On identifie sans mal certaines idéologies pour ce qu’elles sont : des combinaisons de valeurs, d’idéaux et des stratégies déployées pour les défendre.

Diamond Tema est le pseudonyme d’un auteur et vidéaste agnostique de 30 ans dont la chaine compte plus de 800k abonnés. Né en Albanie, il grandit en Turquie après ses 4 ans, et a la binationalité Albanaise-Turque.

« Il a travaillé comme directeur de diffusion sur des chaînes de télévision locales pendant environ 2 ans et a réalisé des documentaires sur l’histoire ottomane. Il produit du contenu lié à l’histoire, à la philosophie et à la science sur YouTube. Diamond Tema est également connu pour son livre « Agnosticisme et tragédie divine »[1]

Son militantisme contre le dogmatisme religieux lui vaut des attaques régulières. Tout récemment a été diffusé un débat[2] où il est opposé à Asrin Tok, un sunnite défenseur la charia (une « version utopique et rêvée» selon Diamond) au cours duquel il a évoqué un argument récurrent chez les apostats et contre-apologètes de l’Islam : l’âge de Aïcha au moment d’épouser le prophète (Elle avait 6 ans. Et 9 ans quand il a couché avec elle).

« Tema, qui s’est fait connaître lors du débat sur la « charia » qu’il a eu avec le phénomène des médias sociaux pro-charia Asrın Tok sur la chaîne YouTube « Yer6 », est devenu le centre d’attention des internautes. »[3]

Dans cet entretien, il demande s’il est logique de marier une enfant de 6 ans, si c’est bien moral. Il cite les sources théologiques de référence des sunnites, le « Sahih Boukhari », qu’il tient dans les mains tout en parlant. Sa conclusion : « Vous ne pouvez pas épouser une fille de 6 ans dans un système autre que la charia. »

Beaucoup de gens ont décidé de s’offenser de ses déclarations. Il reçoit des quantités d’insultes et de menaces de mort.

En France, théoriquement, il serait protégé par la loi ; ses harceleurs finiraient condamnés.  Dans la Turquie de 2024, c’est différent : « Faisant une déclaration sur son compte de médias sociaux, Aslan Değirmenci, coordinateur des médias numériques de la Direction des communications de la présidence, a déclaré : « Une enquête a été ouverte contre la personne nommée Diamond Tema, qui a insulté notre Prophète dans l’émission appelée Yer6, pour les crimes d’insulte à un segment du public et insulte envers les valeurs religieuses réglementées aux 2ème et 3ème alinéas du TCK 216/216. » « Une interdiction d’accès a également été demandée. » »[4]

Diamond Tema a grandi en Turquie, mais il a choisi de retourner vivre en Albanie en raison du climat oppressant autour de lui. Il vient d’annuler un voyage en Turquie où il dit qu’il risque de se faire emprisonner (ou pire). Un hashtag existe pour répondre au harcèlement qu’il subit  #diamondtemayalnızdeğildir (en français : #DiamondTemaNestPasSeul)

 

En somme : les autorités de Turquie, jadis un grand pays laïque, semblent décidées à s’acharner sur un intellectuel qui énonce des questions dérangeantes pour la religion lors d’un débat poli et argumenté sur Internet. Rien de très nouveau : quand la religion a du pouvoir, elle en abuse. Le dogmatisme est l’ennemi de la tolérance. Nous devons nous en souvenir et défendre fermement la nécessité d’une parole anti-religieuse partout dans le monde.

L’histoire de Diamond Tema rappelle celle de l’égyptien Sherif Gaber[5]. Pour « outrage aux religions « et « incitation à l’athéisme » le blogueur-vidéaste est condamné à 9 ans de prison. Depuis 4 ans, il tente de fuir son pays où l’islam a le pouvoir de détruire ceux qui émettent des critiques.

Son histoire est accessible sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sherif_Gaber. Celle de Diamond Tema ne l’est pas (encore).

 

En tant que vidéaste et auteur contre-apologétique, je suis solidaire de ces deux hommes et de toutes celles et ceux qui mènent le combat contre l’obscurantisme sur des territoires où leur liberté et leur vie sont en jeu. C’est la raison qui doit nous guider, car elle permet de convaincre et d’être convaincu, là où la foi excelle surtout à justifier l’injustifiable.

Acermendax

 

 

MISE à JOUR (18 juin 18h)

Un mandat d’arrêt est annoncé sur Twitter

« Ministre de la Justice Yılmaz Tunç : « En raison des expressions insultantes, laides et provocatrices utilisées à l’égard de notre Prophète dans le contenu vidéo partagé sur le compte de réseau social nommé Yer6, le parquet général d’Istanbul a immédiatement ouvert une enquête d’office le 16.06.2024 après ce message a été publié sous l’accusation « d’incitation publique à la haine et à l’hostilité ». Un mandat d’arrêt a été émis contre le suspect Diamant Tema, alors qu’il se trouvait à l’étranger. Les expressions provocatrices, laides et provocatrices utilisées concernant la religion de l’Islam et notre Prophète bien-aimé ne sont jamais acceptables. « L’enquête est menée de manière minutieuse.


[1] https://www.cumhuriyet.com.tr/yasam/diamond-tema-kimdir-diamond-tema-kac-yasinda-nereli-2218163

[2] https://www.youtube.com/watch?v=w8-A-hi7hkA&t=4718s&ab_channel=Yer6Film

[3] https://tr.al-ain.com/article/diamond-tema-kimdir-gercek-adi-ne

[4] https://marmarismanset.com/foto/20539299/diamond-tema-kimdir-ne-mezunu-ve-neden-gundemde

[5] https://charliehebdo.fr/2024/06/international/sherif-gaber-portrait-dun-athee-en-fuite-dans-son-propre-pays/

https://x.com/Acermendax/status/1795214383716430209

À quoi peut bien servir la zététique dans le contexte de 2024 ?

 

« Esprit critique : pensée réflexive et rationnelle dédiée à décider ce qu’il faut croire et ce qu’il faut faire. »

Cette définition de Robert Ennis est imparfaite, mais elle est largement acceptée comme un excellent résumé.

 

Or donc : en 2024, que faut-il croire ? Sans doute un maximum de choses vraies et aussi peu de choses fausses que possible. Comme toujours, selon moi. Il est probable aussi qu’il soit utile de croire que nos problèmes ont des solutions, que la panique nous en éloigne, que la peur est mauvaise conseillère et la colère peu fiable, qu’investir dans le savoir, l’éducation et la culture du débat a des chances de nous ouvrir plus de portes que les choix alternatifs.

Et que faut-il faire ? Chacun jugera… Probablement faire les choix qu’on a le moins de risque de regretter, défendre les valeurs qui nous semblent irréductibles, dissiper le brouillard des mythes sur l’histoire du monde, des peuples et des dirigeants, attirer l’attention sur le bien commun dont la poursuite a permis de grandes avancées.  Et lutter contre les discours qui n’ont de succès qu’en court-circuitant notre rationalité. Je me permets de considérer que l’on contribue à tout ça quand on fait la promotion de l’esprit critique.

 

La zététique n’appartient à aucun parti politique, mais elle n’est pas « neutre », elle participe d’un engagement pour la place de la raison et des sciences dans nos décisions individuelles et collectives (demandez aux intégristes s’ils trouvent ça neutre !). Elle fournit des outils qui aident chacun à se poser des questions utiles et pertinentes ; je la compare à une sorte de logiciel antivirus pour l’esprit. En situation de conflit idéologique, elle nous aide à nous demander :

  1. Pourquoi pensé-je ce que je pense ?
    • Parfois je n’ai pas de réelle bonne raison de croire X, et je ne le comprends qu’en faisant l’effort de les chercher. Si ma seule raison de croire X est que cela me permet d’appartenir à un groupe… ce groupe mérite-t-il que je veuille en faire partie ?
  2. Quelles sont mes priorités ?
    • Il y a des idées que je peux m’abstenir de défendre ; et d’autres au sujet desquelles je suis en mesure et en devoir d’agir. Je suis le seul à pouvoir les distinguer.
  3. En vue de mes priorités, quelles attitudes dois-je adopter pour tendre vers les résultats souhaités ?
    • C’est ce qu’on appelle la rationalité instrumentale. Attention : elle peut conduire à des actes très méthodiques et monstrueux si elle s’appuie sur des valeurs qui le permettent.
  4. Ai-je bien pris en compte mes affects et ceux des personnes à qui je m’adresse ?
    • Je serais fautif de négliger les émotions de ceux que je veux convaincre par la raison (c’est ce que j’appelle le paradoxe de la rationalité, Cf chapitre 5 de L’Esprit critique pour les Nuls)
  5. Que puis-je faire pour rétablir une vérité malmenée par des groupes qui savent s’attirer la sympathie de gens qui vivent autour de moi ?
    • Bon courage, la réponse ne viendra pas sans avoir sérieusement pensé aux 4 premières questions.

Celles et ceux qui défendent la zététique ne peuvent le faire que parce nous vivons dans une démocratie (pleine de défauts) où la liberté de conscience et d’expression est garantie, où le mérite d’une idée, normalement, ne repose pas sur l’identité de celui qui l’émet (principe d’égalité), où chacun a acquis des notions clés sur la manière d’évaluer la confiance qu’on peut accorder à un énoncé. Ceux qui, au nom de la liberté, adulent le modèle autoritaire liberticide Russe délirent, se mentent à eux-mêmes où croient malin de prêcher le faux pour mieux détruire un ennemi idéologique : vous connaissez l’histoire du futé qui scie la branche sur laquelle il est assis.

 

Sur la démographie, l’énergie, le climat, la géopolitique, le maintien de l’ordre, la santé publique… je peux choisir de me fier corps et âme à un « camp » dont j’ai décidé qu’il avait raison. Mais comme disait Einstein « Ceux qui aiment marcher en rangs sur une musique : ce ne peut être que par erreur qu’ils ont reçu un cerveau, une moelle épinière leur suffirait amplement. »*

Je suis une personne rationnelle si je sais douter des arguments et des méthodes mises au service d’idées qui me sont chères. Si mes idées sont défendues par la violence, par l’outrance, par des phrases fallacieuses, des promesses extravagantes ou l’appel à la colère et à la haine qui brident le sens critique, j’ai très sérieusement intérêt à réexaminer mes raisons d’adhérer à ces idées et mon envie de donner du pouvoir à des individus qui agissent de la sorte. Il y a des camps politiques qu’on trouve systématiquement du côté des dérives sectaires, de l’emprise mentale, de l’intégrisme et de l’anti-science ; on sait ce qu’ils font avec le pouvoir qu’ils réussissent à obtenir.

 

L’existence d’une culture rationaliste, scientifique et laïque n’est pas une évidence ni un cadeau de la providence mais le résultat d’une histoire que nous ne connaissons pas assez bien. Ce joyau est menacé quand des populistes autoritaires et dogmatiques s’approchent du pouvoir et pourraient acquérir la capacité à entraver les travaux des chercheurs, des penseurs, des journalistes et des citoyens qui, en défiant les évidences et les mythes, permettent que nous nous débarrassions tous d’idées fausses, handicapantes, illusoires, et nous gardent focalisés sur cette chose dont, bizarrement, plus personne ne parle alors que nos ancêtres nous l’envieraient : le progrès.

 

J’ai un seul conseil : amenez votre esprit critique avec vous dans l’isoloir.

En fait j’en ai un deuxième : don’t be a dick.

 

Acermendax
____________

* Vous avez détecté un argument fallacieux d’appel à l’autorité : félicitation. C’est assez facile à repérer dans l’argumentaire des gens avec qui nous sommes en désaccord ; le vrai défi est de ne pas l’accepter de la part de ceux qui défendent des idées qui nous semblent vraies, en tout cas si la rationalité fait partie de vos valeurs.

Article invité

Cannelle m’a contacté pour me faire part de son avis sur l’état de son métier. Je lui ai demandé de mettre tout cela sous la forme d’un texte publiable. Le texte est publié sous pseudonyme car elle estime que le signer avec son nom la mettrait professionnellement en danger. Le lecteur est invité à le recevoir comme un témoignage. Mon souhait est qu’il mette sur la table des questions que la profession a probablement besoin d’éclaircir autant en interne que vis-à-vis du public.

Acermendax

 

 

Si l’ostéopathie est inefficace, pourquoi cette discipline est-elle si plébiscitée en France ? Etant kinésithérapeute depuis de nombreuses années et ayant pratiqué dans différents types de structures au cours de ma carrière, j’ai accès à des informations de l’intérieur.  Pour prendre un angle différent, je vais donc partager avec vous les informations que j’ai sur l’organisation de cette « mafia » en France et comment elle prospère.

 

Les hautes sphères de la kiné

Les ostéopathes ont infiltré toutes les « hautes sphères » de la kinésithérapie, donc on ne peut plus rien contre eux en tant que kinésithérapeute. Les kiné-ostéopathes ont des postes clés dans les syndicats de kinés, l’ordre des kinésithérapeutes, les écoles de kinésithérapie etc. Il est devenu bien trop dangereux de les critiquer publiquement.

 

Les écoles de kiné

De plus en plus d’écoles de kinésithérapie ont créé des écoles d’ostéopathie qui leur sont rattachées, et incitent leurs étudiants à « approfondir » leur pratique en continuant avec une formation d’ostéopathe avec des tarifs préférentiels une fois diplômés en tant que kinésithérapeute. C’est devenu un business très lucratif pour les écoles.

 

Un intérêt pécunier certain pour les kiné-ostéo

Être kiné + ostéopathe est beaucoup plus avantageux financièrement que d’être simplement kiné. Le prix de base d’une séance de kinésithérapie est de 16 euros environ et le kinésithérapeute est obligé de déclarer aux impôts tout l’argent qu’il touche car tout passe par la CPAM lors des télétransmissions. Il lui est impossible de tricher : tous ses revenus sont taxés.

 

A contrario, le prix moyen d’une séance d’ostéopathie est de 60 euros et il suffit à l’ostéopathe de dire au patient qu’il ne possède pas de lecteur de carte bancaire pour prendre l’argent en liquide. Il a alors la possibilité de ne pas déclarer cet argent aux impôts.

C’est la raison pour laquelle beaucoup de kinésithérapeutes ont un grand intérêt à avoir cette double casquette de kiné-ostéo et ont tout intérêt à protéger leurs intérêts financiers. Certains ont peu d’esprit critique et croient réellement à l’ostéopathie, mais beaucoup le font sans y croire ou bien finissent par être convaincus par l’argent. Après avoir échangé avec beaucoup de collègues, je peux vous assurer que nous sommes nombreux à avoir hésité à faire la formation sans y croire et beaucoup de ceux qui hésitaient entre plusieurs formations post diplôme ont choisi l’ostéopathie pour cette raison.

 

 

Lobbying sous différentes formes

Cette inégalité de revenus entre les kinés et les kiné-ostéo a poussé les kiné-ostéo à faire du lobbying et à se protéger des attaques de kinés anti ostéopathie. Ils peuvent se payer des avocats, ils ont des appuis dans les syndicats, dans l’ordre des kinés… S’opposer à eux est bien trop dangereux et personne n’oserait le faire de façon franche comme l’ont fait les médecins contre les médecins homéopathes.

Le pouvoir de nuisance du conseil de l’ordre est bien trop puissant. Ils peuvent ralentir ou empêcher notre installation lorsque l’on change de cabinet, ils peuvent interdire à un titulaire de prendre de nouveaux assistants dans son cabinet, nous empêcher d’exercer etc.

 

Un bon kiné honnête est un kiné pauvre. En cas d’attaque en justice, il ne s’en sortira jamais. Et j’exagère à peine sur l’emploi du mot « pauvre ».

Il faut bien se rendre compte que la seule façon pour un kiné de gagner sa vie, c’est d’être un peu malhonnête. La séance de base étant fixée par la CPAM à un peu plus de 16 euros, si l’on prend un patient par demi-heure (et il est dur de faire du bon travail autrement) et que l’on se fait taxer à mort comme vous ne pouvez pas l’imaginer, il ne reste pas grand-chose à la fin du mois, même en faisant de gros horaires.

On se retrouve donc avec de très nombreux kinés qui se dirigent vers des médecines parallèles pour faire plus d’argent, tandis que d’autres kinés se retrouvent à prendre plein de patients en même temps et font donc du mauvais travail.

Les kinés qui se retrouvent « forcés » de faire du mauvais travail pour gagner leur vie correctement font donc une très mauvaise image à la kinésithérapie, et les patients se retrouvent à aller voir des praticiens de médecines parallèles ou des kiné-ostéo car ils peuvent se permettre de passer plus de temps avec eux. Au final, le bon plan pour un kiné ostéo est de faire de la kinésithérapie pour que le patient aille mieux, faire un peu craquer le patient pour le folklore et l’effet placebo en justifiant son tarif comme cela.

La seule vraie solution pour remettre de l’ordre là-dedans serait soit d’augmenter le tarif de base d’une séance de kinésithérapie ou bien de tolérer les dépassements d’honoraires dans toute la France comme ils le font déjà à Paris. On ne pourra pas s’en sortir sans cela.

 

L’influence et la publicité

Les influenceurs : les kiné-ostéopathes ont tout intérêt à devenir influenceur car cela leur permet d’augmenter grandement leurs tarifs par la suite. Cela permet aussi un « matrixage » global de la population qui les voit partout sur les réseaux et finit par penser que l’ostéopathie est une profession sérieuse avec une assise scientifique.

Il faut noter que même les influenceurs simples kinésithérapeutes ou coach sportifs se revendiquant EBP (evidence based practice) sont obligés de jouer le jeu des collaborations pour gagner des abonnés et il leur est très difficile de refuser une collaboration avec des ostéopathes ou étiopathes ayant autant ou plus d’abonnés qu’eux. L’influence est un business et il faut parfois accepter de faire des choses avec lesquelles on n’est pas en accord pour pouvoir en vivre correctement et le faire évoluer. On voit donc beaucoup de médecins, kinésithérapeutes et autres produire des vidéos instagram/tiktok en collaboration avec des praticiens de médecines parallèles. Cela ne les empêche pas toujours d’être pertinent dans leur contenu, mais ils mettent en avant des professions qui elles, ne le sont pas vraiment (certains influenceurs kiné font un travail exceptionnel et je ne remets pas cela en question, mais ce n’est pas l’objet de mon témoignage aujourd’hui).

On voit même apparaitre sur les réseaux des influenceurs se revendiquant « ostéopathe EBP » ce qui est un comble lorsqu’on sait sur quoi repose l’ostéopathie. Tout cela s’entremêle avec aussi le business des influenceurs kiné vendeurs de formation, mais j’y reviendrai plus bas.

L’image et l’influence se gagnent aussi dans les écoles : certains kiné-ostéopathes  mettent en avant le fait qu’ils sont professeurs dans des écoles de kinésithérapie. Même si les quelques heures qu’ils font en tant que prof ne leur rapportent pas grand-chose, pouvoir dire qu’ils enseignent leur permet de jouir d’une réputation et d’augmenter le tarif des séances de façon conséquente.

 

Idem pour les kinésithérapeutes dans les équipes de sport pro. Les équipes de sport pro aiment beaucoup recruter des kinés qui sont aussi ostéopathes car ils pensent que c’est un plus alors que c’est un simple argument commercial (mais les sportifs adorent cela, ils sont très croyants). Cela pousse les kinés à faire cette formation en plus. Des très nombreux patients pensent d’ailleurs que les kiné-ostéo sont meilleurs que les « simples kinés », c’est une réflexion qu’on reçoit souvent.

Le bon plan qu’ont trouvé beaucoup de kiné-ostéo d’équipes de sport est de travailler à mi-temps en tant que kiné de l’équipe de sport et à mi-temps dans un cabinet libéral où ils peuvent demander des tarifs beaucoup plus intéressants en tant qu’ostéopathe aux sportifs envoyés par les équipes et aux patients qui seront ravis d’avoir le même kiné qu’un sportif pro et souvent de pouvoir croiser ces sportifs professionnels au cabinet de leur kiné-ostéo.

 

La publicité pour les kinésithérapeutes est interdite (code de déontologie « R. 4321-67 Interdiction de la publicité »). Ce qui n’est pas le cas pour les ostéopathes qui peuvent donc occuper tout l’espace pour se mettre en avant. La vérité est que peu de kinés feraient de la pub même si c’était autorisé car nous avons beaucoup trop peu de kinésithérapeutes en France et beaucoup trop de patients donc nous ne pouvons déjà pas accepter tout le monde. Cela reste un facteur à signaler car cela rend d’autant plus visible les praticiens de thérapies alternatives.

 

Vous aurez remarqué que je parle essentiellement des kiné-ostéopathes et pas des simples ostéopathes car je pense que le métier d’ostéopathe survit grâce aux kiné-ostéopathes (par les différents moyens que j’ai cités plus haut). Le fait d’être kiné apporte naturellement énormément de patients car les séances sont remboursées par la CPAM donc même sans être influenceur, il est facile de se faire connaitre et de convertir une partie de ses patients vers l’ostéopathie pour gagner plus. Les simples ostéopathes ont plus de difficulté à se constituer une clientèle s’ils ne sont pas influenceurs, mais les choses semblent tout de même évoluer favorablement pour eux « grâce » à doctolib. Il est intéressant de noter au passage que doctolib a retiré de son site énormément de praticiens de médecines alternatives mais pas les ostéopathes. J’ai d’ailleurs remarqué que beaucoup de médecins croyaient également à l’ostéopathie. La mise en avant permanente des ostéopathes et l’impossibilité pour les kinés se rendant compte de la supercherie de dire publiquement ce qu’ils en pensent réellement fait que tout le monde est un peu perdu et pas seulement le grand public.

J’ai tout de même l’impression que les patients ayant certaines connaissances en science se rendent mieux compte de la supercherie. Je me souviens d’un patient docteur en biologie que j’avais laissé se changer dans une salle à côté de la salle où travaillait un collègue ostéopathe et il m’avait demandé à mon retour si nous avions un chamane dans le cabinet (on l’entendait à travers le mur). Il était étonné quand je lui ai dit que non, c’était simplement l’ostéopathe.

Je précise aussi qu’il y a une grande différence entre le discours public ou tenu sur les réseaux et le discours réellement tenu aux patients durant la séance ; j’ai pu le constater au contact des ostéopathes avec qui j’ai pu travailler.

 

Fonctionnement des écoles

La façon de juger de l’efficacité d’une thérapie n’est vraiment expliquée aux étudiants kinésithérapeutes que lors des deux dernières années du cursus, et je pense que tous n’ont pas le temps de réellement comprendre et peuvent rester très influençables aux thérapies alternatives. J’ajoute que très peu font preuve d’esprit critique de façon globale. Les étudiants en médecine et en kiné sont surtout des personnes avec de grandes capacités de mémorisation mais pas forcément de grandes capacités de réflexion. Une bonne mémoire est souvent suffisante pour obtenir son diplôme. J’ai été surpris à de nombreuses reprises par des confrères et j’ai de nombreuses anecdotes à ce sujet.

Comme je l’ai expliqué plus haut, les profs d’école de kiné s’évertuent à normaliser le raisonnement illogique de l’ostéopathie dans la tête des étudiants en kiné. Beaucoup d’étudiants en kiné sortent de l’école de kiné avec un syndrome de l’imposteur assez prononcé, et croient réellement aux discours des kiné-ostéo. Les kinés tout juste diplômés ressentent d’ailleurs la plupart du temps le besoin de faire tout un tas de formations supplémentaires pour se rassurer dans leur pratique. Je pense pour ma part qu’en sortant d’école, on a surtout besoin d’expérience et d’échange avec les collègues.

Les bonnes formations sont un plus et il est important de mettre à jour ses connaissances. Mais quand on voit les kinés influenceurs starifiés insister en permanence sur l’importance des formations complémentaires en se servant de chaque fait d’actualité pour redire que la formation initiale de kinésithérapeute n’est pas bonne… J’y vois une manière de renforcer ce syndrome de l’imposteur des nouveaux diplômés dans le but de leur vendre plus de formations (et les prix sont souvent très élevés). Ce sont principalement les jeunes diplômés qui achètent toutes les formations post diplôme.

Je me souviens qu’un très bon professeur que j’avais eu se moquait ouvertement des ostéopathes en cours… Quelques années plus tard, il devenait directeur de l’école d’ostéopathie de l’école d’ostéo rattachée à son école de kiné avant de devenir directeur de l’école de kiné elle-même. Comme il disait, « c’est de la politique ». Je me rappelle d’une phrase marrante qu’il avait prononcé en nous montrant une technique d’ostéopathie « et là vous fermez les yeux, ça vous donnera un air plus intelligent ».

Quand les étudiants qui suivent ce genre de formations pendant des années se rendent finalement compte que ce n’est que du placébo, c’est bien compliqué pour eux de trouver le courage d’arrêter et d’entamer une autre formation. Surtout pour un ostéopathe qui n’est pas kiné, ce sont des années de sa vie qu’il ne pourra pas rattraper. Et un investissement perdu.

 

Il existe une différence fondamentale dans la manière de s’adresser au patient. En école de kiné, on apprend à expliquer les choses avec un vocabulaire aussi simplifié que possible pour qu’il puisse comprendre ; on évite les termes trop scientifiques. Mes collègues kiné-ostéopathes avaient tendance à faire totalement l’opposé et à noyer leurs patients sous des termes incompréhensibles pour un non averti, alors qu’il est souvent aisé d’expliquer la même chose avec un langage classique.

J’ai demandé plusieurs fois à accompagner des collègues kiné-ostéo pendant leurs séances pour voir ce qu’ils faisaient. Je ne me suis jamais permise de critiquer leurs raisonnements car je ne voulais pas être irrespectueuse après qu’ils avaient gentiment accepté de passer une journée ou une demi-journée de travail avec moi. Par ailleurs je sentais bien qu’ils étaient plutôt susceptibles donc il valait mieux éviter de mettre une mauvaise ambiance dans le cabinet. Ce que j’ai remarqué tout de suite :

Ils posent énormément de questions en début de séance, des questions en grande partie totalement inutiles mais d’une apparence très technique ce qui donne l’impression au patient d’être bien pris en charge. La partie interrogatoire est assez longue.

En fin de séance, systématiquement, ils demandent au patient de ne pas faire de sport pendant un jour ou deux. Et surtout la phrase magique prononcée avec assurance « alors ce soir vous allez vous sentir fatigué, tout raplapla, c’est normal votre corps a besoin de relâcher blabla » histoire de jouer sur la suggestion, renforcer l’effet placébo et faire d’autant plus croire à l’efficacité de leur technique. Il est facile de suggérer à un adulte qu’il sera fatigué le soir suite à ces mystérieuses techniques et ça marche très bien (ça ressemble assez à une technique d’hypnose au final). Mais pour un enfant c’est différent donc la phrase est un peu adaptée : « alors soit il va être tout fatigué soit il va péter la forme et être tout excité », ensuite le parent n’a plus qu’à interpréter le comportement de son enfant dans un sens ou dans l’autre, ça fonctionne tous les coups.

 

Les dangers des techniques d’ostéopathie 

Concernant les dangers de l’ostéopathie, je reçois chaque année 2 ou 3 patients qui viennent me voir car un ostéopathe leur a fait sortir une hernie discale. Etant donné qu’il est difficile d’avoir des chiffres exacts, il est intéressant de noter que les assurances professionnelles obligatoires (RCP) font payer plus cher les kiné-ostéopathes que les simples kinésithérapeutes. On peut donc en déduire logiquement que les ostéopathes provoquent une quantité d’accidents bien plus importante. Les assurances doivent posséder ces chiffres.

 

 Pour conclure

On entend souvent l’argument du nombre d’années d’études qui revient aussi régulièrement chez les ostéopathes et chiropracteurs. Or, c’est très bien d’étudier quelque chose pendant longtemps mais vous pourrez étudier la sorcellerie aussi longtemps que vous voudrez, vous n’en développerez pas pour autant des pouvoirs magiques. Il faut que ce que vous étudiez soit solide. On notera que pour entrer en école de kiné, le concours est très sélectif alors qu’il suffit de payer l’école pour entrer en école d’ostéopathe, chiropracteur ou étiopathe. Les étudiants en ostéopathie ont d’ailleurs souvent échoué pour entrer en école de kinésithérapie ou ne se sentaient pas capables d’y arriver.

Les gens pensent souvent qu’il y a une guerre entre les kinés et les ostéopathes lorsqu’on essaie de leur expliquer pourquoi l’ostéopathie ne fonctionne pas… Mais retenez que les kinésithérapeutes ont déjà largement trop de patients et nous passons notre journée à nous faire engueuler par des personnes qui veulent des rendez-vous alors que nous n’avons plus de place. En jouant les naïves je dirais qu’à partir du moment où ces 4 métiers (kiné, ostéopathe, étiopathe et chiropracteur) prétendent soigner avec les mains et le mouvement, il n’y a aucune raison pour que ces 3 là ne soient pas un seul et même métier. La seule différence réelle est que le métier de kinésithérapeute s’appuie sur la preuve scientifique. Les autres métiers cités utilisent un langage scientifique mais sont purement empiriques et ne se basent que sur des croyances issues de raisonnements souvent tirés par les cheveux. À une époque c’était sans doute justifiable, mais plus en 2024. Je ne vois pas en quoi les métiers d’ostéopathe ou de chiro seraient jugés différemment des homéopathes à notre époque. S’ils n’ont pas été capables d’apporter la preuve de leur efficacité depuis le temps qu’ils existent, on a toutes les raisons de penser qu’ils n’ont simplement pas d’efficacité autre que l’effet placébo/contextuel.

J’ajoute qu’à partir du moment où une technique de chiro ou d’ostéopathie prouvera son efficacité, les kinés se mettront aussi à l’utiliser !

Cannelle

Le contexte appelle, je crois, une petite mise au point et je me permets d’apporter mon humble éclairage parce que je crois que certains conflits méritent d’être évités.

Quitter une religion ça peut se faire en toute décontraction, nous vivons dans une société multiculturelle où l’autodétermination est une règle générale. En théorie tout se passe bien. En France la loi est de votre côté : vous avez le droit de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou de ne pas pratiquer. C’est garanti.

Dans la réalité, c’est souvent au moins un peu compliqué parce que cesser de croire ça peut être angoissant, ça élimine des réponses toutes trouvées (même si elles sont alambiquées, illogiques et immorales) à des questions existentielles. Cela peut vous éloigner de votre famille et des gens que vous aimez, un phénomène qui e concerne pas que les sectes. Et puis ça peut vous mettre en danger dans tous les sens du terme. Dans certains textes religieux l’apostasie est punie de mort. Dans les pays où l’islam est religion d’état l’apostasie est théoriquement passible de mort, parfois dès l‘âge de 7 ans.

 

Ne nous mentons pas : prendre son autonomie intellectuelle en s’écartant des religions, c’est une des conséquences habituelles de l’utilisation des outils de la pensée critique. Les mouvements sceptiques à travers le monde ont pour origine la résistance aux discours autoritaires des religions, comme le siècle des Lumières doit son nom à une révolte intellectuelle contre l’obscurantisme chrétien (et l’arbitraire du système féodal). La zététique n’est pas l’amie des textes religieux ni des croyances, mais elle n’est pas l’ennemie des personnes qui croient. C’est important de le redire, il existe des scientifiques, des zététiciens, des défenseurs de la pensée critique qui par ailleurs sont croyants. Evidemment il s’agit d’une croyance modérée, pleine de nuances qui accepte les influences de la société et prend une distance critique vis-à-vis des textes et des traditions. La plupart d’entre nous sont des non-croyants.

Il faut peut-être rappeler que sur le mariage forcé, les crimes d’honneur, les mutilations génitales des jeunes enfants, l’esclavage, les droits des LGBT, les droits des femmes, le droit au corps en général, les religions n’ont jamais été sur le front du progrès et ont toujours été des forces en retard sur les changements de la société. Attention aux nuances : il y a toujours eu des croyants du bon côté de ces combats, mais ils s’opposaient alors à des croyants qui pouvaient bien plus aisément citer les textes sacrés à l’appui de leur position. Qui étaient les bons et les mauvais croyants ? Ca n’est pas à moi de le dire.

À travers l’histoire, les religions s’accommodent parfaitement des dictatures, les institutions religieuses n’ont jamais combattu les fascismes. Les religions constituent une force qui s’oppose constamment aux efforts des mouvements politiques attachés au progrès, que ci et là on appelle le wokisme. Par conséquent si vous voyez un « woke » défendre une religion, c’est que quelque chose cloche dans votre analyse de la situation ou dans la sienne.

De cela on peut tirer quelques conclusions : les apostats sont en lutte contre un pouvoir qui a des ambitions intégrales, qui croit être en relation directe avec le créateur du cosmos et estime donc être en droit d’imposer sa volonté partout où elle le peut : les théocraties sont leur régime fétiche. Les apostats sont du côté de l’autodétermination. Ça ne les oblige pas à devenir des gauchistes furibards, mais a priori ça les met du même côté quand au combat contre les oppressions, les injonctions, les jugements, les menaces perpétrées au nom de la croyance.

 

La démarche de l’apostat a cela d’intéressant qu’il ou elle peut porter une parole interne, qui vient du terrain, qui est chargée d’un vécu, qui sait à quoi ressemble les contraintes imposées au croyant et la composition du corpus idéologique inoculé à la population. C’est un concerné.

Mais les concernés n’ont pas toujours raison, ce serait étrangement dogmatique de penser le contraire.

 

Les apostats en retour, s’ils ont la volonté de ne pas simplement se défouler contre un ennemi mais espèrent faire œuvre utile pour tout le monde, auront à cœur d’écouter comment leur parole est reçue et comprendront que leur mouvement d’émancipation n’intéresse pas sincèrement les identitaires qui ne jurent que par leurs propres récits collectif, leur propres légendes et traditions.

Je parle ici tout particulièrement des apostats de l’Islam ; iIs verront, j’en suis sûr, que leur combat est au contraire proche de celui des défenseurs de la laïcité et des libertés individuelles. Ils prendront donc soin de répondre clairement aux tentatives de récupération de ceux qui cachent tant bien que mal leur racisme derrière une critique de ce qu’ils considèrent comme la religion des immigrés. Les apostats n’ont pas vraiment de mouvement structuré, ils sont en train de se construire, j’espère qu’ils sauront trouver de bons alliés.

Et pour être un bon allié, je crois fermement qu’il ne faut pas prétendre savoir mieux qu’eux où doit porter leur critique, ou connaître plus justement la rhétorique à laquelle ils doivent faire face.

Je voudrais ne plus entendre qu’ils sont caricaturaux et anachroniques en s’attaquant au texte du Coran. Pardon, mais c’est bien au texte qu’il faut revenir, et c’est pareil pour la Bible, la Torah et tous les textes qui se veulent sacrés, puisque c’est dans le texte que les criminels, les gourous, les oppresseurs, les puissants trouvent à foison des phrases qui justifient leurs avantages, leurs décisions et leur violence.

Il s’agirait de regarder en face la responsabilité de la « croyance modérée » qui reste incapable d’amender les textes et se contente de chercher à imposer une interprétation compatible avec la morale du siècle et conserve donc en l’état un texte qui dit, littéralement, des horreurs, et qu’on est prié de ne pas comprendre. Et il faudrait laisser des enfants se faire endoctriner dans une croyance modérée qui les expose à adhérer à des textes qu’ils risquent, un jour ou l’autre, de comprendre un peu trop bien.

 

Pour conclure

L’autodéfense intellectuelle, l’indépendance mentale, la métacognition, la vigilance épistémique, l’humilité épistémique, l’ouverture d’esprit et l’autocritique n’appartiennent à personne, ce sont des valeurs universelles que les apostats découvrent souvent sans que personne ne soit là pour prétendre les leur enseigner. Mais s’ils veulent s’entraîner à l’usage de ces outils et en devenir des ambassadeurs, ils contribueront à améliorer le monde.

Chers émancipés de tous horizons, j’encourage chacun d’entre nous à mettre de l’ordre dans ses priorités et à ne pas marcher sur le combat du voisin quand il choisit une trajectoire qui ne vous semble pas suffisamment orthodoxe, parce qu’alors on pourrait se demander si nous savons pourquoi nous nous battons.

 

Acermendax

Suite à la vidéo du 9 aout 2023 « Fausse expertise chez les anti complotisme ? » Marie PELTIER et Stéphanie LAMY ont déclaré être victimes d’une agression de masse (voir le droit de réponse de M Peltier). C’est parce qu’elles sont des femmes qu’elles seraient critiquées, et leur expertise ne saurait être remise en question. Pourtant leur ligne de défense est mise en difficulté par le témoignage d’une victime de harcèlement qui les juges co-responsables de ce qu’elle a vécu.

L’affaire a été évoquée dans les pages de Charlie Hebdo. Et un article vient de sortir dans Le Figaro. Le journaliste Steve Tenré m’avait envoyé une série de questions pour construire son article. Voici l’ensemble de mes réponses puisqu’il a naturellement choisi de conserver quelques phrases seulement. Ces réponses existant malgré tout, j’ai jugé qu’elles pourraient vous intéresser et vous aider à vous faire un avis sur les raisons qui m’ont poussé à signaler les mauvaises pratiques que j’estime préjudiciables pour tout le monde.

Acermendax

 

  • Avant toute chose, connaissiez-vous Marie Peltier et Stéphane Lamy avant l’affaire Fact and Furious ?

En 2018 j’avais partagé une conférence de Marie Peltier, trouvée sur YouTube, puis oublié son existence. À partir de 2022 plusieurs internautes m’ont signalé des prises de parole qui montraient des comportements très agressifs et arrogants. Je n’ai pas considéré que c’était un problème assez sérieux pour y consacrer du temps, je me suis occupé d’autres dossiers. J’aurais été bien incapable de me souvenir de leur nom quelques semaines avant la vidéo du 9 août.

 

  • Quel a été le déclic précis pour vous lancer dans la “bataille” ?

Quand Nendily, ex-membre du collectif l’Extracteur, contributrice précieuse au débunkage de gourous et désinformateurs du net, a annoncé quitter Twitter/X à cause de la toxicité ambiante, j’ai compris que quelque chose de particulier se passait. Il ne s’agissait pas d’une violence provenant de la complosphère, phénomène hélas coutumier, pesant, fatiguant, mais inévitable d’une certaine manière. En l’espèce, il s’agissait d’une agressivité venue d’un espace dans lequel on devrait pouvoir coexister en bonne intelligence puisque nous partageons la volonté de lutter contre la désinformation. J’ai alors voulu savoir qui étaient ces personnes, quelles étaient leurs contributions, et là mes alertes se sont allumées parce que j’ai reconnu des signes qui rappellent les imposteurs que j’ai déjà eu l’occasion de traiter. C’est aussi là que j’ai pris conscience de leur rôle dans ce qu’a vécu Yogina, ce qui m’avait totalement échappé à l’époque.

En enquêtant, je me suis trouvé face à des personnages qui insistent lourdement sur leur expertise et se permettent parfois des jugements ahurissant sans disposer d’informations permettant de les justifier (affaire Fact and Furious, ou affaire Palmade par exemple). Elles se disent « chercheuses » (et doivent sans doute savoir ce que cela veut dire) et en font un argument irréfutable, puisque toute remise en question de leurs propos est dénoncée comme un scandaleux déni de cette expertise, un déni qui a forcément pour cause le fait qu’elles sont des femmes. Et dès lors il faut faire face à des accusations de masculinisme. J’ai compris que dénoncer ces comportements serait compliqué, mais aussi qu’il n’était pas raisonnable de choisir de se taire.

 

  • Comment décririez-vous la communauté autour de Peltier et Lamy ? Ses membres les défendent-elles par souci féministe, par ignorance de l’affaire, par amitié, ou autre ? Sont-ils nombreux selon vous ? Y voyez-vous une collusion avec certaines sphères complotistes (antivax notamment, qui en profitent) ?

Je n’ai pas les outils nécessaires pour décrire les motivations de celles et ceux qui prennent parti pour Mesdames Peltier et Lamy. Le féminisme est une cause importante, il ne faut pas en faire un alibi ou un sauf-conduit pour harceler autrui, notamment des femmes. Or, c’est ce qu’il se passe selon moi. Je pense qu’en majorité les personnes qui défendent Mesdames Peltier et Lamy sont de bonne foi, elles ont pris l’habitude de se fier à leur parole et ont intégré comme une « vérité » que toute contradiction provenait forcément d’intentions malveillantes et idéologiques. Il est très difficile de se défaire de ce genre de lien de confiance, surtout quand l’intéressée partage et like des messages diffamatoires et prodigue des conseils qui ont pour effet de polariser davantage le terrain (bloquer les contradicteurs, ne pas les lire, exiger qu’ils se taisent, défendre inconditionnellement son champion, etc.)

 

  • Quelle réaction a déclenché votre vidéo dans cette communauté, y-a-t-il eu du cyberharcèlement envers vous et vos proches (amis, fact-checkers, famille), et si oui, le qualifieriez-vous d’important ? Du moins en comparaison de celui des sphères complotistes pour vos précédents travaux ?

La réaction a été de se ranger derrière la lecture offerte par Marie Peltier (Stéphanie Lamy a été beaucoup plus discrète dans sa réaction, au moins dans un premier temps, et je crois qu’en retour elle a été relativement épargnée par la polémique). Dès lors, les rôles étaient distribués et j’ai été dépeint comme un harceleur alors que mon action consistait à réagir au harcèlement de deux femmes sceptiques malmenées par Mesdames Peltier et Lamy. Ce type d’accusation a été porté en masse et j’ai observé qu’un certain nombre de comptes issus de la complosphère ont pris fait et cause pour Mmes Peltier et Lamy. À ce stade il faut se garder d’en conclure quoi que ce soit, puisque semer la confusion est l’une des tactiques fétiches des complotistes, mais un rapprochement ne semble plus une idée aussi absurde qu’il y a un mois, et c’est alarmant.

 

  • Estimez-vous que Lamy et Peltier subissent aussi du cyberharcèlement depuis la publication de la vidéo ? Pensez-vous qu’il faut continuer de débunker/dénoncer Peltier et Lamy sous la plupart de leurs publications, comme le font certains de vos soutiens (directs ou indirects) ?

Elles l’affirment beaucoup, c’est possible mais je n’en suis pas sûr. Si tel est le cas, il existe des moyens de punir les coupables : j’approuverais qu’elles y aient recours. J’aurais préféré qu’un débat, même houleux, puisse avoir lieu sur le fond afin que les erreurs et mauvais comportements passés puissent éventuellement être admis et ainsi mettre un terme aux griefs. Je rappelle que j’avais contacté Mmes Peltier et Lamy avant la sortie de la vidéo pour leur donner l’occasion de répondre aux principaux reproches adressés dans mon travail. Elles savaient quelles seraient les critiques. Elles ont choisi immédiatement la voie de l’intimidation judiciaire avec une mise en demeure assez grossière ; désormais elles annoncent porter bientôt plainte tout en niant toute légitimité aux critiques émises. Que cela suscite des réactions outragées ne devrait étonner personne. Il ne faut pas considérer qu’une polémique (shitstorm) est nécessairement un cyberharcèlement.

J’ai demandé à plusieurs reprises aux internautes de ne surtout harceler personne et de veiller à s’exprimer dans les bonnes proportions pour éviter par exemple le dogpiling. J’ai rappelé à l’ordre certains commentateurs. Je milite pour une zététique qui respecte les individus. Je regrette de n’avoir pas vu d’appels au calme de la part de Mmes Lamy et Peltier. Au contraire.

 

  • Quelles sont les méthodes de Peltier et Lamy pour contrer vos allégations ? Sont-elles selon vous proches de celles qu’utilisent les sphères complotistes (n’hésitez pas à m’en dire plus sur les procédures-baillons) ? Assument-elles des erreurs ou nient-elles tout en bloc ?

Intimidation, victimisation, inversion accusatoire, production d’un narratif qui invente des intentions torves, mobilisation du groupe autour de la défense du héros et même utilisation de fake news pour avilir et discréditer l’adversaire : les ingrédients employés par les imposteurs sont présents, la dynamique obsidionale de la complosphère est bien là. Et j’avoue en être surpris. Je ne pensais pas avoir tapé aussi juste en amenant des doutes sur les qualités de ces « expertes ». Désormais j’attends les courriers d’avocat qui m’annonceront de quelle manière Marie Peltier et Stéphanie Lamy auront choisi de judiciariser une affaire qui aurait pu se régler en apportant les preuves de leur expertise, en présentant des excuses et/ou en prenant du recul pour reconnaître que certaines choses doivent changer dans leur parole publique. Le recours à la justice pour faire taire la critique est une technique très efficace, massivement employée par les gourous contre les associations d’aide aux victimes de dérives sectaires ou par les escrocs contre les sites de dénonciation des arnaques. Parfois la justice se laisse instrumentaliser et se range du côté de ceux qui abusent d’elle.

Il est très important d’avoir à l’esprit que la réaction aux critiques est un moment crucial pour détecter les signes d’honnêteté ou de duplicité d’une personne se prétendant experte.

 

  • Avec du recul, considérez-vous toutes vos accusations comme véridiques, ou regrettez-vous-en certaines ?

J’ai rassemblé un faisceau d’éléments qui permettaient de s’interroger sur la légitimité de Mmes Peltier et Lamy à revendiquer certaines expertises. J’ai montré des comportements de brute numérique face à la moindre contrariété, ce que j’estime incompatibles avec un rôle d’expert dans la lutte contre la désinformation. Chaque fait isolé peut sembler anodin ou accidentel, mais l’ensemble permet de se faire un avis sur la confiance qu’il faut accorder à leur parole. Presque un mois après la vidéo, je n’ai pas croisé un argument ou une information qui puisse m’amener à retirer l’une de mes critiques. Je dirais même que la dynamique à l’œuvre dans les réactions confirme gravement mes analyses.

 

  • Malgré leur manque de qualification, Peltier et Lamy ont-elles déjà délivré de bonnes expertises ? Faut-il nécessairement des écrits académiques pour le faire ?

Il arrive que d’authentiques diplômés déraillent complètement, ce critère est donc insuffisant. J’ai eu l’occasion de dire qu’il n’est pas nécessaire d’être docteur en ceci ou en cela pour apporter des analyses pertinentes, des points de vue utiles, des témoignages édifiants, ou poser des questions qui éclairent des débats, même très techniques. Dans certaines activités l’expertise se gagne sur le terrain. Mais sur beaucoup de sujets, et notamment ceux dont parlent Mmes Lamy et Peltier, il existe des disciplines scientifiques, des travaux de recherche, des revues de référence, et on reconnaît l’expert au fait qu’il est cité, abondamment, par d’autres experts, qu’il est reconnu d’abord par ses pairs et ensuite seulement pas les journalistes.

Le temps de parole médiatique des experts est trop restreint pour l’accorder à ceux qui revendiquent des titres académiques qu’ils n’ont pas, prétendent à une antériorité fictive ou à l’apport de concepts nouveaux ou d’une pensée originale sans que cela ait fait l’objet d’une validation par des canaux qui permettent d’écarter les baratineurs. Surtout quand de telles personnes médiatisées réagissent violemment à la moindre remise en question.

 

  • Comment voyez-vous l’avenir dans cette affaire ? Le cyberharcèlement va-t-il s’aggraver ou se calmer ? Espérez-vous que Peltier et Lamy soient “blacklistées” des médias ?

Mon travail consiste à aider le public à évaluer la confiance qu’il peut accorder à des discours en prenant des exemples qui permettent d’illustrer les questions à se poser. Mesdames Peltier et Lamy ne sont sans doute pas les pires impostures qui peuplent les plateaux télé ou les grands médias. Leur cas personnel n’est pas mon souci principal. On a vu bien d’autres cas démontrer que le monde médiatique est totalement subjugué par certains profils qui pipeautent avec aisance et se font passer pour des sommités intellectuelles pendant des décennies. Pour l’avenir, j’aimerais que les « bons clients » des plateaux télé soient remplacés par de véritables chercheurs et chercheuses qui savent dire quand les questions sont mal posées, qui mettent la méthode scientifique au cœur de la parole d’expert et donc, avant tout, l’humilité face à la complexité du monde.

Ne vous laissez pas influencer par la thématique donnée dans le titre. On ne va pas faire du drama. On ne va pas faire de politique. On va faire de la zététique : l’art du doute méthodique.

 

Voilà ce qui se passe. Une frange de l’Internet, plutôt remontée contre les LGBT et les sciences humaines qui se penchent sur les questions d’oppression et de domination me tombe dessus depuis des semaines avec agressivité et moquerie en disant que je fais honte à la zététique à ne pas savoir reconnaître un garçon d’une fille. Si c’est vrai, c’est grave.

Comme d’habitude tout ça est régurgité par tout un tas d’ahuris qui glissent ce nouvel élément de langage dans leurs attaques, et ressortent des accusations d’être trop politisé. Naguère une petite bande disait « la zététique c’est de droite », donc pas bien, et aujourd’hui une grosse clique dit « la zététique c’est trop woke », donc pas bien.

Dalibor de la chaine Psyhodelik a encore sorti toute une série de vidéos pour dire à quel point il était un meilleur zététicien que moi. Et ça semble convaincre des gens puisque ce conflit a fait perdre plus de mille abonnés à la TeB, une première en huit ans et demi. Ceci étant j’ai vu qu’il était à la mode de dire « la zététique me déçois, je me désabonne » tout en ayant un compte abonné et partageant le pire de la complosphère ce qui suscite en moi… le doute.

 

Face à tout ça il y a plusieurs réactions possibles

  1. Batailler pied à pied, répondre à chaque attaque, à chaque homme de paille, à chaque commentaire. Consacrer mon temps à essayer de convaincre tout le monde. Faire un burn out. Et mourir
  2. Dire à tous ces cons d’aller se faire cuire le cul et les ignorer.
  3. Ignorer tous ces cons sans même leur dire d’aller se faire cuire le cul.
  4. Rester calme, ne pas réagir, et continuer d’essayer de faire avancer la compréhension des gens, notamment sur la question du genre comme je m’y emploie sur Twitter avec mon compte personnel en jouant les Socrate du dimanche avec plus ou moins de talent.
  5. Tout plaquer. Fermer la chaîne et vivre de l’immense fortune accumulée grâce tout mon travail, mes héritages et les chèques des grands industriels qui nous téléguident.
  6. J’ai choisi l’option 6 : Essayer de tirer quelque chose d’utile de tout ça en donnant des explications contextuelles sur l’origine des propos qu’on me reproche, en apportant des éléments qui vous permettront peut-être de mieux comprendre ce que la science dit de ces questions, et en défendant ma manière de concevoir la zététique et de la pratiquer.

 

Soyons méthodiques. Soyons zététique.

Je précise que je suis loin d’être expert de la question du genre, et que je ne suis pas militant sur cette thématique. Cette vidéo n’a pas pour but de décréter une vérité sur le sujet mais d’élaguer un peu les herbes folles qui mettent la pagaille. Si je parle de ce sujet, c’est parce que je suis très étonné du niveau de certitude de ceux qui veulent imposer leur avis. Je pense qu’on y gagnerait tous en appliquant le précepte suivant : juger moins pour comprendre mieux.

Allons-y

1. Le contexte

Le 8 juillet 2019 je réagis au tweet de la revue Psychologies qui partageait la veille l’avis d’une psychanalyste[1].

La psychanalyse, on en a un peu marre. Quasiment le monde entier s’en est débarrassé, mais en France on continue d’aimer cette pseudoscience criminelle qui s’affiche dans tous nos médias. C’est une honte, mais c’est pas le sujet.

Cette psychanalyste répond à la question de Lucie, 6 ans « Je veux devenir un garçon. Pourquoi n’est-ce pas possible ?»

La réponse est « Tu ne peux pas devenir un garçon, Lucie. »

Tout part de là. J’ai remis en question la réponse de cette psychanalyste, (et je vais l’analyser pour vous dans un instant) et je me suis coltiné des tas de gens très intelligents qui m’ont sorti leur cours de biologie du collège pour me montrer que je suis complètement crétin et téléguidé par de l’idéologie. Et depuis cet épisode, essentiellement, je me contente de demander sur Twitter à ceux qui ne veulent pas que Lucie puisse devenir un garçon de me donner la définition sur laquelle ils s’appuient pour énoncer une telle interdiction.

J’espère que ça vous parait aussi important qu’à moi que celles et ceux qui veulent interdire l’usage d’un mot à quelqu’un soient capables d’en définir précisément les contours. Dans cette situation, moi je n’impose rien à personne, je me contente de douter de la réponse de la psychanalyste et de  la certitude de tous ceux qui, apparemment, savent mieux qui est Lucie que Lucie elle-même. Ce que j’apporte c’est du doute. Vous avez le droit de ne pas aimer, mais vous aurez du mal à expliquer que ce n’est pas de la zététique.

 

Revenons à la réponse de la psychanalyste

« Tu ne peux pas devenir un garçon, Lucie, parce que tu es née, comme ta mère, dans un corps de fille. De même que ton frère est né, comme ton père, dans un corps de garçon. Et ça on ne va pas le changer. »

Ca veut dire quoi « naître dans un corps de fille ? » Je suis né avec mon corps, mais si on me disait que je suis né dans un corps de garçon, ça voudrait dire que je suis une chose, une entité, qui est placée à l’intérieur d’un corps. C’est une conception dualiste. Ce n’est pas parcimonieux. L’approche la plus raisonnable, la plus rationnelle, la plus zététique est aussi la plus matérialiste, elle consiste à dire que, jusqu’à preuve du contraire, je suis mon corps et pas une chose qui habite mon corps, et si on veut être plus précis, je suis la conscience que mon cerveau, en relation avec mes autres organes, produit à chaque instant.

Selon ce point de vue, qui peut se discuter, mais qui est le plus zététique que je connaisse, vous n’êtes pas né dans un corps de fille ou de garçon vous êtes avec votre corps, le vôtre, qu’on va ensuite ranger dans une catégorie pour plein de raisons plus ou moins bonnes.

Retour à la psychanalyse :

« Parce qu’on ne peut pas revenir en arrière et renaître dans un corps différent. Cela fait partie des limites que la vie nous impose. Elles peuvent nous mettre en colère parce que nous aimerions n’en avoir aucune et pouvoir réaliser tous nos désirs et accomplir tous nos rêves. Devenir fille si on est garçon ou garçon si on est fille. Ou même être (pourquoi pas ?) les deux à la fois. Et en plus, voler comme les oiseaux et nager comme les poissons. On aimerait bien mais ce n’est pas possible. »

Hypothèse : Et si le cerveau de Lucie produisait une conscience qui se reconnait comme plus proche des attributs associés traditionnellement aux garçons qu’à ceux associés traditionnellement aux filles ? Et si l’identité de genre était une question biologique, physiologique, biochimique… ? Je n’en sais rien. C’est une hypothèse qu’il faudrait tester avant de l’écarter.

Je vous rappelle qu’il existe des résultats indiquant que de tels facteurs biologiques sont impliqués dans l’orientation sexuelle. On n’est pas hétéro ou homo par choix ou parce qu’on a été influencé par une mère castratrice comme les charlatans de la psychanalyse l’ont soutenu et le soutiennent peut-être encore. On est hétéro ou homo parce que quelque chose dans l’histoire de la construction de notre cerveau nous amène à exprimer telle ou telle attirance, ou aucune. Et nous avons appris, lentement, à nous débarrasser des comparaisons insultantes qui rapprochaient l’homosexualité de la bestialité ou de la pédophilie. On a compris que c’était indigne de faire ces comparaisons.

Mais pas chez les psychanalystes où la question de Lucie sur son genre est reléguée au niveau du rêve de voler comme un oiseau.

____________

[Parenthèse. Je suis désolé, je sens que je suis obligé de mettre les points sur les i, pour éviter les mouvements de panique : je ne suis pas en train de dire qu’il faut faire de la chirurgie ou des traitements hormonaux à la petite Lucie, 6 ans. Je ne sais pas quelle est la bonne manière de l’écouter et de l’accompagner pour qu’elle vive sa vie au mieux. Je répète : je ne sais pas ce qu’il faut faire, je laisse ça aux gens dont c’est le métier et qui sont à jour de ce qu’en dit la science. Mais je suis très étonné par le nombre de gens qui sachent, y compris une psychanalyste qui rend un verdict définitif sans jamais avoir rencontré la personne en question.]

 

La psychanalyste poursuit :

« On a donc le choix : continuer à réclamer ce que l’on n’a pas ou accepter de vivre avec ce que l’on a et qui n’est peut-être pas si nul que ça. »

Le problème c’est qu’il me semble très maladroit et violent de dire que Lucie veut ce qu’elle n’a pas, quand en réalité Lucie exprime qu’elle est autre chose que ce qu’on lui dit qu’elle est. Notre psychanalyste fait comme si « Être autre chose que ce qu’on me dit que je suis » était équivalent à « ne pas avoir ce que je désire ». Vous vous rendez compte du niveau d’absence d’écoute de cette psychanalyste ?

« Pourquoi voudrais-tu tellement être un garçon, Lucie ?»

Ca c’est bien. Il faut en effet poser la question et ne pas supposer qu’on sait déjà qu’il s’agit d’un caprice.

Il faudrait surtout demander à Lucie ce que ça veut dire pour elle de « devenir un garçon ». Si jamais elle répond qu’elle veut des chromosomes XY ou bien qu’elle veut avoir des testicules qui produisent des spermatozoïdes, alors on pourra lui répondre que c’est impossible, en effet. Mais si jamais « devenir un garçon » ça veut dire autre chose pour elle, ce qui est probable, alors nous devrions sans doute revoir la réponse.

« La vie de ton frère te semble mieux que la tienne ? C’est possible mais il faudrait savoir pourquoi. Son corps et son sexe te semblent mieux que les tiens ? C’est ce que pensent beaucoup de filles, mais elles se trompent. Car si leur sexe n’est pas aussi apparent que celui des garçons, elles ont en revanche à l’intérieur de leur corps des organes qui leur permettront plus tard d’avoir des bébés dans leur ventre. »  Etc.

Alors, bien sûr, je pense qu’il est sage de commencer par rassurer l’enfant, de lui expliquer comment fonctionne son corps, d’écarter les idées reçues, les fausses hiérarchies et les mauvaises raisons de vouloir s’identifier à tel ou tel groupe. Mais le problème c’est que, moi, je ne connais pas Lucie. Pas plus que vous. Et madame la psychanalyste non plus. On ne sait pas comment cette jeune personne se sent. On ne sait rien des raisons de son questionnement, de sa biologie, de sa psychologie et de son environnement. Et parce qu’on ne sait rien de tout ça, il est rationnel de se retenir d’affirmer ce qu’elle doit être ou ce qu’elle ne peut pas être.

Voilà quelle est ma position sur ce sujet qui a donné lieu à beaucoup d’attaques et de moqueries quand des gens s’amusent à aller pêcher ce que j’ai dit en 2019 pour créer du drama en 2023.

 

 

2. Quelques éclaircissement sur le sexe et le genre

Pour éviter —au moins un peu— que des tas de commentaires me fassent dire ce que je n’ai pas dit, et croiser un peu moins de caricatures stupides, je suis obligé de parler du fond. Je vais essayer d’être clair, concis et prudent.

Le mot sexe, en biologie, désigne plusieurs choses.

Fondamentalement chez les animaux et les plantes au moins, le sexe désigne la fonction de reproduction dans un processus anisogamique. Les corps qui produisent de grands gamètes sont des femelles. Les corps qui produisent de petits gamètes sont les mâles. C’est binaire. C’est facile.

[En réalité c’est pas si facile que ça parce qu’on pourrait discourir sur les espèces hermaphrodites et les cas de changement de sexe au cours de la vie comme chez les poissons clown, qui montrent que la nature se moque éperdument de notre envie que tout soit rangé dans des boîtes. Donc, binaire et facile »… mollo.]

C’est binaire. C’est facile. Mais ça concerne uniquement nos cellules sexuelles. Corrigez moi si je me trompe, mais vous n’avez pas connaissance de la taille des gamètes des gens autour de vous. Certains humains n’en produisent pas. Ce n’est donc jamais ce critère que vous utilisez pour dire monsieur ou madame.

Continuons avec le mot sexe. En biologie, on peut s’intéresser au déterminisme génétique. Nous possédons normalement une paire de chromosomes sexuels : XX ou XY où se trouvent des gènes responsables de la mise en place des organes de la reproduction et des caractères sexuels secondaires : stature, musculature, répartition des tissus adipeux, largeur du bassin —autrement dit la silhouette— pilosité, voix.

Mais là il y a des exceptions avec des gens qui sont XXY ou XYY, ou juste X, ou encore avec une translocation du gène SRY[2]. Et cela aboutit à des corps qui présentent des caractères sexuels primaires et parfois secondaires qu’un regard extérieur assignera facilement à homme ou femme, mais qui sont destinés à être stérile. Il existe des humains XX que vous classeriez sans hésitation chez les hommes et des humains XY que vous classeriez sans hésitation chez les femmes.

On peut ajouter la question du rôle des hormones dans le développement du fœtus puis de l’enfant avec des personnes qui possèdent le gène SRY responsable de la masculinisation du corps, mais dont les récepteurs à la testostérone ne fonctionnent pas. Ils auront un corps que vous classerez, et moi aussi, dans la catégorie femme. Et puis il y a le taux d’hormone qui peut varier et aboutir à des caractères très sexualisés… ou très peu.

Evidemment, dans la majorité des cas on retrouvera bien les chromosomes XX chez des personnes identifiées comme femmes et des XY chez les personnes identifiées comme hommes. Mais là encore, corrigez moi si je me trompe, vous n’avez pas accès aux chromosomes des gens. Moi non plus. Ce n’est donc pas ce critère qu’utilisent tous ceux et toutes celles qui savent apparemment mieux que moi ce qu’est un garçon ou ce qu’est une fille.

 

La présence des organes sexuels est LE critère utilisé pour enregistrer les nouveaux né dans la case garçon ou la case fille. Ca fonctionne dans l’écrasante majorité des cas. Mais il y a des personnes intersexuées, et leur cas ne peut pas toujours se résoudre avec un coup de bistouri. Cela prouve que ce critère est imparfait, qu’il faut être prudent. Mais de toute façon, corrigez-moi si je me trompe : vous n’avez pas accès au contenu du caleçon ou de la culotte des gens quand vous les appelez monsieur ou madame. Ca veut donc dire que les organes sexuels ne sont pas le moyen par lequel vous les distinguez.

Dans la vie de tous les jours, dans le champ social on classe les gens chez les hommes ou chez les femmes non pas en vertu de leurs gamètes, de leurs chromosomes ou de leurs partie génitales mais en vertu de la présence des caractères sexuels secondaires : silhouette, pilosité, voix. Ces caractères sont fortement corrélés à la présence des gamètes, des chromosomes et des organes sexuels, c’est bien pour ça qu’ils marchent : ce sont des signaux  efficaces. Et quand il arrive que ces signaux soient ambigus : on ne sait pas si on est face à un monsieur ou à une madame, les gens normaux  vont poser la question, et si la personne vous dit qu’elle est un monsieur, alors vous allez l’appeler monsieur. In fine le vrai critère c’est ce que les gens déclarent sur eux-mêmes.

Je ne dis pas que c’est suffisant et que ça règle tous les problèmes, je dis que dans la vie de tous les jours, c’est ça le vrai critère que nous utilisons, et alors il faudrait peut-être se demander pourquoi ?

Dans le dictionnaire on nous dit que l’homme c’est « le mâle de l’espèce humaine ». Or, ce qui définit un mâle, ce ne sont pas ses poils ou la tessiture de sa voix, ou son prénom, mais sa fonction dans la reproduction. Ce qui définit une femelle, ce n’est pas qu’elle soit coquette, porte des jupes et un sac à main, mais qu’elle produise des ovules. Et donc il existe des mots pour aider à distinguer ce qui relève de la fonction biologique de reproduction du rôle social codé, stéréotypé, étroitement lié au sexe mais non confondu avec lui. Un rôle social par lequel les individus se placent eux-mêmes en fonction de leur ressenti dans une case ou dans un autre, ou bien, transgression suprême considèrent que les cases sont imaginaires, construites par la société, et qu’on peut les refuser. Et ça, en gros c’est ce qu’on appelle le genre.

Et c’est l’ensemble des paramètres qui constituent le genre que nous utilisons vous et moi tous les jours pour savoir si on appelle une personne madame ou monsieur. L’usage faisant loi en linguistique, il me semble que si vous voulez absolument une définition à homme et femme, c’est du côté du genre que vous devriez creuser et pas du côté de la biologie. Et c’est un biologiste qui vous le dit.

À cause de cela, je suis étonné par la confiance totale en leur propre jugement qu’expriment les gens qui affirment détenir le véritable sens des mots homme et femmes mais ne savent pas dire pourquoi, sur quel critère, ils peuvent interdire à une personne trans de s’identifier au genre qui ne correspond pas au sexe enregistré à sa naissance. Je pense que ça manque de prudence, d’humilité et que ça revient à vouloir essentialiser, biologiser l’ensemble des attributs traditionnellement associés à tel ou tel sexe.

Je parle de tout cela de manière plus approfondie dans le chapitre 23 de Quand est-ce qu’on biaise, sorti il y a 4 ans. Et je pense être dans mon rôle quand je souligne la présence agressive de ces certitudes encombrantes parce que, justement, pour moi, c’est ça la zététique.

 

 

3. « Ma » zététique

La zététique ce n’est pas la science. En science on produit des connaissances. En zététique on se demande « pourquoi est-ce que je crois ce que je crois ? » et en première analyse on s’intéresse à ce que la science peut en dire.

Le zététicien, il va rendre compte de ce que la science dit ou ne dit pas sur un sujet et met à l’épreuve de la logique et de la dialectique les théories ou les discours qui revendiquent d’énoncer une vérité. Ca peut finir en débunkage, en entretien épistémique, en analyse, peu importe, à chaque fois on se demande s’il existe de bonnes raisons de soutenir une thèse.

Y a-t-il eu un miracle à Fatima en 1913 ? L’homéopathie est-elle efficace ? Peut-on se fier à Didier Raoult ? Les Pyramides d’Egypte sont-elles des centrales électriques ? La zététique aide à trouver la réponse. Dans les cas susnommé la réponse est non.

Mais ça ce sont les sujets faciles. Ce que l’art du doute permet de faire quand on est vraiment bien entraîné (par exemple après 8 ans de pratique quotidienne) c’est se pencher sur les concepts avec lesquels on pense. L’esprit critique ça sert à décider ce qu’il faut croire et ce qu’il faut faire. Et pour ça il faut secouer un peu les fondations, pour voir si ça tient. La zététique, ça casse pas des briques, mais ça aide à casser les concepts.

Nous passons notre temps à percevoir le monde, à le décrire, à l’expliquer, à le prévoir à l’aide de concepts qui sont des créations de l’esprit et qui ne coïncident pas exactement avec le réel. C’est un peu dur à avaler, mais le plus grand service que la zététique peut rendre c’est sans doute de faire admettre cette grande vexation, ça nous rendra plus humbles.

Nous ne disposons pas d’une définition parfaite, étanche, complète et consensuelle du vivant. Et pourtant la biologie fait des prouesses. Le mot espèce est une convention de langage qui date d’avant la théorie de l’évolution et qui est inapplicable dans de très nombreuses situations. Ca j’en parle dans l’Ironie de l’évolution, lisez-le j’aime ce livre. Les concepts omniprésents sans bonne définition abondent : émotion, jeu, intelligence, infini, liberté, temps… Si vous vous penchez sur ces notions pour en délimiter sérieusement les contours, vous ne serez pas déçus du voyage.

La zététique peut servir à nous rappeler qu’il est bon de douter que les mots soient le fidèle reflet du réel, qu’il est bon de nous souvenir que les sciences évoluent, que nos connaissances se périment et que nos certitudes actuelles ne sont pas forcément de meilleure qualité que celles des humains d’il y a mille ans, et que nous serions bien ridicules de nous imaginer détenir une connexion privilégiée avec la vérité.

Quand on pratique cette zététique là, on a des scrupules à tracer des frontières et à dire aux autres qu’ils doivent les respecter parce qu’elles sont réelles, qu’elles le droit de les contraindre. Face à ça, on se met à demander des raisons de croire aux définitions utilisées pour interdire ou pour obliger les gens.

4. La politique n’est pas ce que vous croyez.

Y a-t-il une dérive politique de la zététique ? C’est bien de se poser la question. C’est bien d’être attentif à l’exploitation idéologique des outils. Mais attention, parce que l’influence politique n’est pas forcément là où vous la voyez.

Relayer presque tous les jours des paniques morales de l’extrême droite, tourner en ridicule le combat contre le sexisme, dénoncer les abus de la frange ultragauchiste des ZEM, mais taper tranquillement la discussion avec Conversano et donner de la visibilité au cercle cobalt promoteur d’une science raciste, ça n’est pas apolitique juste parce que le mec qui fait tout ça prétend que c’est apolitique.

Spoiler : c’est de la politique, même quand ça énonce des choses qui vous semblent être des évidences qui devraient s’imposer à tout le monde.

Il y a autre chose qui est politique, c’est l’injonction irritée qu’on nous adresse de ne pas traiter certains sujets, de ne pas relayer l’état des connaissances en sciences humaines sous prétexte qu’elles seraient politisées, mais en réalité parce que ce qu’elles disent contredit certaines évidences confortables.

Vous devriez le savoir, je l’ai déjà dit, la science n’a pas pour rôle de nous dire des choses agréables. Elle est primordiale justement parce qu’elle est le moyen par lequel nous corrigeons nos idées fausses. Si c’était facile de porter un jugement sur le fonctionnement du monde, nous n’aurions pas besoin des sciences. Dans la sphère sceptique on sait se moquer des platistes qui se bouchent les oreilles, mais je suis désolé de vous dire que face aux études sur le genre je vois un paquet de gens pas idiots dont l’attitude n’a rien à envier aux platistes.

Est-ce que la science c’est politique ?

Eh bien non, mais dans un certain sens… oui. Les sciences se construisent au contact du reste de la société, il y a donc une dimension politique dans le recrutement des chercheurs, dans le financement des laboratoires et des travaux, dans la reconnaissance sociale, médiatique des résultats, dans les politiques de transfert des connaissances vers le public, dans l’utilisation ou non des connaissances dans l’éducation et dans les décisions démocratiques.

La plupart du temps c’est invisible, inodore, incolore, indolore. Mais parfois les résultats de la science gratouillent là où ça dérange. On a connu ça avec l’héliocentrisme. Ca a été et ça continue un peu d’être le cas des sciences de l’évolution qui contredisent les évidences des créationnistes et mettent en porte-à-faux l’ensemble des religions. Sur la Tronche en Biais on en parle, c’est même l’origine de mon propre engagement. L’évolution, et la manière dont elle dérange notre manière de voir le monde c’est mon sujet préféré. Allez dire à ceux qui voient comment ça contrarie leur vision du monde que ça n’est pas politique. C’est avant tout scientifique, mais c’est aussi politique, ne serait-ce que parce que la connaissance scientifique réfute certains discours normatifs, dogmatiques et obscurantistes.

Et s’il y a une chose que mon travail sur les conséquences de la théorie de l’évolution m’a appris c’est que les étiquettes que nous posons sur les objets de la nature, et en particulier les êtres vivants, sont fatalement erronées. Nous créons des catégories pour ranger les êtres c’est frénétique, on ne sait pas faire autrement pour essayer de comprendre comment tout ça fonctionne. Alors évidemment la question des catégories homme-femme est dans la mire, c’est forcément un sujet qui se retrouve dans le périmètre des choses que je vais être amené à traiter. Et évidemment ça va déranger les certitudes de certaines personnes. Si ça vous dérange vous, comprenez bien que ça n’est pas mon but et retenez-vous, au moins dans un premier temps, de sauter sur l’idée que je le fais par idéologie pro-ceci ou anti-cela, que j’ai été matrixé, que j’ai perdu toutes mes facultés d’analyse. Être bousculé, irrité, agacé par la zététique vous savez bien que ça fait partie du processus.

L’inconfort que provoque l’approche zététique de la question, c’est le signe que cette approche remet en cause certaines manières de catégoriser les êtres humaines, et ça c’est politique. C’est politique, mais c’est aussi scientifique, et c’est résolument zététique.

Sur la question du genre il y a plein de gens qui disent des conneries de tous les côtés, on a du dogmatisme et de l’extrémisme, de la mauvaise foi, des gens qui ne s’écoutent pas, vous allez devoir vous faire votre avis tout seul. Et si ça vous semble compliqué, vous pouvez aussi suspendre votre avis. Vous pouvez écouter, questionner et ne pas prendre parti. Il me semble sage d’attendre d’avoir de bonnes raisons de tenir une opinion.

 

De mon côté, avec l’équipe de l’ASTEC, je vais continuer de débunker des idées reçues, de vulgariser des travaux scientifiques, de tenter de contribuer à vous aider à questionner les certitudes, les dogmatisme, les automatismes et les mauvais argumentaires qui cherchent à faire passer le camp d’en face pour un ramassis d’abruti.

Franchement, vous avez cru, vous, à cette idée que je serais incapable de distinguer une fille d’un garçon ? Vous avez vu la quantité d’énergie qu’il faut déployer pour réagir à un récit aussi bête ? J’ai l’impression que ces sujets là, désormais, il va falloir qu’on en parle parce que vraiment on entend beaucoup, beaucoup trop de conneries.

 

Des bisous

 

Acermendax

 

[1] Affaire relayée par le Cercle Cobalt

[2] http://acces.ens-lyon.fr/biotic/procreat/determin/html/chromy.htm

L’année 2022 a probablement compté 365 jours, comme la plupart des autres, mais elle a passé à toute vitesse parce que je n’ai pas cessé de faire des choses intéressantes en votre compagnie.

Si j’ai la chance de faire toutes ces choses, c’est parce que vous me faites l’honneur de suivre mon travail et, pour nombre d’entre vous, de soutenir l’ASTEC qui m’emploie et m’assure la sécurité d’avoir la liberté de choisir à quoi occuper mon temps. Alors comme tous les ans, je me sens redevable d’un petit bilan qui vous explique ce que j’ai fait avec ce temps que je vous dois.

 

L’année a commencé avec la sortie du livre « Pyramidologie » aux éditions Book-e-book dont la préface est signée par le seul et unique Jean-Pierre Adam ! Ca partait très bien.

Les Tronche en Live ont été l’occasion de recevoir des scientifiques pour parler en direct de biodynamie, de trouble dissociatif de l’identité, des bases biologiques de la morale, de la guerre de l’information, de l’inexistence du programme génétique, des problèmes de la France avec l’alcool, des sciences du sommeil. Et nous avons vu le retour des émissions Live enregistrées en public (on vous espère nombreux aux numéros de l’an prochain !). En janvier, le premier live se déroulera à la Cité des Sciences de Paris ; cela devrait faire un démarrage assez formidable pour 2023.

Cette année, j’ai essayé d’être constructif, de parler aux tenants-croyant, de rappeler qu’il n’y a pas d’un côté les zététiciens gentils et malins et en face des imbéciles irrationnels. C’est l’un des objectifs des formats « La Tronche et à VOUS » et des « Entretiens Sceptiques ». Le thème de la religion a été assez présent, avec un débat avec Olivier Bonnassies et des réflexions autour de la sortie de « Dieu la contre-enquête » dont un chapitre a donné lieu au documentaire « Les secrets du miracle de Fatima » que nous sommes allés tourner au Portugal grâce à un gentil mécène. Au-delà de l’histoire magique, de la légende plaisante construite sur beaucoup de motivation et très peu de factuel, nous avons dénoncé un cas de maltraitance aveugle alimenté par la foi.

Avec notre petite équipe, nous avons terminé de tourner la saison 2 de la Petite Boutique des Erreurs. Le dernier épisode n’est pas encore en ligne, il est retenu pour cause de méchant covid du réalisateur. En 2023, nous finirons l’adaptation en livre que nous avons promis aux contributeurs Ulule, ce sera un très beau livre, on vous en reparle bientôt, le travail est déjà très très bien avancé.

Le nouveau format « Ca Coule de source » a vu le jour. J’espère qu’il s’installera durablement dans notre programmation pour apporter des réflexion sur le travail collectif de la communauté sceptique. Si je trouve le temps de préparer ces émissions, elles existeront.

 

J’ai pu donner quelques conférences ou participer à des salons et croiser certains d’entre vous à Montpellier, Villejuif, Strasbourg, Mouguerre, Paris, Belvedère, Saint-Etienne, Colmar, Annecy ou Angers. Avec Vled, j’ai participé aux Rencontres de l’Esprit critique de Toulouse, le plus grand événement du genre, une prouesse que Willy compte réitérer en 2023. Vous seriez fou de ne pas y venir ! J’ai aussi rencontré du public lycéen, à Melun par exemple, et une fois sur deux, c’est un moment passionnant face à des jeunes qui se rendent compte que certaines questions qui ne se posent pas, en réalité se posent dès lors qu’on prend la peine de les poser.

Je garde quelques attaches avec le monde académique. J’ai été invité à participer au colloque « Comment intégrer/traiter de l’évolution dans les présentations et activités des jardins botaniques des Muséums d’histoire naturelle et des institutions culturelles » avec une conférence « Créationnisme et conspirationnisme : mécanique de la croyance ? ». J’ai également été convié aux Prospectives de l’Institut Ecologie et Environnement du CNRS qui se sont tenues en octobre à la Rochelle, où j’ai co-animé l’atelier « Diffusion et promotion de la méthode scientifique et des sciences ». Pour la Commission Nationale du Débat Publique, j’ai animé, à la Rochelle également, une table ronde sur l’énergie éolienne avec la sympathique équipe de l’Esprit Sorcier de Fred Courant.

J’ai eu la joie de voir la Nuit Zététique organisée à nouveau par mes camarades de l’ASTEC, un marathon de 10h de direct avec plus d’une vingtaine d’invités, beaucoup de travail et deux ou trois jours pour s’en remettre.

 

En 2022, j’ai critiqué France Culture qui faisait la promo de l’astrologie. J’ai critiqué France Inter qui est infestée par la psychanalyse. J’ai critique France 2 et son programme ridicule et magique nommé « les pouvoirs extraordinaires du corps humain ». J’ai critiqué le Figaro qui donne de la place à la réécriture de l’histoire (par exemple en faisant du conquistador Cortes un humaniste pacifiste). J’ai critiqué CNews et son émission religieuse maquillée en magazine d’information, véritable outil de propagande intégriste digne d’un autre temps. J’ai critiqué d’autres médias pour avoir maltraité un sujet qui m’aura semblé mériter mieux, mais la liste serait trop longue. Il faut aussi reconnaître que la presse a fait du travail de qualité en se faisant l’écho de l’enquête sceptique sur Médoucine, ou encore dans la dénonciation de destruction (avortée) de la Miviludes et pour le regain de vigueur du travail journalistique contre les pseudo-médecines. Difficile de dire quel rôle la sphère zététique a pu jouer dans cette évolution. Tachons d’y croire un peu.

Mais il ne faut pas se contenter de vilipender les médias, alors j’ai répondu présent à quelques sollicitations. J’ai discuté d’incroyance dans le programme Etiquette de France TV slash. Je suis passé à la TV coréenne pour parler de la mémoire de l’eau. Sur la radio France Maghreb2, j’ai critiqué Idriss Aberkane. À la télé suisse, j’ai parlé de l’absence des raisons de croire en la vie après la mort et au contact avec les défunts. Je n’ai pas compté les interviews dans la presse papier.

J’ai aussi critiqué le lobby des chasseurs qui semblent contents d’être représentés par un sale type. Et puis j’ai critiqué le foot le jour de la finale. Je sais que certains y voient de la pure provocation, mais je pense que la majorité comprennent qu’à chaque fois le propos est plus profond que ça.

 

En 2022, j’ai été chercheur à Stanford. Pas longtemps.

J’ai discuté avec un mathématicien de haut niveau qui nous a expliqué pourquoi la conjecture de Syracuse n’est, pour l’heure, pas résolue.

J’ai connu quelques tensions avec l’Université de Lorraine où se donnaient des cours d’homéopathie qui n’avaient rien à y faire… Ma manière de le dire a été cavalière et mal perçue. Après un sérieux moment de flottement, et de mobilisation, un rendez-vous a permis de nous mettre d’accord. La présidence était du côté de la science et je crois que cet épisode a fait avancer les choses. D’ailleurs, je donne toujours des cours à l’école doctorale. Les prochains se feront en janvier !

En 2022, j’ai insulté Didier Raoult sur Twitter. Il venait de partager la vidéo minable où Idriss Aberkane instrumentalise une affaire matrimoniale pour tisser un récit complotiste délirant destiné à faire oublier à son public qu’il est discrédité partout. Et Raoult appréciait les « révélations sensationnelles à voir ! » qui tapaient sur ses ennemis. Ce n’est pas bien d’avoir écrit que Didier Raoult était « un mange merde prêt à n’importe quelle compromission intellectuelle pour briser ceux qui contrarient sa version du réel ». Je me suis excusé le jour-même parce qu’il ne faut pas parler comme ça. Les complotistes, souvent généreux en insultes, ont gardé ce tweet en mémoire qui leur permet de me réduire à un vilain malpoli. Ça me servira de leçon.

 

Au fil des mois, je me suis coltiné divers types de harcèlements, notamment d’un penseur du muscle viril dont le neurone a choisi de s’obnubiler des excuses que je lui devrais, sans quoi je m’exposerais à l’apprentissage de ce que c’est qu’une blessure, etc. Mais j’ai reçu dans le même temps un soutien réconfortant. Désormais, hélas, on aura du mal à sortir de la confrontation avec certains groupes très énervés. Egalité et Réconciliation, Riposte Laïque et les DéQodeurs font maintenant des articles pour dire du mal de moi. J’ai des scrupules à penser que ce soit une mauvaise chose…

Le débunkage des dangereuses désinformations made in Aberkane a fait du bruit, énervé beaucoup de monde et conduit à des excès. Depuis avril, des promesses de procès sont agités par Idriss Aberkane avec des accusations graves. Nous en sommes arrivés au point, après un passage plutôt raté sur Sud Radio chez Bercoff, où le recours à la justice est pertinent pour calmer les envies de diffamation et de dénonciation calomnieuses.

Evénement marquant : vous avez été au rendez-vous quand nous avons ouvert une collecte destinée à assurer les frais de justice. Vous avez doté l’ASTEC de plus de 100k€ en quatre jours ! Et malgré mon scepticisme chevillé au corps j’y vois la preuve de quelque chose. Sachez que ce soutien a soulagé une bonne partie de la pression que représente la toxicité en ligne. Parce que désormais on peut se défendre. Vous avez été tellement généreux, présents, épatants, que les complotistes ont été complètement chamboulés et ont inventé de nouvelles « théories » pour expliquer que de sombres officines auraient alimenté la cagnotte publique avec des robots mal programmés qui font qu’on voit bien que tout ça est un coup monté. Il le faut bien, sinon ça veut dire que vous, des gens normaux qui nous soutenez, vous existez, et ça c’est pas trop possible pour les leaders complotistes. Nous en sommes arrivés au stade où le travail de débunkage des zététiciens dérange assez les complotistes pour qu’ils l’intègrent à leurs élucubrations.

Grace à vous des avocats travaillent à nous défendre contre Annie Lobé qui me poursuit en diffamation pour avoir dit que ses œuvres d’épouvante sur les méfaits des ondes électromagnétiques sur les petits enfants, c’était « de la merde », mais aussi contre les diffamations de Frédéric Delavier et demain contre les agissements d’Idriss Aberkane. Un gugusse a dit qu’il voulait m’égorger quelques jours après la collecte de fond : la justice est saisie. Ce qu’il y a de bien à ne pas être complotiste c’est qu’on ne va pas se barrer avec la caisse, on va l’utiliser pour remplir les objectifs fixés !

 

En 2022 j’ai essayé Tik-tok… Et sans être convaincu pour le moment je vais tâcher d’y retourner l’an prochain car il faut être présent là où les jeunes ont besoin de croiser dans leur vie les notions importantes de la zététique.

J’ai écrit un roman de fantasy qui sera publié en début d’année prochaine. « Le Rebord du monde » se passe dans le même univers que mes deux premiers romans de la saga Les Enigmes de l’Aube. Mais l’ambiance change un peu. J’espère qu’il vous plaira. La couverture est signée par mon ami Loïk Bihan.

En 2022, on a suivi le procès de Jacques Grimault, et je serai présent à l’audience de février prochain.

Cette année, la Tronche en Biais a publié 70 vidéos. Vous avez passé 479 ans devant la TeB, ça ne nous rajeunit pas, et en 2023 ça risque d’être pire.

Et pendant tout ce temps j’ai essayé de faire avancer autant que je le pouvais, en tâche de fond, un grand projet de livre : « L’esprit critique pour les NULS » qui a pris beaucoup de retard parce que l’actualité m’a trop souvent volé toute mon énergie, et parce que ce projet m’est précieux, alors je dois le peaufiner, le dorloter, le sourcer, le muscler, avant de le laisser voler de ses propres, ailes. Il décollera en 2023, j’ai encore bien du travail et je vous promets déjà qu’il contiendra des entretiens avec une dizaine de chercheurs et chercheuses formidables, spécialistes du sujet.

 

Je suis plutôt fier du travail accompli cette année, même si j’ai toujours l’impression qu’on aurait pu faire mieux, faire plus, et que je suis certain d’avoir oublié de répondre à une bonne trentaine d’emails important pour faire avancer d’autres dossiers, d’autres articles, d’autres vidéos. À tous ceux que j’ai oubliés malgré moi : rendez-vous en 2023 si vous le voulez bien.

 

J’espère que ce qui a été accompli vous semble bien et utile et que vous resterez à mes côtés et ceux de l’ASTEC pour que l’aventure continue en 2023. Il y aura des livres, des débats, des directs sur des sujets importants, des procès, du débunkage, de l’autocritique, de l’écoute et des dossiers dont une bonne partie auront besoin de vous, de vos idées, de vos connaissances et de vos doutes.

Puissions-nous tous passer une excellente année 2023

 

Je n’aime pas le foot.

Je ne dis pas cela pour vous agacer. Je suis désolé de la négativité que vous ressentez peut-être en entendant ces mots. Mon but n’est pas de vous faire éprouver des sentiments désagréables, ni de vous convaincre que j’ai raison et que vous devriez vous aussi ne pas aimer ce sport. Je veux juste exprimer mon ressenti, ici, dans cet espace de liberté qui est le mien, sur ce blog (et une chaine YouTube) que vous n’êtes pas obligé de consulter. Il vous est très facile d’ignorer complètement mon propos.

Maintenant que je vous ai dit cette chose tout à fait banale : « je n’aime pas le foot », la plupart d’entre vous s’en contrefiche. Aujourd’hui, c’est la finale de la coupe du monde. La France est en finale, et si ça se trouve elle est championne au moment où vous lisez ces mots. Alors franchement, l’avis d’un zététicien sur la question vous indiffère. Vous vous concentrez plutôt sur la manière dont ça vous fait vibrer, dont vous vivez l’instant, vous profitez, vous avez bien raison.

Mais.

Maintenant regardez les commentaires sous la vidéo. Vous allez y trouver des tas de gens qui estiment que j’exagère, que je pousse le bouchon trop loin, qu’on a pas besoin de m’entendre me plaindre, que je devrais garder ça pour moi et ne pas être jaloux que les autres s’amusent. Vous verrez aussi des insultes et des menaces plus ou moins vague.

Je ne suis pas devin, je peux me tromper, d’autant que certains auront très envie de me donner tort en se retenant de commenter… Mais le peuvent-ils vraiment ? Jusqu’à présent à chaque fois où j’ai exprimé ce sentiment sur Facebook dans les années passées, cela a créé du débat. Les gens viennent se disputer sur la légitimité d’émettre un avis sur la possibilité de ne pas partager l’allégresse générale.

Je voudrais vous proposer de partager mon étonnement. S’étonner que les choses soient ce qu’elles sont, c’est la première étape de la sagesse disait ce bon vieil Aristote.

Un type dit qu’il n’aime pas le foot quand tout son quartier est en train de hurler, que les klaxons carillonnent au milieu des pétards, pendant que des gens plus ou moins ivres envahissent l’espace public, joyeux, mais sans beaucoup d’égard pour votre migraine ou le sommeil de votre petit enfant. Et ce type là, qui dit ça à ce moment-là. On trouve que lui, il abuse ! Ce type là, il serait capable d’écrire sur son mur facebook personnel, au vue de tous, un truc du genre « l’équipe de foot dont les supporters sont les plus bruyants et les moins respectueux de la vie des autres, je souhaite qu’elle perde. » Il est malade ce type ou quoi ? Encore une fois, je pense que pour la plupart d’entre vous c’est un non-événement, mais en fait il se passe quelque chose qui mérite qu’on prenne le temps d’y penser.

Face à cet espèce d’Acermendax qui dit qu’il n’aime pas le foot alors qu’on est tous en train de prendre un pied d’enfer avec cette coupe du monde organisée au Qatar après une immense affaire corruption qui n’est un secret pour personne mais ne dérange pas grand monde, dans des stades géants climatisés construits par des ouvriers dont les droits fondamentaux ont été piétinés et qui sont morts par milliers sur les chantiers ; cet espèce d’enfoiré, il veut nous gâcher la fête. C’est le sentiment que suscite le fait que je m’exprime sur un ton critique à propos d’un événement qu’il ne faut pas critiquer.

 

Je vous annonce que je vais recevoir les commentaires suivants, sans doute de la part de gens qui n’ont pas regardé la vidéo en entier, voir se sont contentés d’en lire le titre.

  • On va me traiter d’élitiste binoclard au corps de lâche, de pauvre type qui était toujours le dernier à être choisi quand on faisait les équipes de sport au collège. On va me rabaisser pour dire à quel point on a toujours tort de rabaisser les autres.
  • On va affirmer que je me moque des plaisirs simples de la plèbe, que je suis un parangon de la bourgeoisie intellectuelle insensible aux vrais valeurs populaires. Je suis méprisant.
  • Pour d’autre, c’est du racisme, avec le sous entendu que les incivilités que je dénonce sont liées à l’ethnicité de ceux qui s’en rendent coupables, et que ce serait ça qui me dérange, je voudrais que les basanés restent à leur place. Parce que je suis une ordure.
  • Pour d’autre, quand on est français, on soutient l’équipe de France. Point. Parce que, ta gueule, c’est comme ça. Même si on ne les voit pas faire preuve d’autant d’esprit de corps quand il s’agit de championnats de piano, de mathématique ou de macramé.
  • Pour d’autres, je cherche le conflit partout. Je pourrais me contenter de ne pas aimer en silence, de supporter le bruit, la fumée, les hurlements et les violences dans la ville sans commenter. Je ne fais qu’aviver les tensions en ramenant ma science.
  • Certains diront que je suis incapable d’entrer en communion avec la joie rayonnante de la population autour de moi, c’est un manque de spiritualité qui me rend obtus, minuscule et triste. Ordure que je suis.
  • Et cetera.

Ce que je dis en réalité c’est que les fans de foot m’ont toujours privé, toute ma vie, d’être indifférent et ignorant des événements qui se produisent dans les stades. Ils m’imposent leur extatique point de vue sur l’importance majuscule du ballon rond poursuivi par les hordes encalçonnées sudoripares dont parlait le regretté Pierre Desproges il y a 40 ans. Pour ma part je ne hais pas le foot, mais je constate que ça pose problème de vous dire que l’emballement général autour de ce sport, ça m’emmerde. Il y a des gens qui, au lieu de profiter de la joie qu’ils éprouvent et dont l’expression s’affiche sur tous les supports imaginables, voudraient en plus que nous, les non adorateurs des fossoyeurs de gazons multi-millionnaires acquiescent, qu’on se tienne sage, qu’on ne dérange pas. C’est le début du totalitarisme. Je le répète, cette posture extrême ne concerne qu’une minorité. Mais les totalitaristes n’ont pas besoin d’être majoritaires dans leurs idées pour s’imposer, malheureusement.

Le foot est partout, il est plus important que le climat, que la probité, que l’exemplarité. On avait dit qu’on le boycotterait, mais bon, vous comprenez on est en finale, alors… Partout ! Mais ça n’est pas suffisant pour une partie des aficionados qui vont traquer ceux qui ne vibrent pas, ceux qui détonnent, les anormaux, ils vont les rabaisser pour anéantir la portée de ce qu’ils ont à dire, parce que d’une certaine manière on est sur un terrain religieux ou équivalent.

Et puis il y a les non extrémistes qui ne manqueront pas d’y aller quand même de leur reproche, au nom de la ferveur des autres. Ils vont dire qu’il faut respecter tous les avis et se mettre un peu à la place des fans qui se sentent jugés par une telle déclaration. Comme s’il y avait une symétrie entre le vacarme désordonné de primates qui veulent de sentir exister à travers le score d’une équipe de gens qu’ils ne croiseront jamais de leur vie, et la discrète désapprobation d’autres primates qui aiment bien quand on a le droit de ne pas être supporter de l’équipe qui arbore le drapeau d’un territoire juste parce qu’on est né dessus.

 

Si ce que je vous dis vous déplait, c’est peut-être parce que j’ai tort. Dans ce là, ce n’est pas très grave. Si j’ai tort, cette vidéo sera un four, la section commentaire sera vide, je me verrai réfuté, et à vrai dire un peu rassuré. Mais si ce que je vous dit vous déplait, c’est peut-être parce que cela touche à un sentiment du sacré. Il y a comme un léger parfum de blasphème. Et j’ai tendance à penser qu’il faut blasphémer de temps en temps, surtout quand un maximum de gens pensent qu’il ne faudrait pas, pas maintenant. Je pense que vous dire que je n’aime pas le foot et que je suis saoulé par vos passions apicales pour un sport balourd et disgracieux, c’est un peu mon rôle (pourvu que j’explique pourquoi, évidemment). Et j’espère que vous vous en foutez. Vous devriez n’avoir rien à cirer de mon avis sur le sport. Tant mieux si c’est le cas, ça se verra par l’absence de vos commentaire… Oui, j’ai tendance à ne pas croire les internautes qui s’attachent à écrire à quel point ils s’en foutent de la vidéo qu’ils viennent commenter.

 

Je pense que le sentiment du sacré toujours un obstacle à la pensée critique et donc au développement du genre humain. C’est une position axiologique qui s’appuie sur l’ensemble de mon travail depuis des années, vous avez bien le droit de ne pas être d’accord.

 

Je finirai en disant à ceux qui aiment le foot que je suis content pour eux s’ils partagent des moments de qualité avec leurs amis qui ont la même passion, qu’un sport populaire doit être respecté pour ce qu’il représente aux yeux des gens, que le rejeter par snobisme n’est pas une preuve d’intelligence, et que je suis absolument certain que la majorité des amateurs de foot ne se sentent pas concernés par les dérives dont j’ai parlé.

Je pense qu’on a bien sûr le droit de ne pas aimer le foot, tout le monde est d’accord. Mais qu’il existe une pression pour nous dissuader de le dire sous peine d’être jugé comme un bobo snobinard qui n’existe qu’en crachant sur ce qu’aiment les gens simples.

L’amour serein d’une chose ne voit pas comme une menace la divergence des opinions qui la concernent.

 

Acermendax

Tout le monde n’a pas la « chance » d’assister en direct à la naissance d’un récit complotiste qui lui donne un rôle dans une machination aux implications labyrinthiques. C’est ce qui se passe avec une petite communauté qui décide qu’elle en sait plus que tout le monde et tire des conclusions farfelues sur la base d’informations librement disponibles, mais terriblement révélatrices à les en croire.

Nous voici dépeints (TeB, ASTEC et consorts) comme une officine aux ordres d’un pouvoir obscur, animés d’intentions incertaines mais néfastes, engagés dans une stratégie filandreuse mais concertée en haut lieu afin de fomenter en secret une collecte de fonds largement publique. Bref, nous sommes désormais un nouvel item dans l’écheveau des narratifs débridés d’une complosphère obligée d’attribuer des pouvoirs démesurés à ces ennemis pour expliquer son incapacité chronique à démontrer quoi que soit, à aider quiconque, à faire autre chose que dégoiser des inepties.

Je vais lister ci-dessous, sans commentaire ou presque, les déclarations délurées d’internautes contribuant à générer la légende noire qui leur sert à déshumaniser notre équipe et ceux qui sont considérés comme étant nos proches alliés. Cette manière de faire est alarmante, elle est dangereuse, elle aggrave une polarisation déjà forte et produit actuellement un climat toxique où l’injure est permanente et la menace de plus en plus fréquente. C’est la raison pour laquelle nous avons réalisé une collecte destinée à permettre des actions en justice contre ces menaces et fausses accusations. Seulement voilà. Le succès impressionnant de cette collecte, qui a dépassé 100k€ en trois jours, devient un nouvel épisode, un nouvel élément que les complotistes doivent expliquer.

La superstructure narrative du complotisme contemporain a un besoin constant de nouvelles « preuves » venant raffermir la foi de la communauté qui se reconnait dans ce contre-discours. Rien n’est plus important que de valider les soupçons du passé en expliquant les échecs des prévisions d’hier par de nouvelles turpitudes des méchants. Rassembler une grosse somme de la part de notre public provoque une dissonance : comment accepter que des milliers de gens donnent spontanément de l’argent à notre association si en fait nous sommes aux ordres du pouvoir, payés pour astroturfer : faire croire qu’une grande partie du peuple est hostile à la logique des complotistes ? Il faut trouver une explication alternative, concoctée avec les ingrédients habituels : les complotistes croient en la malveillance de l’humain, sans doute pour cause d’échantillonnage biaisé : ils fréquentent les idées d’humains malveillants.

Cette mécanique ne peut que mal finir, pour quelqu’un, tôt ou tard. Elle ne s’arrêtera pas d’elle-même. Nous avons décidé d’agir avant qu’un drame évitable ne se produise. Mais nous ne ferons pas des miracles en face d’une communauté décidée à détruire les ennemis qu’elle s’est fabriqués. J’espère avoir tort, et assister bientôt à une accalmie générale.

Acermendax

 

Il fallait bien que les hurlements de certains extrémistes finissent par en exciter d’autres…

Certaines figures un peu connues de la zététique se font pourrir depuis  environ 4 ans, et sont même harcelées par une petite clique d’ultra-gauchistes de salon qui leur reprochent d’être littéralement l’antichambre du fascisme. « La zététique c’est de droite » dit-on sur Twitter. Et le REC, « un rassemblement du RN ». Dans le même temps, des journalistes nous accusent même d’être à la solde des multinationales dans des délires de type complotiste dans les pages du Monde ou de la revue Zilsel. Evidemment, je ne m’attarde pas sur les montagnes d’injures et de menaces venues de la complosphère : cet aspect-là fait en quelque sorte partie du job, malheureusement.

Bon an, mal an, les gens de la zététique gardent le cap. Nous renonçons à discuter avec ces gens fanatisés. Nous continuons de produire aussi bien que possible des contenus de vulgarisation scientifique et de promotion de l’esprit critique, et même à organiser des événements comme la Nuit Zététique et les REC de Toulouse. Travailler nous semble être la meilleure réponse aux accusations éclatées qui cherchent à nous atteindre (et regardez, au lieu d’avancer sur mes projets, je consacre du temps à écrire ce billet. Cela me désole) au prétexte que, essentiellement, nous ne serions pas (ou pas assez, ou pas bien) de gauche.

 

Hier, un article puant la rhétorique zemmourienne publié par le journal Marianne croit pouvoir constater que « le wokisme est dans la place » et que la zététique a été dévoyée hors du rationalisme. La preuve : on valorise la bienveillance. Et nous sommes contre le racisme, en plus !

Extrait de Madame Anne-Sophie Nogaret :

« Malgré le crédit dont elle bénéficie, la très populaire chaîne YouTube « La Tronche en Biais » a pu adopter une position très éloigne de la rationalité qu’il prétend défendre sur els questions de sciences humaines ? »

Cette phrase vient après une relecture déficiente du contenu de notre émission de janvier 2019 sur le racisme avec Evelyne Heyer, commissaire de l’exposition sur le racisme du Musée de l’Homme, autrice de « L’odyssée des gènes ». Dans notre émission, il n’a jamais été dit que « seuls les « racisés » (comprendre les Noirs et les Arabes) sont victimes de discrimination. » précisément parce que le racisme ne se limite pas simplement à de la discrimination (qui peut certes frapper n’importe qui, mais pas avec la même probabilité), chose qui a été expliquée lors de ces deux heures de direct. Il serait souhaitable que la journaliste veuille corriger rapidement cette présentation fausse. Je l’invite à poser des questions quand elle n’est pas sûre d’avoir compris quelque chose, la section commentaire peut servir à ça.

L’article de Mme Nogaret semble me présenter comme l’un des organisateurs des REC dans une phrase au minimum ambigüe qu’il serait appréciable de voir corriger elle aussi, au cas où la suppression pure et simple de ce tissus d’intox ne serait pas possible.

Il est préférable de citer ses sources afin d’être bien compris, alors je dépose ici les captures d’écran de l’article payant écrit par Mme Nogaret. Je les supprimerai si un droit de réponse libre d’accès est accordé à ceux à propos desquels le journal à laissé publier de fausses informations. Parce que, voyez-vous, le mouvement Zet n’a pas « perdu de vue son objet : la recherche de la vérité et non le soin a priori des sensibilités fragiles » (ce qui serait de toute façon un aux dilemme).

 

Après environ 4 ans d’ambiance pourrie par les obsessions politiques de celles et de ceux qui ne font pas de zététique mais voudraient qu’elle s’aligne avec leurs priorités personnelles, je pense que la majorité des Zets aimeraient bien que ces deux grandes familles de toxiques obnubilés par leur grille absolue de détection du mal s’occupent de se renifler le derrière entre eux sans nous mêler à leurs turpitudes.

 

Je mets ci-dessous le lien vers notre émission de janvier 2019. Bien humblement, je conseille à tout le monde de lire plus de science et de dire moins de conneries.

 

Acermendax