Assassinat de JFK. 60 ans de contre-récits [TenL#126]
Emission enregistrée le 18 octobre à 20h.
Invités : François Carlier — Sylvain Cavalier.
Editorial
Comment ne pas avoir des doutes ?
60 ans, presque jour pour jour après les faits, il y en a beaucoup pour s’étonner encore. Peut-on croire que la mort spectaculaire, au grand jour, devant des milliers de personnes et captée à jamais par des photographies et des vidéogrammes de l’homme le plus puissant du monde soit due à un pauvre type, un loser de 24 ans équipé d’une arme achetée un mois plus tôt 12,78 dollars, installé au cinquième étage du dépôt de livres scolaires où il travaille comme magasinier ?
Si Lee Harvey Oswald est coupable d’un acte aussi improbable et choquant, à coup sûr on dispose de preuves et alors l’affaire est entendue.
Seulement c’est un peu gênant parce qu’il n’y a pas eu de procès. Dès le 24 novembre, le suspect meurt abattu à son tour, en public, par un patron de boite de nuit qui a des liens avec la pègre, alors que la police le transfère vers une prison.
Oswald, arrêté une heure trente après l’assassinat pour avoir tué un agent de police en pleine rue, a nié son implication et il n’a pas eu le temps d’élaborer sa défense. Notons que sa veuve le dénonce quand on l’interroge, mais 25 ans plus tard, elle le dit innocent chez Oprah Winfrey. Pour certains, cela anéantit à jamais la possibilité d’avoir accès à toute la vérité. D’aucuns songent à haute voix que le silence définitif d’Oswald est bien commode et qu’il arrange peut-être les vrais commanditaires.
Comment ne pas soupçonner qu’on nous cache des choses lorsqu’on entend des gens protester contre l’enquête de la commission Warren de 1964 où le rapport d’autopsie du président existe sous deux versions et où est défendue la thèse officielle qu’une seule et unique balle a causé 7 blessures sur deux hommes : le président Kennedy et le gouverneur Connally installé devant lui dans la voiture.
Fallait-il être un tireur d’élite pour réussir le coup en tirant 3 balles espacées de moins de 5 secondes ? Et d’ailleurs combien de coups ont été tirés ? Les témoins ne sont pas d’accord.
Des dizaines de livres ont été publiés. La thèse officielle y est étrillée. Des films sont sortis, notamment en 1991 une grosse production d’Oliver Stone avec Kevin Costner. Et on y apprend qu’il y avait forcément un deuxième tireur. Le mouvement de la tête de Kennedy vers l’arrière indiquerait un tir venant de l’avant. Or Oswald tirait depuis l’arrière.
Comment est-possible qu’un crime commis en pleine lumière à propos duquel on croule sous les documents, qui semble d’une grande simplicité si jamais Oswald a agi seul, puisse générer autant de littérature critique, et même hypercritique au point de devenir l’un des évènements historiques les plus discutés et le point de départ du complotisme moderne qui ne sera surpassé dans la ferveur des penseurs alternatifs que par l’attaque du 11 septembre 2001 ?
L’assassinat le plus célèbre de l’histoire et le mieux documenté est aussi qui provoque le plus de soupçons et d’incrédulité.
Et pourtant vous allez entendre ce soir un homme qui connait l’histoire par cœur, qui a tout lu à son sujet et qui va nous expliquer que la vérité est connue, bien établie. Les mystères sont vendeurs, les complots sont excitants, mais nous sommes censés aimer la vérité plus que le frisson de découvrir des incongruités dans les détails des faits du passé ou des coïncidences étonnantes comme par exemple le fait que nous sommes le 18 octobre 2023, et qu’aujourd’hui même Lee Harvey Oswald fête certainement son 84e anniversaire quelque part dans une ile du Triangle des Bermudes avec Elvis Presley et Mickael Jackson.
Pour dire des choses plus intelligentes je reçois ce soir François CARLIER, auteur de « L’assassinat de Kennedy expliqué -Bilan définitif, après 60 ans»
Dans le troisième segment de l’émission j’ai invité Sylvain CAVALIER, alias le Débunker des Etoiles qui connait très bien cette affaire et notamment les milieux complotistes dans lesquels elle continue de faire recette.
Tout d’abord, mille bravos à toute l’équipe pour ce live ainsi qu’à MM Carlier et Cavalier pour leurs interventions !
Je suis convaincu de longue date que Lee Harvey Oswald était le tireur unique qui a abattu le Président Kennedy, mes seuls doutes qui peuvent persister encore aujourd’hui sont qu’il ait bénéficié ou non de conseils ou du moins de l’encouragement d’individus « pousse-au-crime ».
A ce sujet, j’aimerais partager quelques remarques qui permettront peut-être de prolonger les échanges dans cette section Commentaires.
A 1h du live, M. Carlier a écarté l’intérêt de l’engagement communiste d’Oswald ou de ses rapprochements avec Cuba ou l’URSS pour expliquer son geste. Sans penser forcément que les services de renseignement cubains ou soviétiques l’aient incité à commettre son attentat, par exemple en représailles aux tentatives américaines de déstabiliser la régime castriste notamment en soutenant des tentatives pour assassiner Fidel Castro, je me demande si le contexte de la Guerre froide n’a pas participé au complotisme associé à l’événement.
Mes deux réflexions pour penser cela sont :
1) D’abord, certains historiens ont démontré que la Commission Warren avait effectivement escamoté des preuves ou des témoignages sur le parcours pro-URSS d’Oswald, sous la pression du Vice-Président Johnson qui craignait que cela n’alimente les soupçons contre le Bloc communiste et n’amène un appel populaire à la guerre par vengeance, au risque de la conflagration thermonucléaire. La commission d’enquête initiale n’était donc pas irréprochable et a certainement alimenté le doute par son comportement biaisé, tout comme les révélations des années 1970 sur des exactions attestées des autorités américaines ont créé un climat paranoïaque et ont revalorisé après coup les théories du complot.
2) Ensuite, le transfuge du KGB Vassili Mitrokhine a publié ses mémoires en 1991 où il explique que, dès les toutes premières thèses complotistes sur l’assassinat de JFK, les services soviétiques avaient approché les propagateurs américains pour les influencer ou du moins les encourager en ce sens. M. Cavalier l’a fait remarquer en parlant de QAnon, JFK a été promu comme martyr et victime du système politique américain par ceux-là mêmes qui le vomissaient de son vivant.
J’aimerais conclure par cette réflexion un peu diafoirus mais qui pourrait ouvrir un débat plus général et intéressant : le seul complot entourant la mort du Président Kennedy ne serait-il pas comment la récupération de sa mort a été fructueuse pour ses pires ennemis, c’est-à-dire l’ex-URSS et les extrémistes de tous bords aux Etats-Unis ?