettre un signe égal entre la vie d’un être humain et celle, disons, d’un cochon. L’affinité des animaux envers leurs semblables devrait constituer a minima un témoignage de la part de la nature, et notamment desdits cochons. N’est-ce pas le minimum d’humanisme que l’on puisse attendre que d’accorder plus d’importance aux individus de sa propre espèce ? Comparer l’abattage des cochons (immensément critiquable, souvent odieux et indéniablement barbare pour toutes les générations à partir d’un avenir pas si lointain) à l’extermination fanatique d’un peuple, symbole même du crime le plus atroce qui se puisse concevoir, n’est pas apte à susciter la réflexion. Le point Godwin est toujours le point d’arrêt du débat. Pour cela, une telle comparaison ne peut en aucun cas servir la cause de la souffrance animale et du véganisme.

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La souffrance animale ne peut plus être le seul argument.

D’aucuns voudront juger « spéciste » mon refus de considérer sur un même plan un génocide et l’abattage de millions d’animaux de boucherie. Sans nier que la question du spécisme peut et doit se poser, j’attire leur attention sur le résultat qu’ils espèrent obtenir d’un tel débat dans le monde actuel et sur l’énergie qui serait mieux dispensée à expliquer les véritables conséquences bénéfiques qu’on peut attendre, à tous les niveaux, d’un changement de régime alimentaire.

Dans les revues et les forums spécialisés, on lit un peu trop souvent des articles qui prennent des libertés avec les faits scientifiques pour affirmer tout de go que l’Homme n’est pas omnivore. Certains végans s’aventurent dans les eaux profondes et tumultueuses de l’idéologie d’où l’on peut tirer toutes sortes de serpent de mer pourvu de les invoquer avec suffisamment de ferveur. On peut alors s’affliger à la lecture que …

1— L’être humain n’est pas fait pour boire du lait de vache ou de brebis en raison de son incapacité à digérer le lactose… La vérité étant que la capacité à digérer la lactose à l’âge adulte s’est répandue chez certaines populations humaines d’il y a 10.000 ans[1] auxquelles elle a apporté un avantage nutritionnel de première importance et a fixé l’activité d’élevage laitier jusqu’à nos jours. Il est donc tout simplement faux de dire qu’il n’est pas naturel pour un adulte de boire du lait ; comme souvent l’appel à la nature est un signe de mauvaise rhétorique. Dans un autre ordre d’idée, on a aussi accusé le lait de causer l’autisme, mais des travaux en 2005 et en 2009 n’ont montré aucun lien[2].

2– L’organisme humain ne serait pas carnivore ni même omnivore en raison de sa denture, de la conformation de sa mâchoire, de sa salive, de la longueur de ses intestins… et de ses ongles.

Il serait un pur herbivore naturel. Tout cela est si typiquement faux que notre denture est très similaire à celle du cochon, omnivore s’il en est, que nos intestins ont une longueur intermédiaire entre ceux des herbivores (longs) et ceux des carnivores (courts) et que les primates actuels qui nous sont le plus apparentés sont également omnivores. Par ailleurs, si vous pensez que les griffes sont nécessaires à un carnivore, parlez-en à un requin. Une réponse sur le régime alimentaire « naturel » de l’Homo sapiens est accessible sur cette page : https://www.vrg.org/nutshell/omni.htm#conc (en anglais).

Une fois encore, que cherche-t-on à nous dire ? Qu’il existerait un état naturel où l’homme aurait un comportement alimentaire moralement supérieur ? En plus d’être factuellement erroné, cette approche semble négliger la beauté qu’il peut y avoir à s’élever au dessus des comportements instinctifs et à définir par nous-mêmes, culturellement, sociologiquement, en un mot humainement ce que doit être notre régime pour en tirer plaisir et nutrition tout en respectant des valeurs que l’on chercherait vainement dans la jungle.

3 — Ceux qui ne respectent pas les interdits de leur « caste » (végératien, végétalien, végans) sont la cible d’attaques dont la violence détonne avec la philosophie prônée. Certes, le choix de devenir végétarien / végétalien / végan suppose des efforts et quelques sacrifices dans une société conçue par et pour les omnivores. Les motivations peuvent être multiples (saines, le plus souvent, mais parfois pathologiques) et vont du simple choix gastronomique à l’idéologie de la décroissance globale en passant par le militantisme pour le droit des animaux. Quand la motivation est d’ordre politique ou moral, le discours qui l’accompagne est souvent lui aussi de cet ordre, et l’appartenance à une « communauté » végétarienne / végan / etc. peut devenir le motif pour juger la morale et/ou la position politique de ceux qui n’ont pas (encore) fait le même choix. On a montré que dénoncer un bouc-émissaire était un comportement ancestral très puissant, avec pour bénéfice de souder une communauté autour de valeurs communes. Doit-on se résoudre à employer ces méthodes préhistoriques ?

On assiste à une radicalisation de certains discours autour des étiquettes citées plus haut. Certains végétaliens s’arrogent le droit de critiquer les fléxitariens ou les végétariens, coupables de moins s’investir dans la cause. Certains végans critiquent tous les autres, jugés complices du système qui exploite la souffrance animale, et une grande partie de l’énergie de ces personnes se transforme en croisade contre ceux qui, en définitive, partagent l’essentiel de leurs valeurs.

carnistes et végans

Carnistes et Végans ont besoin de regarder dans la même direction

 Conclusion

Si le régime végétarien (végétalien/végan) est un choix respectable et respectueux, et probablement celui vers quoi tend l’évolution de la société, on ne peut pas le justifier n’importe comment. Utiliser un argument aussi fallacieux que l’appel à la nature, doublé d’une négation de l’histoire évolutive (la consommation de la viande est une étape importante de notre histoire en tant qu’espèce) n’est pas à la hauteur des enjeux.

Il faut cesser de s’abuser sur le niveau d’adaptation de notre corps pour le régime omnivore qui le caractérise ou de culpabiliser ceux qui dérogent au régime idéal. L’abandon des nourritures carnées est un choix moderne qui a besoin d’un discours apaisé, positif et rationnel pour être accepté dans notre culture pour l’instant encore trop réfractaire. Chaque fois qu’un « carniste » a le sentiment d’être l’ennemi des Végans, la cause recule.

 

 —-

[1] Bersaglieri, T.; Sabeti, P. C.; Patterson, N.; Vanderploeg, T.; Schaffner, S. F.; Drake, J. A.; Rhodes, M.; Reich, D. E.; Hirschhorn, J. N. (2004). « Genetic Signatures of Strong Recent Positive Selection at the Lactase Gene ». The American Journal of Human Genetics 74 (6): 1111–1120. doi:10.1086/421051. PMC 1182075

[2] Truswell, A.S. (2005), « The A2 milk case: a critical review », European Journal of Clinical Nutrition 59: 623–631, doi:10.1038/sj.ejcn.1602104

February 2009, EFSA review of scientific literature on A1 and A2 milk, Review of the potential health impact of β-casomorphins and related peptides

Revenons aux textes

Les Saintes Écritures ne sont pas mystérieuses ni équivoques dans le compte-rendu qu’elles livrent de la Création de notre Univers.

Pendant un certain nombre de siècles, les récits de l’ancien testament, et en particulier celui de la Genèse, ont été pris pour ce qu’ils étaient : l’histoire des débuts du monde, le récit de la création de l’Univers et de l’Homme. En tant que tentative assez primitive de répondre à des questionnements fondamentaux, afin de comprendre le monde, ces récits mythiques remplissaient un rôle aujourd’hui dévolu à la science. Le but des Écritures était d’expliquer le monde, il aspire à raconter l’Histoire, et il le fait avec moult détails. Évidemment, il n’était pas question d’allégorie, de symbolique, mais de la véritable histoire telle qu’elle s’est déroulée.

Le monde y était créé en 6 jours de 24 heures. Et la Terre est donc âgée, tout au plus de 10.000 ans.

C’est le point de vue des Créationnistes « Terre Jeune » (CTJ) qui vilipendent la libéralité des interprétations de leurs confrères Créationnistes « Terre Vieilles » qui se rendent coupables de désirer un peu trop fort un accommodement des textes avec les faits et les connaissances produites par la science de ces derniers siècles.

création

Les Écritures sont explicites sur la chronologie des origines du monde.

 

 Des créationnistes « cohérents ».

Les CTJ font remarquer que Dieu aurait pu créer l’univers en trois millisecondes. Sa toute puissance n’a pas de limite et rien ne l’oblige à passer par d’assommants milliards d’années. Il est donc inutile de se demander ce que Dieu aurait pu faire, mais bien ce qu’il a fait en réalité, et pour cela il faut se fier à ce qu’il a dit.

Genèse 1 est d’une clarté limpide : Dieu réalise sa création en six jours.

Cela est répété dans Exode 20:8-11 «Car en six jours l’Eternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s’est reposé le septième jour: c’est pourquoi l’Eternel a béni le jour du repos et l’a sanctifié.» (Bible Louis Second)

D’ailleurs, il suffit de regarder l’ordre dans lequel il a travaillé pour voir que ce n’est pas compatible avec un univers datant d’il y a 14 milliards d’années.

— La Terre est faite le jour 1. Le Soleil et la lune (et les autres étoiles) : jour 4. Et le mot utilisé (Hebreu asah) veut bien dire fabriqué, et pas dévoilé ou autre interprétation. Il est écrit que le Soleil, les Galaxies et tout le reste est créé après la Terre.

— Le troisième jour sont créés tous les végétaux, des mousses aux fougères, des algues aux séquoias, et avant que le moindre animal ne voit le jour. Il n’y est pas question d’évolution, aucune histoire commune avec des pollinisateurs et aucun soleil pour la photosynthèse ! Mais cela ne dérange pas les CTJ car le soleil était créé dès le lendemain… alors que si les jours durent des millions d’années, ça ne marche pas; L’interprétation CTJ est ici plus… logique.

créationisme

C’est pourtant simple, c’est écrit, là !

Bien sûr, le mot Jour écrit dans l’Ancien Testament en hébreu peut avoir différents sens dans la langue d’alors et surtout dans celle d’aujourd’hui, mais l’interprétation des Jour-Eons ne fonctionne pas, en vertu de la grande précision du texte de la genèse : « il y eut un matin, il y eut un soir : ce fut le premier jour » (et idem pour les 5 suivants) c’est explicitement un jour de 24 heures, et il a toujours été enseigné en ce sens avant que l’on se mette à vouloir faire coïncider le texte avec les dires de la science moderne.

Le Nouveau testament n’est pas en reste sur le sujet. Jésus a cité la Genèse au sujet de l’origine du mariage : «  Mais au commencement de la création, Dieu fit l’homme et la femme » (Marc 10:6). Comment parler de commencement si 5 périodes de plusieurs millions d’années se sont écoulées avant ? Cette citation montre bien que Jésus croit à une Terre Jeune.

 Quelles conséquences ?

Bien sûr, cette lecture littérale implique que Dinosaures et Hommes ont pu se croiser, que le déluge était mondial, que l’Arche de Noé a existé, et que l’Humanité entière descend de ses fils.

créationniste

La lecture littérale de la Bible n’a pas que des mauvais côtés quand on a 8 ans [Image credits: Saddled Triceratops at the Creation Museum in Kentucky originally posted to Flickr by John Scalzi and released under a CC-BY-2.0 license. Obtained from WikiCommons.]

Cette démonstration peut être retrouvée sur différents sites (http://eternallifeseries.com/creation-and-the-age-of-the-earth/)

Cela ne les empêche pas d’avoir tort.

D’un point de vue théologie pur, la discussion semble futile. La majorité des croyants éduqués admettent les données des sciences modernes à la lumière desquelles ils relisent les Écritures avec toujours la distance interprétative adéquate pour transformer en symbole les détails qui ne peuvent plus être accepté dans leur sens littéral. La messe est dite, car la position des accommodationnistes est à la fois irréfutable et socialement souhaitée.

Du point de vue des faits, bien sûr l’astronomie, la géologie, la paléontologie, la chimie, la biologie et le corpus général des sciences de la nature et de l’humain sont formelles : l’âge de l’univers et de la terre se compte en milliards d’années et l’être humain est le produit du long processus de l’évolution au travers du crible des mutations génétiques et de la sélection naturelle. Mieux qu’un fait, c’est l’unique conclusion valide de toutes les théories qui sont à la fois le produit et la source de nos connaissances. Bref, c’est comme ça.

Conclusion

Si les CTJ ont raison sur l’esprit initial des Écritures, comme il semble bien que cela doive être le cas, alors les conclusions qu’ils en tirent sont à considérer avec un minimum de respect. Or, que disent-ils ?

« Les faits sont simples, on ne peut pas logiquement croire à la fois dans l’évolution et dans la Bible. Un choix doit être fait entre les deux. On peut choisir la théorie de l’évolution construite par l’Homme (…) ou bien choisir de croire la Parole du Seigneur qui jamais ne se flétrit mais « demeure éternellement » (1 Pierre 1:24-25).  »

L’incompatibilité entre les Écriture et les apports de la science est pleinement dénoncée par les croyants les plus attachés au respect du sens initial des textes. Dont acte.

Pour aller plus loin.

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 Lettre ouverte à Dany Caligula, de la chaine Youtube « Doxa ».

Dany, je regarde de temps en temps votre chaine qui « lutte contre les préjugés et les lieux communs ». J’ai été attristé hier par votre vidéo sur l’athéisme et les religions. Elle verse systématiquement dans la facilité, la démagogie et une sorte d’accommodationnisme mou. Je vais devoir être « cynique », puisque c’est ainsi que vous étiquetez un peu hâtivement ceux qui émettraient des critiques sur votre point de vue. Pour des raisons de brièveté, je vais me retenir de revenir sur chacune des phrases qui mériteraient un commentaire pour me concentrer sur les principaux problèmes. Cela va déjà nous occuper un petit moment. D’emblée, je tiens tout de même à vous remercier d’avoir abordé ce sujet. C’est l’occasion de revenir sur quelques-unes des nombreuses erreurs que l’on entend au sujet de l’athéisme et des religions.

 De fausses équivalences.

Vous commencez pas dénoncer « les mêmes travers » chez les athées et chez les croyants sans préciser exactement ce qui serait symétrique chez ces deux groupes. Ce manque de précision sera récurrent tout au long de la vidéo. Selon vous, les églises ont commis des persécutions « à l’encontre des messages de leur Bible », ce qui revient à croire que la Bible propose un message d’amour et de paix. Peut-être n’avez-vous jamais entendu parler de Yahvé, massacreur d’enfants, terrifiant dieu jaloux qui a tous les attributs du pervers narcissique : exigeant l’amour de ses créatures, il se repait de la culpabilité qu’il inspire chez sa proie. Je suppose que vous n’aviez pas conscience que le nouveau testament est explicitement en accord avec l’ancienne alliance, c’est-à-dire le message de l’ancien testament. Si la persécution est encore aujourd’hui menée au nom des religions et jamais au nom de l’athéisme, j’y vois un fait significatif, et je m’étonne qu’il vous ait échappé.

Votre désir de paix est réconfortant, et votre intention est bonne, mais la démonstration floue qui vous sert à renvoyer dos à dos athées et religieux extrémistes est au mieux futile, au pire irresponsable. Quand vous dites que « L’athéisme est avant tout une construction spirituelle très concrète basée sur des principes tangibles », vous oubliez que l’athéisme est en fait une vision du monde qui s’affranchit d’un concept divin jugé inutile. Point. C’est bien là le seul point commun à tous les athées. Rien ne les oblige à devenir nihilistes, communistes ou humanistes. Dire le contraire serait donner dans l’essentialisme, dans le préjugé, bien loin des exigences de la philosophie et des objectifs de votre chaîne.

Dieu est courroux

Dieu est courroux

La nature de la morale

Quand vous dites : « Les grands idéaux semblent faire l’unanimité, comme la tolérance, le respect ou la compassion », c’est un peu court, mais on aimerait y croire. On aimerait vraiment y croire, sauf qu’il faudrait pour cela nier la manière dont Yahvé traite ceux qui ne sont pas son « peuple élu », nier que le Coran est jalonné d’appels au meurtre des incroyants, et nier que Jésus soit érigé comme seule et unique voie d’accès au paradis (ce qui signifie l’enfer pour les autres). Je suis étonné que vous n’ayez pas évoqué cela, j’imagine que c’était difficilement compatible avec votre désir d’imposer le statut quo et de rassurer tout le monde pour nous convaincre que personne n’a tort.

En évoquant la valeur morale des dix commandements vous avez fait une très mauvaise pioche. La première table, dans son intégralité, est destinée à glorifier un dieu qui se qualifie lui-même de « jaloux », s’empresse d’interdire toute mention à d’autres divinité, ne souffre pas que des idoles soient adorées, que son nom soit profané, que le jour du seigneur ne soit pas respecté sous peine de malédiction sur treize générations. Le culte du chef absolu et la politique de la terreur semblent plus important que les autres lois qui viennent ensuite et qui sont bien moins développées : honore ton père et ta mère, ne tue pas, ne commets pas d’adultère, ne vole pas, ne produis pas de faux témoignage, et enfin ne convoite rien qui appartienne (la maison, les servantes, les bœufs, ou la femme) à ton prochain. [Cf notre article : les 10 commandements et la morale]

les 10 commandements

Le décalogue a une valeur morale très… discutable.

La règle d’or, ou principe de réciprocité, que l’on peut énoncer par comporte-toi avec autrui comme tu voudrais qu’il se comportât avec toi n’est pas d’origine religieuse. On la retrouve dans toutes les cultures, et elle dérive de la théorie de l’esprit conjuguée aux contraintes du mode de vie social des humains et des pré-humains. La preuve en est que l’altruisme n’est pas le propre de l’Homme, on le retrouve chez plusieurs animaux (primates, mammifères, oiseaux, etc). Nous vivons malheureusement dans une société qui imagine que cette règle a été inventée par la religion. Le rôle positif de la religion dans la diffusion de cette idée est fort possible, mais la religion est aussi et surtout un cadre qui rend justifiables des comportements autrement impensables comme la torture, l’éradication d’une culture, l’intimidation et la mutilation des enfants.

La règle d'or

La règle d’or

Le poids de l’Histoire.

Si, comme vous le dites, l’Espagne du 13ème et du 14ème siècles est un symbole de mélange culturel qu’on admire depuis des siècles (en oubliant un peu que ce mélange se fait à coup de conquêtes militaires, mais soit.), il demeure curieux de vous entendre professer que les merveilles architecturales seraient dues aux « élans religieux ». On est d’abord en droit d’accorder le mérite aux artisans, aux savants, aux bâtisseurs (laïques) de ces édifices remarquables. La beauté des églises, des temples, des mosquées et synagogues n’est pas le résultat de la religion, mais bien plutôt de la concentration des pouvoirs, en particulier du pouvoir financier, dans l’escarcelle des clergés ou des seigneurs désireux de manifester leur crainte de Dieu.

On pourrait vous demander des preuves du lien de causalité entre la religiosité et la capacité à être un artiste. Je vous souffle la réponse que vous connaissez sans doute : l’éducation a très, très longtemps reposé exclusivement dans les mains des autorités religieuses. Une éducation athée, ça n’existait pas. Ce qui est en cause, c’est donc la main-mise de la religion sur la culture au cours des siècles. Notons que des chefs-d’œuvre architecturaux continuent d’être produits, et qu’il ne s’agit plus, la plupart du temps, d’édifices religieux. En revanche, comme vous l’avez rapidement évoqué, les « élans religieux » sont directement responsables de comportements violents comme les croisades ou l’inquisition, et jusqu’aux massacres qui se passent en ce moment même en Afrique, de musulmans par des chrétiens ou de chrétiens par des musulmans.

respect athéisme

Le nécessaire respect des religions

 Le dilemme du « bon » croyant.

Quand vous attribuez à des « brebis galeuses » les messages violents « sous couvert religieux », vous posez la question de la définition du bon croyant versus le mauvais croyant, mais sans aborder la moindre réflexion dessus. Comment douter que les hommes qui se font exploser au nom de Dieu soient moins impliqués, moins imprégnés de religion que les croyants modérés qui adhèrent aux valeurs morales contemporaines inspirées par le siècle (anticlérical) des Lumières ? Les croyants les plus intégristes sont les plus fidèles aux textes, les plus attachés au sens original, les plus assujettis au code moral périmé qui avait cours lors de leur rédaction ; les qualifier de brebis galeuses est un non-sens, hormis dans le paradigme accommodationniste qui veut la paix à tous prix, serait-ce au sacrifice de l’esprit critique.

En parlant d’esprit critique, je m’étonne que vous soyez témoin d’une « incompréhension mutelle », quand on sait qu’une étude a montré que les athées avaient une meilleure connaissance de la Bible que les croyants (juste avant les juifs et les mormons).

Un athéisme extrême ?

Je suis d’accord avec vous quand vous plaidez qu’il « ne faut pas s’en prendre aux personnes mais aux convictions », ce qui est exactement l’angle critique des athées ‘militants’ tels que Dawkins, Dennett, Hitchens ou encore Harris. Aucun d’entre eux n’a jamais sous-entendu que ses opposants souffriraient une demi-éternité en enfer, ni commis la moindre incitation à la haine ou à la violence. J’imagine donc que cette critique était adressée aux apologètes et aux autorités spirituelles (songeons à l’appel au meurtre de Salman Rushdie), auquel cas c’est par erreur que vous aurez dénoncé un « prosélytisme athée rempli de certitude ». Pour vous situer le niveau de certitude, le coup d’éclat prosélyte de l’association de Richard Dawkins a été de diffuser en 2009 sur les bus londoniens le message :

« Dieu n’existe probablement pas. Maintenant, arrêtez de vous angoisser et profitez de la vie. »

Dawkins fundation london bus

L’athéisme radical de la fondation Dawkins

 On est a priori désireux d’acquiescer quand vous nous invitez à « ne pas se priver des différentes sagesses que proposent les religions », mais comme vous n’en citez pas une seule, je me demande si vous vouliez parler de la croyance en la sorcellerie, dans le créationnisme, dans l’existence d’animaux parlants ou bien des conseils du Lévitique sur le meilleur moyen de vendre votre fille en esclavage.

Tout compte fait, je ne sais pas si ces exemples vous auraient permis d’ajouter ensuite : « si nous les suivions mieux, les principaux préceptes des spiritualités amèneraient sûrement à une véritable éthique et à une tolérance profonde », ce qui me paraît concorder avec le discours ambiant de la religion privée de son pouvoir de coercition d’autrefois, mais fort peu avec le contenu des textes que vous auriez peut-être dû consulter afin d’en citer des passages à l’appui de votre thèse.

New atheism

La transgression du « nouvel athéisme ».

Athéisme & religion… c’est forcément compliqué.

 Le sujet est bien sûr épineux, et vous vous exposiez à la critique en connaissance de cause. J’espère que vous voudrez bien croire que ma démarche s’inscrit dans la critique nécessaire aux échanges d’idées.

Je vous encourage dans votre entreprise de vulgariser des notions pour susciter le débat, mais il serait préférable de ne pas commettre autant d’approximations, de jugements et d’omissions, même pour la bonne cause. Le message de paix sociale et de dialogue entre les individus que vous défendez n’a rien à craindre d’une réelle analyse critique qui mette chacun devant ses responsabilités. Décréter que tout le monde est a égalité parce que c’est plus gentil est un piètre service à rendre à ceux qui en ce moment même se questionnent sur leur rapport avec une religion dans laquelle ils ont été élevés dès leur petite enfance sans avoir jamais reçu la liberté de remettre en cause les dogmes qui leur sont inculqués.

Conclusion

S’il est souhaitable que s’installe un dialogue intelligent entre les individus et qu’on peut regretter toutes les formes de violences verbales, y compris celles de certains athées envers les croyants, il ne faut pas tomber dans le piège relativiste de considérer que les torts seraient partagés au niveau des ‘doctrines’ religieuses et athées. Les individus athées peuvent être discourtois, intolérants et stupides, mais pas plus que les croyants de toute obédience, le problème n’est donc pas l’individu mais les idées qui le motivent. Or, aucune autorité supérieure n’adoube l’odieux blasphémateur qui crache dans le vin de messe, aucune idéologie dominicale n’est là pour justifier une Croisade agnostique ou un Djihad antithéiste, nul livre de chevet d’un Dawkins ou d’un Hitchens ne prône l’ostracisme des croyants ou le communautarisme. Tout simplement parce que l’athéisme n’est pas une religion.

« Si l’athéisme est une religion, alors chauve est une couleur de cheveux. » (Anonyme)

 Humour athée

Pour aller plus plus

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La cause est bonne.

 

Les antiracistes ont raison d’être vigilants, de dénoncer les propos haineux, de combattre les injustices, les mauvais traitements, la violence physique ou morale que l’on inflige trop souvent à ceux qui font « l’erreur » de naître différents de nous.

Le racisme est une idéologie selon laquelle les qualités d’une personne sont déterminées par son appartenance à un groupe ethnique qui lui transmet des comportements, des idées, des aspirations jugées inférieures ou dangereuses. Cette manière de juger les autres est profondément encrée dans la manière dont notre cerveau fonctionne, héritage d’un long passé tribal où celui qui est différent représentait une réelle menace pour la survie du groupe.

La psychologie sociale nous apprend que nous avons en nous une puissante tendance à catégoriser les choses et les êtres et à leur attribuer des qualités intrinsèques, et qui nous porte à surestimer les facteurs internes (liés à la personne elle-même) par rapport aux facteurs externes (liés aux circonstances) quand il s’agit d’expliquer le comportement de quelqu’un. Cette tendance a un nom, c’est l’erreur fondamentale d’attribution[1].

 

pointe du doigt

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La mesure du danger ?

Les Anti-OGM ont raison de vouloir empêcher une certaine technocratie de prendre le contrôle de nos assiettes. Exiger une nourriture de bonne qualité et refuser les réponses toutes faites de la puissante industrie agro-alimentaire est légitime. La logique du profit est régulièrement la cause de dégâts considérables sur la santé publique. Si besoin en est, la maladie de la vache folle nous donne le parfait exemple des conséquences de l’exploitation intensive des ressources agricoles[1]. Cette crise sanitaire et le choc qu’elle a engendré ont conduit au principe de précaution sur lequel s’appuient désormais presque toutes les critiques adressées aux industries agro-alimentaires et pharmaceutiques. Il nous faudra revenir un de ces jours sur le sacro-saint principe qui paralyse facilement l’esprit critique.

Les porteurs d’alerte ont raison d’entretenir la vigilance, d’exiger que les produits vendus fassent l’objet de contrôles drastiques tout au long de la chaine de production et de douter de la bonne foi des industriels qui affirment qu’il est de leur propre intérêt de vendre des produits entièrement sains pour conserver leur clientèle à long terme, car même si l’argument est valide il est malheureusement en décalage avec la réalité des décisions souvent prises à courte-vue.

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La rhétorique de la peur a-t-elle la moindre vertu ?

Cela ne les empêche pas d’avoir tort.

Les « Faucheurs Volontaires », mouvement essentiellement français, détruisent des parcelles agricoles pour protester contre les OGM et empêcher leur culture. Une grande partie d’entre eux militent aussi pour l’arrêt des recherches (oui, l’arrêt de la science), raison pour laquelle des expériences en champ ont été détruites à plusieurs reprises, conduisant à l’arrêt des programmes qui avaient pour but de répondre à la question des bénéfices que les OGM peuvent apporter (on parle surtout ici de bénéfice sociétal, sanitaire, etc.) mais aussi de leurs dangers potentiels. Quelle autorité supérieure les Faucheurs pensent-ils détenir pour agir sur la seule foi de leur conviction au mépris du travail des chercheurs ?

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Les Anti-OGM ont assez d’arguments dans leur escarcelle pour peser sur les débats, pour imposer une surveillance accrue des procédés agro-alimentaires, pour obtenir la transparence et la visibilité des résultats de la  recherche. Pourquoi n’a-t-on pas des résultats à la hauteur des attentes ? Peut-être parce que, trop souvent, ils décident que leurs bonnes intentions à elles seules les autorisent à mener une véritable croisade avec tout ce que cela implique d’irrationnel, de passionnel et de violence. Une partie d’entre eux considèrent que parce qu’ils sont du côté des gentils, tout ce qui va dans leur sens est nécessairement bien. Si toute publication scientifique qui va dans leur sens est parole d’évangile, voici qui permet au chercheur Gilles Séralini de survendre dans les journaux un article censé démontrer la nocivité des OGM[2]. L’article en question, si l’on prend le temps de le lire, est d’ailleurs parfaitement édifiant. Les tests réalisés sur des souris nourries de manière conventionnelle et d’autres nourries avec un maïs transgénique montrent que l’OGM particulier utilisé dans cette étude, le NK603, n’a statistiquement pas d’effet sur leur santé. Voilà. La seule conclusion que l’on peut tirer de cette étude est que le maïs transgénique utilisé n’a aucun effet visible sur la santé des souris. Las, pendant plusieurs mois on nous a fait croire que le papier montrait 1) la nocivité des OGM (et pas seulement de NK603),  2) sous-entendu pour l’Homme. Un tel décalage entre les résultats d’une étude et l’exploitation idéologique que l’on en fait jette un terrible discrédit sur la cause des anti-OGM. Cette démarche ne fait qu’entretenir la confusion chez le public qui va d’une inquiétude à une autre sur tous les sujets de société. La rhétorique de la peur que l’on brandit ici est l’ennemie de la réflexion et du jugement raisonné.

Il faut se débarrasser de toute idéologie quant aux dangers potentiels des OGM. Ne rien nier, mais ne rien inventer non plus. Il n’existe à l’heure actuelle aucun modèle scientifique qui permette de supposer que les OGM représentent une menace pour la santé des consommateurs. Or, en l’absence de travaux (empêchés par les anti-OGM), nous n’aurons pas de réponse éclairée à ces questions. Les anti-OGM devraient très rapidement se demander quel type d’argument pourrait leur prouver qu’ils ont tort. S’ils n’en trouvent pas, qu’ils s’inquiètent sans plus attendre car ils sont déjà du mauvais côté de la frontière floue qui sépare le gouffre irrationnel du petit îlot défendu par la raison.

Conclusion

Si veiller à ce que la nourriture soit saine, goûteuse, respectable de l’environnement, des droits de l’homme et de la dignité de ceux qui la produisent est un objectif non seulement noble, mais crucial, l’entreprise mérite d’être conduite avec de vrais arguments et de rassembler autour d’elle les citoyens grâce à la démonstration rationnelle de ses positions, sans prendre en otage les chercheurs ou les journalistes, sans employer la force en lieu et place du raisonnement.

 

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[1]Pour rappel, des animaux destinés à la consommation humaine ont été nourris avec des « farines animales » produites à partir de carcasses et de cadavres. Des épizooties se sont déclarées, notamment au Royaume Uni, dans les années 1990. La maladie en cause, l’encéphalopathie spongiforme bovine, est causée par un prion. Le prion est une protéine, et n’a donc pas de métabolisme, raison pour laquelle il résiste à la congélation, à la dessiccation et à la plupart des conditions de transformations des produits (y compris la pasteurisation). Le temps de comprendre cela… le mal était fait.

[2] Pour se rendre compte du crédit scientifique qu’il est possible d’accorder à ce monsieur, une visite de la page wikipédia qui lui est consacrée peut s’avérer utile : http://fr.wikipedia.org/wiki/Gilles-%C3%89ric_S%C3%A9ralini . On y parle notamment de résultats invalidés par les experts du domaine, de « Prix du  Scientifique international de l’année 2011 » factice et de conflits d’intérêt…

Cet autre lien s’intéresse aux problèmes du journalisme scientifique dans « l’affaire Séralini » http://www.acrimed.org/article4063.html.

Contre la violence des extrémismes

 

Les croyants modérés représentent la majorité des croyants vivant dans les pays dit « développés » et probablement une grande proportion des croyants en général. On les dit modérés car ils veulent vivre leur foi, transmettre leurs traditions tout en s’intégrant à la société actuelle, sans heurt.

Ils considèrent avec raison que le terrorisme ne peut pas être le mode d’expression d’une sagesse venue du ciel. Ils refusent l’oppression des plus faibles au nom d’un dogme, et en particulier la mutilation des jeunes filles, qui subissent l’infibulation afin de les priver de tout plaisir sexuel (parce que naturellement, cela ne peut que conduire ces petites perverses à une débauche abominable). Les croyants modérés et leurs représentants sont pour la liberté de conscience, aucun ne réclame plus aujourd’hui la pénalisation du blasphème, ce qui n’allait pas de soi il y a moins d’une génération.

Les régimes intégristes de part le monde, les théocraties, n’ont bien sûr pas les mêmes scrupules. On emprisonne et on torture les blogueurs qui émettent la moindre critique sur tel ou tel prophète. Et comme c’est surtout dans le monde musulman que ça se passe, l’abus va jusqu’au crime avec la décapitation des femmes insoumises ou infidèles à un mari qu’elles n’ont pas choisi, ou bien la pendaison des homosexuels. La théocratie n’est pas un régime souhaité par les croyants modérés, car ils en connaissent les dangers.

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La Terre est plate d’après plusieurs autorités religieuses saoudiennes.

Dans ce que l’on appelle les « démocraties », le gouvernement se porte en général garant des libertés individuelles, mais certains groupes religieux au sein de ces pays tuent au nom de la protection de la vie : des médecins pratiquant l’interruption volontaire de grossesse ont ainsi été assassinés. L’Église de Westboro, obsédée par l’homosexualité, se réjouit bruyamment des attentats du 11 septembre ou de la mort de chaque soldat américain tué en mission, ou encore des ravages des ouragans, en affirmant que c’est la punition de Dieu pour la trop grande bienveillance du pays envers les gay. En Israël, autre démocratie, les juifs intégristes prônent l’implantation de nouvelles colonies juives dans les territoires occupés, dans le but de chasser les non-juifs de la terre promise et au mépris des efforts de paix déployés depuis plus d’un demi-siècle. Dans le camp d’en face, la violence armée fait souvent office d’argument dans le conflit religieux qui empoisonne la vie des habitants. Les autorités modérées condamnent ces pratiques qu’elles jugent contraires à leurs valeurs.

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L’église baptiste de Westoboro aime la liberté d’expression. Et la Lettre de la Bible.

Cela ne les empêche pas d’avoir tort.

Les croyants modérés considèrent que les actions citées plus haut sont indignes, injustes et répréhensibles. Précisons, à toutes fins utiles qu’on sera d’accord avec eux. Mais on les entend aussi dire que si les extrémistes ont tort, c’est parce qu’ils ne sont pas de vrais bons croyants, parce qu’ils ne respectent pas l’esprit du livre saint (Bible, Coran, Torah, etc.). Cette rhétorique est répétée en chambre d’écho dans la presse. Et on en arrive à entendre sur toutes les ondes, sur toutes les lèvres que le croyant modéré est le seul, le vrai, l’unique. Le modéré aurait la bonne lecture des textes, la lecture qui passe par le filtre de la philosophie du siècle des lumières, ce qui est quand même bien pratique. Ainsi estampillé, le « bon croyant » est l’alibi qui permet à tous les hommes politiques de répéter que l’islam, le catholicisme, le judaïsme sont des religions de paix. Au nom de l’objectif louable et ardu de pacifier les relations entre les Hommes, une idée fausse est érigée au rang de vérité indiscutable.

« No true scotsman… »[1]

C’est une idée fausse, car fondée sur ce que, dans le registre des sophismes, on appelle une définition flottante (ou ad hoc), une définition que l’on peut modifier à volonté de façon à n’avoir jamais tort. Dans de nombreuses sectes, chez les témoins de Jéhovah par exemple, celui qui quitte le groupe, dès lors qu’il est apostat, est déclaré n’avoir jamais été un vrai croyant. De la même manière, quiconque commet un crime peut aussitôt être considéré comme n’ayant jamais vraiment appartenu à la communauté. Rien n’est plus facile dès lors que d’étiqueter « bon croyant » celui qui se comporte comme un vrai croyant doit se comporter, sans plus de précision. Cet étiquetage flou est une manœuvre extraordinairement puissante qui réussit l’exploit de dissocier les religions des grands crimes qu’elles commettent ou que l’on commet en appliquant leurs textes (ce qui revient un peu à la même chose).

Qu’est-ce qu’un bon croyant ?

Parce que, quand même, est-ce qu’on ne devrait pas se demander en quoi les religieux intégristes, les fanatiques, les terroristes qui se font exploser au nom de leur dieu, ne sont pas de « bons croyants » ? Si on leur demandait leur avis, ils s’estimeraient probablement plus dignes que d’autres de ce libellé. Comment leur donner tort ? Ils sont souvent très pratiquants, respectent les interdits alimentaires, et observent les différentes obligations. Et quand bien même leur conduite de tous les jours serait discutable, ils citent volontiers les écritures à l’appui de leurs idées ou de leurs actes. En réalité, les atrocités commises au nom de la religion sont très aisément justifiables par un nombre considérable de passages des Écritures.

Les talibans qui ont presque assassiné la jeune Malala parce qu’elle désirait s’instruire, aller à l’école, n’ont pas besoin de chercher longtemps les passages qui interdisent l’instruction aux femmes et leur imposent l’obéissance aux hommes en toutes circonstances, directives divines que l’on retrouve dans le Coran, mais aussi dans l’Ancien Testament… Ce sont des hommes violents, des criminels, on peut les mépriser mais il n’y a aucune raison objective de les qualifier de « mauvais croyants ».

 L’argument du « mauvais croyant qui n’a pas compris son texte sacré » utilisé par les autorités religieuses modérées pour se désolidariser des intégristes criminels est un moyen démagogique d’acheter la paix, il est une insulte à la raison et contribue à empêcher les croyants, en particulier les plus jeunes, de questionner les fondements de la foi qui leur a été inculquée. Cette démission face à l’irrationnel était flagrante en 2006 lors de l’affaire des caricatures de Mahomet  ; le Président Chirac a certes condamné les violences (évidemment), mais a surtout insisté sur le respect que l’on devait aux croyances de chacun en dénonçant « les provocations manifestes susceptibles d’attiser dangereusement les passions»[2][4]. On flirte allègrement avec l’idée de blasphème dont on a dit tout à l’heure qu’elle était pourtant étrangère aux valeurs actuelles des croyants modérés… sauf quand les extrémistes font assez peur à tout le monde pour qu’on leur cède sur le terrain de la liberté.

free speech

La ligne de démarcation de la liberté d’expression.

 

Conclusion

Si dénoncer les fanatiques religieux et leurs crimes incessants est une bonne cause, considérer qu’ils sont de mauvais croyants qui n’ont pas compris leur religion est un mauvais moyen de le faire. Cela revient à valider la stratégie des autorités religieuses qui veulent se dédouaner de toute responsabilité vis-à-vis de leurs éléments violents.

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[1] http://en.wikipedia.org/wiki/No_true_Scotsman

[2] http://www.lefigaro.fr/international/2006/02/09/01003-20060209ARTFIG90129-caricatures_chirac_denonce_les_provocations_.php

[3] http://abcnews.go.com/US/kidnapper-ariel-castro-calm-cooperative-prison-home/story?id=19864481

Contre les réactionnaires

Les défenseurs des études sur le genre ont raison de dénoncer la posture idéologique des réactionnaires qui nient le déterminisme de l’environnement social dans les comportements « genrés ».

 Il y a deux catégories d’êtres humains : les hommes et les femmes. C’est une vérité qui semble acquise. La génétique a magistralement confirmé cette vérité en nous annonçant que les chromosomes étaient unanimes : XX pour les femmes, XY pour les hommes. La Nature (avec une majuscule) a donc parlé.

Et pourtant il existe des humains avec la paire de chromosome XY dont l’organisme ne répond pas aux hormones androgènes : leur corps se développe comme celui d’une petite fille. Comment doit-on les considérer ? Ont-ils le droit à l’autodétermination, eux qui n’entrent pas dans les catégories prévues ?

On estime que les individus « intersexués », c’est-à-dire présentant des caractères anatomiques pas tout à fait mâles ou pas tout à fait femelles, représente 0.2 à 2% des naissances. Ce n’est pas si marginal, et cela devrait être un indice que la grande vérité dont nous parlions est plus un vœu pieux qu’une réalité conforme aux faits. L’identité sexuelle, qui n’est pas seulement affaire de chromosomes, est-elle réductible aux attributs physionomiques qui nous collent à la peau ? Les transexuels nous montrent le contraire : le corps est insuffisant pour déterminer si son propriétaire s’identifie comme un homme ou comme une femme.

études de genre

Tiens, pourquoi cette image est-elle drôle ?

 

Les études sur le genre ne se limitent pas aux questions d’identité, mais cherchent à connaître la genèse des comportements que l’on s’accorde si aisément à trouver féminins (la danse, la vaisselle, le commérage) ou masculins (la conduite sportive, le bricolage, la vulgarité). Ces études mettent en exergue que la part de ces comportements qui est due à des facteurs innés est plus faible que ce que l’on croyait dans les siècles et décennies passées. Les chercheurs démontrent de plus en plus que les comportements « genrés » répondent à des injonctions tacites, plus ou moins subtiles, souvent inconscientes, de notre environnement. Un garçon ça ne pleure pas. Une petite fille doit être coquette. Si l’on répète tant ces choses aux enfants, n’est-ce pas parce que ces comportements ont besoin de leur être inculqués afin qu’ils leur semblent ensuite « naturels » ?

gender studies

C’est un peu plus compliqué qu’une simple question de dualisme.

Cela ne les empêche pas d’avoir tort.

Défendre les études sur le genre est une bonne chose. Pour autant, on peut lire ici et là que « le genre est un fait », que « le genre n’est pas une théorie », ce qui sous-entend qu’un fait c’est mieux qu’une théorie, qu’un fait c’est solide, c’est véridique, tandis qu’une théorie, c’est vague, c’est de l’ordre de l’hypothèse, et puis si ça se trouve c’est bidon.

L’origine de ce rejet du mot « théorie » est à chercher du côté des réactionnaires qui ont brillamment réussi à imposer leur élément de langage « théorie du genre« . Sortie de nulle part, mais pas sans raison, cette étiquette vise à distiller le doute sur la validité du concept. Après tout, chacun sait que ce qui est théorique, c’est ce qui n’est pas pratique, une théorie ce n’est pas un fait, c’est une hypothèse, parfois une pure fiction… Sauf que point du tout ! Et il faut se garder de tomber dans le panneau.

La théorie en question.

J’ai bien peur qu’il soit nécessaire de se pencher sur la définition du mot « théorie ». Allons-y franco : la gravitation n’est pas un fait, c’est une théorie… Voire plusieurs théories : on a celle de Newton et celle d’Einstein, et d’autres viendront peut-être plus tard. Les faits sont nombreux : les pommes tombent, les planètes sont rondes, les astres s’attirent, mais aucun de ces faits n’explique rien sur le fonctionnement du monde. Ca, c’est le job de la théorie qui rassemble les faits, les met en perspective, offre une interprétation logique et cohérente qui permet de prédire les résultats de futures expérimentations afin d’être validée (ou réfutée). Une théorie est le parachèvement de la démarche scientifique qui vise à l’explication du monde. Autre exemple : l’évolution des espèces n’est pas un fait, c’est une théorie qui rassemble les faits et nous fait découvrir une histoire. Ce qui la rend si passionnante, c’est l’histoire qu’elle permet de raconter, et pas la collection brute de fossiles ou de séquences génétiques qui, eux, sont les faits. Là réside le problème que soulève ce billet : confondre les concepts de faits et de théorie.

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« Tu utilises tout le temps ce mot. Je ne pense pas qu’il signifie ce que tu crois. »

Il existe d’innombrables faits qui nous montrent tous les jours que le genre masculin et le genre féminin sont des constructions sociales qui ne doivent pas grand-chose à la nature. La nature produit des sexes, mais pour parler de genre, la culture est quand même plutôt indispensable, parce qu’il est difficile de trouver quels attributs d’une femelle alligator la rendent plus féminine que ses congénères mâles, tandis que je peine à voir en quoi une éléphante serait moins virile qu’un éléphant. Tous ces faits convergent : ils nous montrent que le genre est le résultat de codes omniprésents dans la société. Mais le genre, lui, n’est pas un fait, il est le concept émergeant qui donne de la cohérence aux faits. Si un jour les anthropologues, les sociologues, les psychologues et les biologistes expliquent comment le comportement d’un être humain se conforme à un modèle sexué en réponse aux contraintes de son environnement, nous aurons peut-être une vraie théorie du genre. Ce sera une excellente nouvelle, car cela voudra dire qu’on a pigé quelque chose sur le fonctionnement du monde. Et le genre, qui ne sera « qu’une théorie », aura pour lui la force de la démarche scientifique, la même force qui permet aux biologistes d’être fiers que l’évolution soit, elle aussi, une théorie et rien d’autre.

 Conclusion

Si défendre les études sur le genre afin que la compréhension des mécanismes qui encodent nos comportements débouche sur une lutte plus efficace contre les discriminations et les violences fondées sur les catégories « genrées » actuellement reconnues et même défendues par la société, il serait sage de le faire sans sacrifier le sens des mots comme « théorie » ou « fait » car nous en aurons besoin pour comprendre de quoi nous parlons.

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