Humanisme Numérique – TenL#46
Enregistré le 7 juin 2017 au Musée Aquarium de Nancy.
Invité : Samuel Nowakowski
Editorial
Les humanités, c’est le nom donné à ce qui correspondait, durant l’Antiquité, à nos études secondaires. Plus récemment cela désigne les enseignements de grec et de latin. C’est un peu élitiste, ça sonne un peu vétuste, on se demande bien à quoi ça sert d’apprendre des quo vadis, des carpe diem, des acta est fabula ou encore des rosa, rosam rosae…
Et pourtant il y a un but derrière tout cela, c’est de s’approprier l’histoire des mots afin de les comprendre. Beaucoup de nos concepts les plus importants ne sont accessibles que via des mots : la liberté, le bonheur, la paix… la vérité ! Pour penser les concepts, il faut des mots bien fichus, efficaces, porteurs de sens.
Faire ses humanités, c’est donc s’inscrire dans l’histoire des mots, des représentations, c’est acquérir le pouvoir de forger de nouveaux mots qui soient compréhensibles, acceptés, partagés, et qui puissent contribuer à faire évoluer la manière dont ceux qui parlent avec ces mots vont agir dans le monde.
Tout cela peut paraître grandiloquent, et pourtant nous constatons tous qu’une transition s’est opérée ces dernières années. Il y a de nouveaux mots : le web, l’email, les communautés virtuelles, les podcasts… des mots qu’il faut apprivoiser pour comprendre ce qu’il se passe autour de nous ; des mots qui ne viennent pas de nulle part, qui ne se forgent pas par hasard, et dont le succès mérite bien qu’on s’y penche.
Notre siècle offre aux humanités un relooking, un update, ou disons-le en français un rafraîchissement, une mise à jour. Et nous allons parler ce soir des Humanités numériques, et de l’Humanisme qui l’accompagne, c’est-à-dire le constant effort de mettre l’humain au cœur des décisions et des processus.
La révolution numérique, que rien n’arrêtera désormais, nous oblige à penser en temps réel aux conséquences de nos choix, à ce que nos usages nous autorisent, à ce que nos habitudes nous interdisent, ou vice-versa.
Les prochaines années ne peuvent pas être envisagées, anticipées, organisées par des humains illettrés, imperméables aux concepts qui ont envahi nos vies professionnelles et intimes. Nous avons plutôt intérêt à ce que celles et ceux qui légifèreront demain comprennent la portée des mots qui font les lois. Nous avons besoin de citoyens éclairés, capables de dépasser la fixité fonctionnelle, ce biais cognitif qui nous enferme dans des usages quand nous oublions que les limites à la manière dont nous utilisons nos outils sont avant tout dans nos têtes, dans nos schémas mentaux.
Pour plus d’émancipation et d’épanouissement des individus, des chercheurs travaillent sur l’évolution de nos usages sur Internet, en particulier en contexte d’apprentissage ; et c’est justement le domaine de recherche de notre invité, Samuel Nowakowski, professeur d’informatique à l’Université de Lorraine et à l’école nationale supérieure des mines de Nancy.
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