L’histoire de l’Histoire du cosmos
Invité : Jean-Philippe UZAN
Enregistré mardi 5 juin 2018. Amphithéâtre de la Présidence, 34 cours Léopold, Nancy.
Editorial
Au commencement, tout était plus simple. L’humain était dans un état d’ignorance quasi- totale. Le jour succédait à la nuit, le sol était fermement installé sous ses pieds, les saisons allaient et venaient… Et c’était à peu près tout ce qu’on pouvait dire du monde. L’univers était un endroit dangereux. On y mourait jeune et sans rien comprendre aux causes de notre présence. C’était probablement très frustrant.
Mais l’humain est plein de ressources, et il y a une chose dans laquelle il excelle, c’est l’imagination. Imaginer permet de trouver des solutions nouvelles aux problèmes. Imaginer donne accès à des ressources non exploitées, à des stratégies de survie plus élaborée. C’est le superpouvoir de la lignée humaine. Nous imaginons tout le temps : on rêvasse, on fait des projets, on lit des romans, des BD, on va au cinéma, on raconte des blagues, on mythonne on procrastine, on écrit des éditoriaux… Nous racontons des histoires aux autres et à nous-mêmes, et une bonne partie de ce que nous racontons et de ce que nous acceptons de croire est imaginaire.
Mais cet amour pour les histoires participe sans doute à ce besoin que nous avons de connaître l’origine des choses, et leur avenir. L’une des plus grandes entreprises de notre espèce a été de percer sa bulle d’ignorance pour se doter des moyens d’obtenir sur l’univers des réponses qui ne se résument pas à de jolies histoires, mais qui nous informent sur la réalité de ce dont nous ne pouvons pas être les témoins directs.
Et après deux mille siècles d’existence, que de progrès pour notre espèce dans les cent dernières années. Nous avons appris l’âge de l’univers, ou plus exactement le temps qui sépare le présent du moment appelé Big Bang. Nous avons appris la mesure de l’Univers… ou plus exactement la taille ineffable de l’univers observable, ce qui laisse dans l’ombre l’univers inobservable (une idée déconcertante s’il en est). Nous savons comment ont été fabriqués les atomes qui nous composent, nous savons même que les atomes peuvent être brisés, qu’ils contiennent d’autres choses encore plus élémentaires. Nous savons le destin qui attend le Soleil et la Terre, la course folle de la galaxie d’Andromède dans notre direction. Nous avons des images des plus anciens rayonnements émis dans le cosmos et des images de synthèse pour nous raconter la formation du système solaire.
Et plus nous en savons, plus nous avons de questions sans réponse. La frustration nous accompagne toujours.
Par chez nous, au moins, épargnés que nous sommes par les guerres et la famine, nous vivons bien plus vieux qu’autrefois, en meilleure santé, dans un plus grand confort, en relative sécurité, bien nourris, et bien mieux éduqués qu’à n’importe quelle période de l’Histoire. Et pourtant, ironiquement, l’univers n’a jamais été plus hostile à notre existence à long terme. L’endroit est absolument cauchemardesque : astéroïdes, supernovae, extinctions de masse, trous noirs, collisions de galaxies, éclatement du soleil, et disparition de la vie telle que nous la connaissons… le futur lointain nous destine à l’annihilation, et l’univers, dans un sens, est encore plus dangereux qu’il pouvait le sembler à nos ancêtres.
En réponse au désarroi qu’évoque ce destin obscur, certains humains veulent croire que la connaissance trouve sa récompense en elle-même. Pour citer Edgar Poe : « Ce n’est pas dans la science qu’est le bonheur, mais dans l’acquisition de la science. » Ils consacrent leur temps à mettre à l’épreuve ce que nous croyons savoir, à imaginer d’autres phénomènes, d’autres explications qui nous donneraient une image plus juste, plus précise, de l’histoire du cosmos.
Parmi ces gens, on trouve les cosmologistes. Et nous avons l’un de ces êtres étonnants avec nous ce soir en la personne de Jean-Philippe Uzan.
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