Le baratin pseudo-savant (TenL#64)
Invité : Sébastian Diéguez
Enregistré mardi 4 juillet 2018. Musée aquarium de Nancy
Editorial
Personne n’aime les menteurs ! Les menteurs trichent, ils disent des choses fausses et notre seule chance de connaître la vérité est de les soupçonner, de les accuser. Ils nous obligent à gober ou bien à nous rebeller ; ils violent toutes les formes de convention du langage, et c’est scandaleux. Mais il en va autrement des bullshiteurs, des baratineurs, des faux experts, des imposteurs au moins un peu habiles, dont les discours ne sont pas tout à fait du mensonge tout en étant catégoriquement distincts de la vérité.
Si nous tolérons autant les bullshiteurs dans les publicités, sur les plateaux télé, dans les formations professionnelles, et sur Youtube, parmi mille autres lieux et circonstances, c’est parce qu’il n’est pas bien difficile de ne pas être dupe. Quand on voit clair dans le jeu d’un charlatan, on est parfois tenté de rire de la crédulité des gogos qui boivent ses paroles. A l’inverse du menteur qui ne peut être percé à jour que par une enquête ou une connaissance fine d’un sujet, le baratineur se reconnait à sa posture, à sa rhétorique, et à cause de cela nous avons tendance à estimer qu’il doit son succès à la bêtise des autres.
Détecter les balivernes que d’aucuns acceptent de croire a quelque chose de gratifiant, et le baratineur que nous ne croyons pas flatte notre intelligence. C’est peut-être pour cela que, collectivement, nous le traitons bien moins sévèrement qu’un menteur. Qui croit un bullshiteur n’est-il pas à moitié coupable lui-même d’avoir manqué de jugeote ?
Tous les baratins n’ont pas le même succès, et la crédulité a ses modes. Anatole France avait annoncé que l’auréole d’autorité qui accompagne la science produirait des « crédulités scientifiques », et nous voyons des gourous s’emparer du vocabulaire de la science pour « faire comme si » leur baratin méritait d’être appelé théorie, d’être comparé à la relativité d’Einstein, comme si leur sort rappelait le cas de Galilée, harcelé par l’Eglise, comme si l’aspect bizarre et impénétrable de la mécanique quantique, par simple analogie, validait la bizarrerie et l’apparente complexité de leurs propres concepts.
Les gourous, imposteurs et charlatans ont décidément la vie facile car ils n’ont pas besoin d‘inventer des concepts bien compliqués, il leur suffit de dire des choses que des gens ont envie de croire dans un emballage mercatique qui associe leur nom à une sorte de marque. Les jus de fruits sont bons pour la santé : achetez mon extracteur de jus et vous guérirez du cancer. Nous sommes des célébrités d’une intelligence comparable à celle d’Einstein : achetez nos livres sur le « visage de Dieu ». Je suis un génie hyperdoctoré et si vous achetez mon livre, vous serez comme moi, plus intelligent. Et cetera.
Cette indulgence face au bullshit accompagne une asymétrie désormais bien connue. Formulée par le programmeur Alberto Brandolini en 2013 « La quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des idioties est supérieure d’un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire. »
Or, qui est assez motivé pour dépenser temps et énergie à la réfutation d’idées auxquelles personne n’aurait dû accorder crédit pour commencer ? Qui serait assez crétin pour se lancer dans une course perdue d’avance sur des sujets souvent ridicules ? Qui serait assez maso et fou ? Hmm. Et bien nous ne sommes pas seuls, et nous pouvons le prouver en recevant le chercheur en neurosciences Sebastian Dieguez !
Nota Bene : environ 7 minutes sont manquantes à la fin de la partie 2. Mais nous les avons récupérées et vous pouvez les voir en cliquant ici ou bien sur la fiche qui apparaitra en haut à droite de l’écran dans la vidéo principale de l’émission.
J’ai trouvé les propos très clairs et très simples. Cependant, puisque la personne étudie les neurosciences depuis plus de 20 ans… Je me demande s’il n’y avait pas quelque chose de caché et/ou compliquer à comprendre.
Un effet gourou inversé ?!
Ou de la bonne vulgarisation !