Dieu peut-il être une hypothèse scientifique ?
Article invité.
Introduction, contextualisation, objet
Dawkins dans The God Delusion traite de Dieu comme une hypothèse explicative relative à l’existence de l’univers et arrive à la conclusion que cette hypothèse n’est pas scientifiquement ou même rationnellement valable. On peut être surpris de la forme que prend cette critique : il nous semble que peu de croyants traitent de Dieu comme d’une hypothèse scientifique mais demeurent au contraire dans une forme de relativisme de la croyance. Pour autant, depuis quelques années, il y a bien une recrudescence des tentatives de démontrer l’existence de Dieu ou de faire de Dieu une hypothèse explicative plausible, notamment aux Etats-Unis. Je ne parlerai pas ici spécialement de la théorie de l‘Intelligent Design défendue Outre-Atlantique, bien que cela soit également visé[1], mais de toute tentative de faire de Dieu l’objet ou la conclusion d’un discours scientifique.
Pour illustrer cette position il me paraît intéressant de ne pas s’attaquer à un homme de paille mais de partir d’une argumentation un peu subtile, comme on peut la trouver dans le livre de Swinburne datant de 1996. Je vais essayer de montrer ainsi que si les arguments de Swinburne sont intéressants et ont une certaine pertinence épistémologique ils ne sont absolument pas probants et sortent de ce fait du cadre scientifique. Pour se faire il nous faut déjà exposer sa position.
1. La position de Swinburne et ses arguments pour défendre la scientificité de l’hypothèse divine[2].
Deux mots sur le philosophe britannique, ce n’est pas un théologien mais un philosophe intéressé tout d’abord à l’épistémologie, même si Dieu est un objet central dans ses écrits avec en 1984 The existence of God et en 1996 Is there a god ?, qui cherche à soutenir la pertinence de l’hypothèse Dieu à la manière des hypothèses scientifiques. Nous pouvons déjà saluer à ce niveau l’effort du britannique et la cohérence intellectuelle qu’il propose.
L’idée centrale est que l’existence de l’univers comme un Tout ( entendons par là l’ensemble de ce qui existe) ne diffère pas de n’importe quel autre phénomène physique qui demande une explication. Si cette idée est discutable en soi – et on pourrait développer quelques arguments kantiens notamment contre celle-ci- admettons la d’emblée pour la simplicité de notre propos. En effet nous nous trouvons face à un phénomène à expliquer et pour cela nous formulons des hypothèses.
Cela nous mène à une question primordiale : qu’est ce qui définit une hypothèse scientifique ? Pour Swinburne il y a 4 critères :
1/ Elle permet d’expliquer les faits observés – ce qu’on pourra appeler sa vertu heuristique. Une hypothèse qui n’explique rien n’a pas lieu d’être et est au mieux une tautologie ( on expliquera par exemple la tendance à dormir après avoir pris de l’opium du fait d’une « vertu dormitive » de l’opium, ce qui est un cas d’explication circulaire).
2/ Elle s’accorde avec nos autres connaissances – il faut qu’elle soit cohérente avec le reste de notre savoir scientifique. Par exemple on peut concevoir une hypothèse qui obéit à 1/ et pas à 2/ si on expliquait le mouvement des astres avec une physique ptolémaïque qui n’est plus en accord avec ce que l’on sait par ailleurs en astronomie.
3/ Elle est simple, c’est à dire qu’elle ne fait pas intervenir une multitude d’entités explicatives diverses. Nous reviendrons sur ce critère qui est largement problématique.
4/ Elle ne possède pas de concurrente qui satisfait 1/ 2/ et 3/ de manière égale ou supérieure.
Ces critères posés de manière argumentée on peut alors comparer deux hypothèses, le naturalisme scientifique (disons l’hypothèse Hs) qui considère que l’univers s’explique de lui-même par une quantité de matière et d’énergie et des lois qui le régissent. L’hypothèse a un inconvénient pour l’auteur : elle laisse inexpliquée sa propre complexité (on ne répond jamais finalement à la question « pourquoi » qui peut revenir à chaque réponse qu’on donne et qui prend sa forme la plus radicale sous sa forme leibnizienne du « pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? ») ; et le théisme (disons hypothèse Ht), qui explique l’univers par l’existence d’un être immatériel tout-puissant, qui a créé l’univers tel qu’on le trouve. Cette hypothèse possède elle aussi un inconvénient de poids : elle fait appel à une entité non testable.
On peut alors comparer les deux hypothèses au crible de ces quatre critères.
1/ Le premier critère n’est pas déterminant : les deux hypothèses Hs et Ht expliquent tout aussi bien l’existence de l’univers à un moment T. Hs en partant de T-1, c’est-à-dire d’un moment antérieur de l’univers, en appliquant les lois de la nature, l’hypothèse théiste rendant compte de l’ensemble des donnés également a posteriori. En effet considérer que les phénomènes physiques observés sont causés par Dieu n’empêche pas que les lois de la nature s’appliquent. A posteriori on peut par ailleurs remarquer un ordre et une nécessité dans les phénomènes physiques, les rendant nécessairement causés par un être supérieur.
2/ Hs s’accorde par définition avec nos connaissances puisqu’elle est la somme de nos connaissances scientifiques relatives à l’univers. Ht s’accorde également en ce qu’elle n’a rien de logiquement impossible et ne s’oppose pas aux théories scientifiques en elles-mêmes ( bien qu’elle puisse s’opposer au matérialisme ou au scientisme comme philosophies). Swinburne considère ici que les deux théories sont à peu près à égalité[3].
3/ Pour Swinburne, voilà le point décisif : Ht est beaucoup plus simple que Hs. Ht fait en effet appel à une seule entité explicative alors que Hs en comprend une multitude ( lois, constantes, particules) qui la rende infiniment plus complexe et moins séduisante qu’une cause unique, dépourvue de toute détermination quantitative arbitraire. Hs fait toujours intervenir pour Swinburne de nouvelles questions : pourquoi ces lois et pas d’autres ? Pourquoi cette quantité de matière ? Pourquoi ce rapport entre les constantes ? Il fait ainsi jouer la question de la contingence métaphysique : on pourrait fort bien imaginer, comme le fait Quentin Meillassoux[4] un monde régit par d’autres lois de façon pleinement cohérente, ce dont la science fiction nous donne de nombreux exemples[5]. La théorie Hs souffre ainsi d’une régressivité à l’infini qui ne répond pas à notre besoin explicatif aussi bien que Ht qui nous présente une entité première incausée qui est l’origine première. Ht réduit beaucoup plus le champ de l’inexplicable que Hs et semble par ailleurs réduire également notre sentiment d’absurdité face au monde.
4/ Ht se trouve expliquer ainsi tout aussi bien et plus simplement les phénomènes que Hs ( qui fait « comme si » l’univers obéissait à un ordre réfléchi sans prendre en compte le fait que cet univers pourrait l’être).
2. Réponse à une objection courante
On pourrait ici se dire de façon légitime que cette démonstration est bien belle mais qu’elle ne prend absolument pas en compte un élément central : une hypothèse scientifique est testable empiriquement, ce qui n’est absolument pas le cas de Ht. Avec une telle hypothèse on ne peut rien prédire, rien tirer de plus qu’avec l’hypothèse Hs : pourquoi appliquer le rasoir d’Occam sur les entités scientifiques – qui sont utilisées dans Ht de toutes façons également – et pas sur l’entité infalsifiable qu’est Dieu ?
Frédéric Guillaud répond à cette objection de manière à notre avis bancale :
« On peut répondre à cette objection qu’il n’est pas nécessaire qu’une hypothèse soit soumise à confirmation par des expériences futures pour qu’elle soit acceptée rationnellement. Il existe des sciences du passé, comme la géologie, la paléontologie, l’archéologie, dont la valeur des hypothèses consiste à rendre compte de la manière la plus élégante et convaincante possible de données qui ne changeront plus jamais. » [6]
Pour lui ce qui fait une pseudo science n’est pas le caractère post-factum, explicatif a posteriori, mais le caractère ad hoc, c’est-à-dire l’ajout d’hypothèses à une première hypothèse explicative, visant à conserver la valeur de vérité de la première – ce qui s’est fait dans le système ptolémaïque notamment avec les épicycles et les hémicycles. La réponse n’est pas totalement absurde mais ne prend pas en compte une réalité de la recherche dans les disciplines citées. Si l’on prend le cas de l’archéologie il est évident que la discipline traite de fossiles et d’éléments qui sont anciens et qui sont par là déjà passés. Mais cela ne veut pas dire que pour nous qui élaborons les théories les « données ne changeront plus jamais », et cela pour la bonne et simple raison que nous ne sommes pas actuellement en connaissance de toutes ces données et que l’on peut toujours en découvrir qui viendront en droit réfuter nos théories. Prenons deux exemples simples. Je fais de l’histoire et je propose une théorie sur l’extinction d’une civilisation grecque un millénaire avant notre ère, je suppose que ladite civilisation s’est éteinte à cause d’une éruption volcanique à une date précise, disons -980 avjc. Les faits sont passés, la civilisation en question s’est éteinte. Pour autant pour que ma théorie soit vraie- gardons ce terme encombrant faute de mieux ici- il ne faut pas juste rendre compte simplement des phénomènes mais aussi que ma théorie ne soit pas contredite par des faits qui peuvent être de plusieurs ordres : a/ on peut faire des études géologiques m’indiquant qu’il n’y a pas pu y avoir d’activité volcanique au moment ou au lieu ou cette civilisation a vécu, auquel cas ma théorie est réfutée si les études géologiques sont fiables. b/ on peut trouver des traces archéologiques de cette civilisation après la date que j’ai indiqué, ce qui signifie que celle ci a perduré après ce que j’ai avancé c/ un ensemble de textes peuvent faire état de cette civilisation et d’autres causes de sa disparition qui rentrent en contradiction avec les miennes, j’ai très bien pu m’arranger du mieux que j’ai pu avec les sources à disposition en en ignorant certaines ou pire en les passant sous silence. De la même façon si je suis théoricien de l’évolution les faits évolutifs sont passés mais ma théorie peut toujours se voir réfutée empiriquement si on découvre un fossile de lapin datant du jurassique (et il reste bien des fossiles que nous ne connaissons pas !).
Les faits sont certes passés mais ne sont absolument pas tous en notre disposition et peuvent toujours venir en droit contredire notre théorie. C’est même ce qui fait de notre théorie une théorie scientifique : elle est testable et empiriquement, techniquement et logiquement réfutable. Cela fonctionne tout aussi bien pour la physique que pour les théories archéologiques, la paléontologie ou la géologie (disciplines auxquelles on peut même ajouter, du moins théoriquement, les sciences dites sociales). Se réfugier derrière ces disciplines en réduisant leur statut épistémologique à une simple explication post-factum élégante est un stratagème argumentatif pour le moins étrange pour défendre une hypothèse supposée aussi évidente que celle de Dieu. On arriverait selon ces critères,explication, simplicité, cohérence, à une position étrangement relativiste proche de celles soutenues lors du linguistic turn dans les années 80, selon lequel tout est avant tout une question de langage et une façon de lier différents éléments ensemble de façon élégante. Si l’hypothèse veut par ailleurs concurrencer une hypothèse de cosmologie il faut au moins la placer au même niveau d’exigence épistémologique, sous peine de la voir réduite à un niveau de validité inférieur[7]. On remarque par ailleurs que les deux hypothèses, Hs et Ht ne parlent pas réellement de la même chose ; alors que Ht a besoin de Hs pour expliquer le fonctionnement de l’univers ce n’est absolument pas réciproque : Ht n’est utile que pour fournir une explication relative à l’existence de l’univers lui-même. En réalité les deux hypothèses ne sont pas strictement concurrentes, ne portant pas sur les mêmes objets.
3/ Plusieurs erreurs sur la présentation de ce qu’est une hypothèse scientifique
La fausseté de la démonstration que nous avons présentée nous semble due non pas à la façon dont est menée la comparaison mais plutôt à la façon dont une hypothèse scientifique est décrite. Les 4 critères de Swinburne sont ainsi au mieux insuffisants au pire volontairement lacunaires pour permettre la conclusion qui est énoncée par la suite, à savoir la supériorité de Ht sur Hs.
Le critère 1/ nous semble correct tout aussi bien que le critère 2/ : une hypothèse se doit d’expliquer les phénomènes et d’être en accord avec les connaissances scientifiques déjà présentes ( sauf contexte particulier de révolution scientifique). Si je dis par exemple que la maladie est le fruit de la sorcellerie et que je développe un attirail conceptuel me permettant d’expliquer les phénomènes je réponds bien à 1/ sans pour autant répondre à 2/ car la sorcellerie se trouve en désaccord complet avec tout un pan du discours scientifique établi en faisant intervenir des forces occultes. Le critère 3/ est largement discutable. Certes le critère de simplicité est souvent choyé par les scientifiques toutes choses égales par ailleurs, mais ce n’est pas en lui-même un critère de scientificité, uniquement un critère esthétique qui est décisif dans la situation ou nous avons deux hypothèses ou deux explications également valides et testables ( je vais revenir sur ce point). Le critère 4/ nous paraît bon également, il s’agit du critère de choix inter-théorique : entre plusieurs théories on choisit celle qui explique le mieux les phénomènes à notre disposition, l’histoire des sciences est pleine d’exemple de ce type[8].
L’erreur est-elle uniquement due au critère 3/ qui est inexact ? Non. La fausseté de la présentation est due à un oubli majeur que nous avons annoncé dès notre présentation de la démonstration de Swinburne. Cet oubli majeur nous l’avons déjà souligné : une hypothèse scientifique doit être testable et réfutable, au moins logiquement ou indirectement. Nous avons essayé de l’établir dans notre passage précédent et on peut se référer à l’épistémologue Karl Popper sur ce point, qui, notamment dans La Logique de la Découverte scientifique, a énoncé son critère de réfutabilité comme réquisit minimal pour un énoncé scientifique[9] . Pour cet auteur c’est d’ailleurs par conjectures et réfutations qu’avance la science et non par des explications absolues non testables et réfutables[10]. Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de faire de l’induction à partir de l’expérience et de ne considérer comme vrai que ce qu’on peut observer directement (plusieurs pans de la recherche scientifique seraient touchés par cela), mais de soumettre nos hypothèses à une testabilité empirique. Autrement dit l’expérience n’est pas là pour nous donner les entités mais pour trier celles qui sont scientifiquement testables ou pas. Les entités scientifiques non observables ont des effets indirects qui sont eux testables par exemple. Nous avions en effet énoncé qu’un des défaut de Ht était le fait qu’on devait admettre l’existence d’une entité hors de toute expérience possible par définition, Dieu étant immatériel et hors de l’univers qui est l’objet de la recherche des scientifiques. Cela pose deux problèmes majeurs : 1/ Dieu ne peut pas être un objet scientifique puisqu’il sort du cadre de ce que la science peut étudier en étant hors de l’univers 2/ Dieu est, corollairement, une hypothèse non testable, à jamais irréfutable – puisque n’importe quelle découverte ou théorie peut toujours après coup, se retrouver remise en cohérence avec son existence puisque par définition il cause tout ce qui se produit. Logiquement il n’y a aucun énoncé qui permet de réfuter l’hypothèse Ht, si ce n’est une contradiction interne. Si certains considèrent que cela suffit il leur faut conséquemment accepter l’existence de tout objet non contradictoire logiquement. Si on applique ainsi le principe de parcimonie ce ne sont pas les entités scientifiques – y compris non directement testables comme les bosons, les quarks etc. qui ont des incidences indirectes testables et expérimentables, et qu’on ne peut pas alors mettre sur le même plan ontologique que Dieu- qui doivent être rayées mais plutôt l’entité divine qui n’apporte rien si ce n’est une réponse à un « pourquoi » absolu de toutes façons hors du champ des réponses scientifiques par essence puisque celles-ci ne peuvent sortir de l’univers pour l’expliquer.
Conclusion
On a donc pu montrer que la démonstration de Swinburne se fonde sur une définition lacunaire de ce qu’est une hypothèse scientifique, entraînant une démonstration faussée. En effet réduire l’hypothèse scientifique à une simple explication cohérente n’est pas possible. De plus Dieu de par son essence même – qu’il existe ou non par ailleurs- demeure hors du champ de la scientificité du fait de sa transcendance supposée. Vouloir en faire un objet scientifique ou la conséquence d’une théorie scientifique nous semble absolument contradictoire avec son statut d’être transcendant. En revanche il nous semble que l’on puisse tirer deux enseignements positifs de cette discussion :
1/ prendre garde aux explications « trop » satisfaisantes visant à répondre à un pourquoi absolu, du type « pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? », qui visent toujours à introduire un terme premier non testable, en l’occurrence Dieu. La force de la démarche rationnelle-empirique de la science tient précisément dans les limites qu’elle se fixe quant au statut ontologique des questions qu’elle pose.
2/ Le concept de Dieu n’est pas pertinent dans un cadre scientifique et semble devoir être éliminé en vertu du principe de parcimonie ( autrement dit le rasoir d’Occam ) en tant qu’entité n’apportant aucun pouvoir explicatif réel mais seulement une consolation psychologique liée à l’ignorance dans laquelle nous nous trouvons relativement à l’existence de l’univers[11].
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[1]On en trouve par ailleurs une très bonne critique et analyse sur http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosevol/decouv/articles/chap1/lecointre5.html
[2]Je m’aide sur ce point de la présentation efficace que propose Frédéric Guillaud dans Dieu existe, arguments philosophiques, Editions du Cerf, 2013, p.203. Je conseille à tous ceux intéressés par la question de lire cet ouvrage intéressant, et j’y reviendrai très certainement dans un prochain billet moi-même. Sa position est radicalement symétrique à celle de Dawkins relativement à l’auteur de ce billet : je suis en accord avec l’athéisme de Dawkins mais en désaccord profond avec ses arguments que je trouve grossiers, au contraire les arguments de F.Guillaud sont bien plus subtils et pertinents mais je suis en total désaccord avec sa conclusion. Ne voyez pas là un manque de cohérence dans ma démarche ( des arguments valides nécessitent une conclusion valide, si les principes le sont aussi) : je ne suis d’accord avec quasiment aucun des arguments de l’auteur, que ce soit contre le kantisme ou pour prouver l’existence de Dieu, mais je reconnais volontiers la subtilité des arguments – parfois très vrais par ailleurs – et l’effort réel de produire une pensée rigoureuse sur un sujet délaissé par la plupart des philosophes dernièrement.
[3]Frédéric Guillaud également, en considérant que nous savons déjà que le scientisme est faux, ce qui est l’objet d’une réfutation au début de l’ouvrage. Disons par ailleurs que Ht est logiquement compatible avec nos connaissances scientifiques en ce qu’elle n’est pas contradictoire.
[4]Quentin Meillassoux, Après la finitude. Essai sur la nécessité de la contingence, 2006.
[5]Quentin Meillassoux a d’ailleurs fait une conférence sur ce sujet des mondes fictionnels : https://www.youtube.com/watch?v=1mlWLwIVwzE
[6]Frédéric Guillaud, Ibid. p.205.
[7]Notons ici que si l’on critique l’argument donné par Frédéric Guillaud pour défendre Swinburne il ne s’agit pas de réfuter la position du premier qui est par ailleurs lui-même critique vis à vis du second par la suite.
[8]On peut se rapporter utilement à deux sommes sur ce point : La science et l’hypothèse de Poincarré, qui énonce ce critère de choix inter-théorique au vu de ce qui est expliqué par les théories, mais aussi Du monde clos à l’univers infini de Alexandre Koyré, qui traite particulièrement des avancées scientifiques du XVIème et XVIIème siècle en astronomie et notamment du passage de Ptolémée à Newton.
[9]On peut discuter plus en détail des implications de ce critère d’un point de vue théorique : est-il une condition suffisante ou uniquement nécessaire ? Est-il applicable comme un critère tranchant et aiguisé (sharp and decisive comme dirait Popper) ? Pour plus de détails on peut se référer à ma présentation du critère dans https://www.academia.edu/11464097/Le_critere_de_demarcation_popperien_et_les_sciences_humaines; notamment le I, 2, centré sur la discussion du critère de réfutabilité. Mais considérons que ce critère est au moins une condition minimale pour la scientificité d’un énoncé.
[10]Nous pouvons sur ce point consacrer un autre billet si les explications fournies ici sont insuffisantes.
[11]Pour autant on ne peut conclure logiquement à son inexistence, en ce qu’il est impossible d’établir une réfutation de ce que Popper appelle dans Conjectures et Réfutations un « énoncé existentiel » c’est-à-dire un énoncé affirmant l’existence d’un objet absolument. Si je dis « il existe un singe-canard-spaghetti » il est impossible de réfuter empiriquement cette proposition de fait de son statut absolu : ce singe-canard-spaghetti est hors de toute expérience possible en ce que 1/ aucune délimitation spatio-temporelle n’est donnée qui pourrait préciser l’énoncé. 2/ Ce singe-canard-spaghetti peut, en plus de se trouver n’importe ou dans l’univers, être un être immatériel hors de l’univers ou tout ce qu’on voudra bien imaginer. L’exemple choisi est volontairement absurde – il y a peut-être une contradiction logique à penser un tel être – mais montre bien le problème de ce type d’énoncé. L’argument psychologique que nous esquissons in extremis se trouve déjà chez Schopenhauer, Nietzsche ou encore Marx, mais il ne saurait valoir réfutation logique. Un énoncé ne peut être réfuté par sa seule provenance : si je dis « Il va neiger demain, je ne pourrai pas aller à l’école » et que cet énoncé est motivé par ma paresse cela ne signifie pas par ailleurs qu’il sera faux. Il peut réellement neiger demain, ce qui m’empêchera d’aller à l’école. Déduire la fausseté d’un énoncé par sa provenance est un sophisme qu’on a pu nommer « sophisme généalogique ».
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« De plus Dieu de par son essence même – qu’il existe ou non par ailleurs- demeure hors du champ de la scientificité du fait de sa transcendance supposée. »
« Dieu » n’est peut-être pas si transcendant que ça et pourrait se manifester comme un phénomène observable pour les physiciens du Xème millénaire.
Ne serait-ce par l’appellation « Dieu » trop indéfinie qui pose problème (en plus des questions « Pourquoi ») ?
En évitant de tomber dans les draps de l’Intelligence Design, l’hypothèse dite HT peut répondre à une succession de questions plutôt qu’à une seule.
– Qu’est-ce que l’Univers ?
– Est-ce que cet Univers a un point d’origine, une naissance ?
– Est-ce que la naissance de cet universest produite par une action d’une intelligence ?
– Est-ce que les matières dans l’Univers sont en réseau ?
– Est-ce que le réseau est administré par une intelligence ?
À des questions plus précises qui ne sont que le prolongement de théories en plein travail actuellement, j’ai l’impression que l’on peut oser des hypothèses fictions qui touchent à la notion de « Dieu » sous certains angles.
MAIS, j’ai envie de dire… cela ne nous concerne pas. C’est plutôt des questions pour des cyborgs transhumanistes de 8000 ans.
« Le concept de Dieu n’est pas pertinent dans un cadre scientifique et semble devoir être éliminé »
J’ai surtout l’impression qu’il est au mieux mal défini, au pire inutile selon le domaine. En physique et en biologie il n’a rien à faire. Par contre en anthropologie, le concept de Dieu est un phénomène tout à fait pertinent dans l’étude des croyances et des questionnements des Humains par exemple. (Par contre, une courte recherche google, je suis tombé sur des documents se disant d’anthropologie & de théologie… j’ai frémi. »
Mais là encore il y a une différence entre étudier le concept de Dieu dans le cadre d’une discipline et prouver son existence dans un cadre scientifique.
Tout d’abord merci pour votre commentaire.
Effectivement je précise que je fais une distinction implicite entre rationalité et scientificité; c’est bien le deuxième point qui est en question ici. Je pense que Dieu peut être un objet rationnel (en tant qu’on cherche à trouver des causes, déduire ou induire des phénomènes et des entités) mais cela est un autre problème ( très bien traité il me semble par Kant qui montre dans sa Dialectique transcendantale que la Raison outrepasse souvent les limites de la connaissance pour former ce qu’il appelle des Idées, qui sont sont des objets rationnels en dehors du champ de toute expérience possible).
Pour ce qui est du concept de Dieu ma position conclusive est différente de la votre : je pense que Dieu comme entité transcendante ne peut pas être un phénomène observable, ce qui est sa force ( il ne peut pas être réfuté définitivement) et sa faiblesse ( pour la même raison), du moins dans le cadre déiste. J’ai du mal à imaginer logiquement comment le contraire serait du coup possible, à moins que nous arrivions à sortir de l’univers pour l’observer du dehors, ce qui me semble impossible (voire contradictoire).
Enfin relativement à l’anthropologie le concept de Dieu est effectivement intéressant il me semble mais davantage comme objet social que comme concept en soi.
Il est assez incroyable que Swinburne oublie dans sa liste de critères le critère de la validation par l’expérience. Ceci l’obligerait à donner une définition expérimentale de « Dieu » et effectivement à utiliser la méthode scientifique. Ce qu’il ne fait pas.
Swinburn pose un faux problème et trouve une fausse solution.
je propose à Swinburne d’utiliser sa méthode. Ils posent que Dieu est incréé , que dieu est la cause de l’univers , que cette hypothèse est la plus simple. Mais il y a plus simple: posons que l’univers est incréé. ce qui est équivalent à la proposition de Laplace: la science se passe de l’hypothèse « Dieu ».
Rappelons que la science est sortie de l’ornière stérile en renonçant à chercher la cause initiale et la cause finale pour se contenter de la cause immédiate bref en renonçant à répondre à pourquoi et en se contentant de répondre à comment. Ce qui est cohérent avec l’idée d’univers incréé mais aussi avec l’idée que toute théorie repose sur des principes premiers qu’on ne démontre pas.
Je comprends l’insatisfaction de ceux à qui on propose l’explication scientifique et qui cherchent d’autre type de connaissance. Mais n’est-ce pas là un biais de connaissance de notre cerveau? un peu comme certain refusent l’explication scientifique parce que ça va contre le bon sens.
Merci pour ce commentaire.
Vous faites la remarque que faisait Hume dans les Dialogues sur la religion naturelle : si nous cherchons une cause à ce qui est pourquoi ne pas s’arrêter à l’univers plutôt que de régresser davantage pour trouver ce que l’on cherche, à savoir Dieu. C’est une objection qui me semble en effet redoutable et pertinente.
Ceci dit certains théologiens contemporains y ont répondu par la distinction entre nécessité logique, nécessité physique et nécessité métaphysique. L’univers est effectivement nécessaire physiquement ( ce qui s’y passe obéit à des lois déterminés) et logiquement si l’on veut ( il n’est pas contradictoire); en revanche il ne donne pas de lui-même la raison de son existence. Les théologiens récents poussent donc le principe de raison suffisante ( chaque chose doit avoir une cause qui permet d’expliquer pourquoi le phénomène est ainsi, principe formulé par Leibniz dans une optique semblable) jusqu’à la question de l’univers lui-même. Si on prend l’univers on ne sait pas pourquoi il y a des particules élémentaires, pourquoi les lois agissent comme elles le font et pas autrement. Plus encore il nous est possible d’imaginer des mondes qui fonctionneraient différemment sans contradiction logique. Cela signifie donc pour eux qu’il y a une part de contingence métaphysique dans l’univers tel qu’on le connait, et donc que l’univers lui-même doit avoir une cause qui explique pourquoi il est ainsi. Voilà pourquoi ils se sentent permis de remonter jusqu’à Dieu.
Mais je ne suis pas d’accord avec cette position qui laisse trop de place à la pure spéculation. Cette cause première dont on fait état pour expliquer l’univers n’est pas quelque chose qui peut être inféré ou déduit rigoureusement, mais qui constitue juste une explication séduisante pour notre raison. On quitte ainsi très largement le cadre scientifique.
Enfin je voulais rajouter une précision sur votre commentaire qui me semble très juste : le critère de scientificité est moins une « validation par l’expérience » qu’une potentielle réfutation par celle-ci. Logiquement en effet rien ne peut être vérifié (si on a une infinité potentielle d’éléments à vérifier) mais seulement réfuté ( une réfutation suffit à réfuter une loi universelle).
Ce qui me frappe dans toutes les « demonstrations de l’existence de Dieu » (ou ici plus raisonnablement « validité comme hypothèse scientifique ») c’est l’absence totale d’applications du concept de « Dieu » qu’ils emploient. D’accord, admettons que le raisonnement sois valide: il y a une cause, largement indéfinie, de l’existence de l’univers et on decide arbitrairement de l’appeler « Dieu ». Mais ce concept de dieu ne ressemble en rien aux dieux qu’on trouve dans les religions, on a mis en evidence aucune de ses propriétés. On a aucune idée de s’il est conscient ou du code moral qu’il préconise (s’il en préconise un). Le concept est tellement abstrait qu’il ne peut être utilise pour justifier aucune religion ou croyance.
Du coup je ne comprend pas pourquoi ces gens se font tellement de nœuds au cerveau pour au final démontrer quelque chose qui ne sert a… rien.
Merci tout d’abord pour votre réponse!
Je suis d’accord avec vous souvent il y a un glissement non-sequitur de l’affirmation de la possibilité logique du déisme à la religion révélée. Comme si la cause première que l’on hérite généralement d’Aristote pouvait déterminer le Dieu des différents monothéismes. Lier les deux de façon causale est en effet une erreur.
Cependant j’y vois bien un lien en ce que reconnaître Dieu au sens 1 (celui de cause première) est condition sine qua non pour par la suite défendre un Dieu au sens 2. Avant de parler de quelque chose il faut d’abord si quelque chose qui peut en avoir les attributs est possible.
Bonjour, et merci pour ce texte très informatif.
J’ai beau le retourner dans tous les sens depuis la première fois que je l’ai entendu, je n’arrive pas à voir comment on peut « logiquement » arriver à l’argument de la contingence et en quoi il a la moindre pertinence.
Particulièrement cette partie: « il nous est possible d’imaginer des mondes qui fonctionneraient différemment sans contradiction logique ».
Fonctionneraient différemment à quel niveau ? Au niveau des lois de la physique ?
Et pour aller dans la même veine de raisonnement que les défenseurs de cet argument: on suppose que la physique connue s’exerce de manière homogène au niveau de l’univers observable (on a bien assez à faire scientifiquement avec ça déjà), mais il n’y a aucune contradiction logique à supposer un univers entier non-homogène au niveau de ses lois physiques. Un univers à la fois infini et non-homogène peut alors parfaitement héberger toutes les variations imaginables, y compris celles susceptibles de donner naissance à un univers, tant qu’on y est.
C’est tout aussi irréfutable que l’existence de Dieu, et à mon sens pas plus coûteux qu’imaginer une « volonté ultime ».
Après, il y a aussi un énorme grand écart entre labelliser le point de démarrage inconnu « Dieu » et dire que ce Dieu est là, surveille, est omnipotent, etc.
Limite, je préfère encore l’hypothèse de la simulation qu’on laisse tourner, même ça c’est moins coûteux :/
Bonjour FennNaten, et merci pour ce commentaire.
Je reprends cet argument de la contingence d’une double référence, d’une part du livre de Frédéric Guillaud, Dieu existe, que je cite en référence. Je reprends l’argument sans pour autant nécessairement lui apporter mon assentiment, d’autre part de la thèse de Quentin Meillassoux, que je cite également en référence.
Ce point – très complexe, notamment chez Meillassoux si vous avez l’occasion de vous y plonger, qui va jusqu’à faire de Dieu une contingence – pourrait faire l’objet d’un développement plus important, aussi vais-je essayer de le clarifier rapidement en vous répondant.
On peut distinguer trois formes de nécessité : la nécessité logique, la nécessité physique, et la nécessité métaphysique. Les trois formes ne sont pas mutuellement excluantes. La nécessité logique est la plus élémentaire : quelque chose est nécessaire logiquement si cela est inclut dans le terme initial. Prenons un exemple : la notion d’effet implique nécessairement (logiquement) la notion de cause, puisque par définition la notion d’effet implique que l’effet est effet d’une cause. On peut trouver d’autres nécessités logiques relationnelles, de type si A est supérieur à B et B supérieur à C alors A est supérieur à C, si les relations sont transitives. La nécessité physique est celle relative aux lois de la nature : la planète tourne par exemple autour du soleil en vertu de son inertie et des forces gravitationnelles en présence ( si on simplifie le tout), de même pour la chute des corps, la thermodynamique etc. La nécessité métaphysique tient en ce que l’objet considéré comporte de lui-même sa propre nécessité : il ne pourrait en être autrement sans que cela aboutisse par exemple à une contradiction.
L’argument de la contingence est ainsi d’accepter que l’univers obéit à une stricte nécessité logique et physique mais pas métaphysique et que les phénomènes, les entités, les lois, et les particules élémentaires ne nous donnent pas d’elles même leur nécessité. Pour reprendre un poncif un peu vieilli de l’épistémologie des sciences de la nature on peut dire qu’on peut expliquer comment le monde fonctionne mais pas, dans l’absolu, pourquoi il fonctionne ainsi. Pour le dire autrement aucun élément étudié ne donne par soi sa raison d’être mais a toujours besoin d’autre chose pour être explicité, et cela, semble-t-il, à l’infini.
Sur votre argument de l’infinité de l’univers et de sa non-homogénéité possible, je pense qu’il s’agit d’un argument intéressant mais qui prend une voie quelque peu différente. La force de la théologie rationnelle telle qu’elle se développe chez certains – à laquelle je n’adhère pas mais à qui je reconnais une grande intelligence – c’est qu’elle se situe dans un cadre strictement rationaliste, à savoir la poursuite du principe de raison suffisante. Je ne sais pas ce qui est le plus coûteux entre imaginer une entité simple et première ( le Dieu comme cause première) et imaginer un univers infiniment complexe de lui-même. L’avantage étant cependant que votre univers non-homogène est potentiellement testable dans le futur ! ( sauf s’il est non observable, dans ce cas on a une hypothèse métaphysique qui est il me semble pas nécessairement moins coûteuse que celle de Dieu).
Remarquez d’ailleurs qu’on peut arriver à votre argument sur le multivers complexe en partant de l’argument de la contingence ( ça ressemble plus aux textes de Meillassoux qui pose la nécessité de la contingence).
Pour ce qui concerne le sophisme non-sequitur qui consiste à poser Dieu comme cause première et passer aux religions révélées nous sommes d’accords, rien n’implique, y compris si on réussissait à établir le déisme, que l’on puisse passer de Dieu1 (cause première) à Dieu2 (des religions).
L’hypothèse de la simulation n’est pas nécessairement contradictoire, il faudrait se demander qui fait la simulation, dans quel monde il est etc. et le problème serait juste repoussé.
Dieu ne peut être une hypothèse scientifique puisqu’Il est une personne.
Vous, vous êtes une hypothèse? 😉
J’ai lu avec attention et beaucoup de plaisir, et l’article de Nathanaël, et les commentaires (et les réponses toujours subtiles et non moins claires de l’auteur.) Mais j’avoue que selon moi, le commentaire ou le prolongement le plus intéressant (le plus « profond »), c’est le dernier, celui de M, et qui tient en deux courtes phrases syllogistiques. Bien sûr, la prémisse est pure hypothèse, offerte à la pensée rationnelle et non pas scientifique, ce qui rend donc ici cette réflexion apparemment hors-sujet. Je dis apparemment car cette hypothèse explique à sa manière pourquoi Dieu ne peut être un objet scientifique – pas plus que la conscience du sujet humain : c’est ce qu’on appelle la transcendance et de l’un et de l’autre. Je lirais donc avec plaisir la réponse de Nathanaël (s’il voulait bien sortir du sujet initial ou plutôt du cadre imposé par la notion de scientificité). Ce syllogisme pose un jeu de miroir entre le je humain et le je divin, et l’on retrouve cette belle et profonde idée, fondée sur une conviction ou « expérience » toute personnelle, chez deux philosophes aussi culturellement différents que Nicolas de Cues et Ramana Maharshi. Ce syllogisme est même une manière peu étudiée (parce qu’a priori trop « baroque » et déconcertante ?) de commenter l’ego cartésien, ce symbole fondateur du doute et de la rationalité modernes…
Cette hypothèse aurait un sens autre que purement littéral si elle ne ressortait pas en dernière instance de la circularité logique : pour dire que X est Y il faut déjà savoir que X, or on ne le sait pas (ce qui est déjà moins douteux pour la chose qu’on appelle « la conscience »).
Y compris donc d’un point de vue rationnel – en laissant de côté la scientificité et un critère de distinction nécessairement soumis à discussion – l’argument demeure bancal : une fois posé que Dieu est une personne alors il n’y a plus rien à dire, fermez les rideaux, mais étant donné que c’est précisément ce qui est en question cela revient à se donner la réponse, ou pour parler comme Schopenhauer : à faire comme le baron de Munchhausen, à savoir se sortir des sables mouvants en tirant sur sa propre barbe.
Précisément, Nathanaël, ma formation et mon tempérament de philologue classique font que je suis un fan du baron de Munchhausen ! 😉 Merci beaucoup pour cette belle réponse, que je vais méditer, soyez-en sûr… 😉
La théologie de Richard Swinburne est déficiente de toute façon, dans la mesure où il fait de Dieu un être contingent.
D’autant que Dieu n’est effectivement pas une hypothèse scientifique, mais métaphysique. Méthodologie différente donc.
Pour ce qui est de l’argument cosmologique de la contingence, je n’ai pas l’impression que vous l’ayez compris, sinon vous comprendriez qu’on ne peut pas faire de l’univers une nécessité, dans la mesure où il est avant tout un composé. Or, dans un composé, le tout est postérieur à ses parties. Ce qui fait donc demander l’explication de ses parties. La circularité n’expliquant rien, il faut une raison extérieure.
L’argument de la contingence, est dans sa plus simple forme celui-ci:
1. Tout fait contingent à une explication de son existence.
2. Il y a un fait contingent qui contient tout les autres faits contingents.
3. L’explication de ce fait contingent s’explique par le fait nécessaire « Dieu créé librement ex nihilo ».
Le 2 s’explique par le fait que la contingence est une propriété transitive. Ce n’est pas un sophisme de composition donc. Il pourrait y avoir une chaine infinie de cause à effet que le tout aurait toujours besoin d’une explication de son existence.
Le 3 est la seule réponse possible dans la mesure où; il faut que la raison du fait contingent qui contient tout les autres reste contingent, ce qui exclue les explications déterministes qui nécessitent ce qu’elles expliquent. Ce qui laisse donc uniquement les explications stochastiques, qui s’expliquent en termes de probabilités, et les actions libres d’agents, qui s’expliquent en terme de buts a posteriori. Les explications stochastiques sont à jeter, puisqu’elles sont composées par la distribution des probabilités, qui pourraient être différentes. Ne reste donc que les actions libres d’agents.
Qui est cet agent? Pas de contingence, sinon on a encore une explication a trouvée. On a donc un être nécessaire.
A partir de là, et contrairement à ce que disent les athées mal renseignés, on part facilement du fait qu’il y ait un être nécessaire à l’identification de celui-ci à Dieu. En effet, dans la mesure où il est pure nécessité, cela implique, comme expliqué auparavant, qu’il doit être ultimement simple. De là, comme le fait Aquin, on comprend rapidement que la simplicité implique la possession des perfections de toutes choses. On a donc un être nécessaire, ultimement simple, et qui à les 3-O: omniscient, omnipotent, omnibénévolent.
Il y a d’autres solutions pour partir d’un être nécessaire qui créé le monde pour arriver à Dieu, mais ça dépasse le petit post d’internet. Pour ceux que ça intéressent, je vous invite à vous renseigner sur les travaux d’Alexander Pruss, de Robert C Koons et de Joshua Rasmussen, qui sont spécialiste sur la question.
Merci pour ce commentaire informé. L’article date un peu donc il est difficile de vous répondre sur le fait de savoir si j’avais bien compris à cette époque l’argument cosmologique de la contingence. Néanmoins si j’essaye de revenir sur ceci : l’univers n’est pas donné comme une nécessité puisqu’on s’autorise à en penser la genèse et les transformations, pour reprendre de conclusions de Meillassoux sur ce point : il y a bien une contingence métaphysique de l’univers.
Néanmoins l’argument que vous présentez me semble caractéristique d’une solution deus ex machina : on en arrive à une situation ou les choses sont comprises comme contingentes, l’univers est contingent et comprend toutes les autres choses métaphysiquement contingentes – bien que parfois physiquement ou logiquement nécessaires- et pour fonder ce fait contingent il nous faut quelque chose de nécessaire et celui-ci va être ce qu’on cherche précisément à démontrer, à savoir Dieu. On a déjà à l’esprit avant de poser le problème la solution qu’on va lui donner, et plus encore, une compréhension spécifique de la forme que notre réponse va avoir, à savoir un Dieu capable de créer librement l’univers, omnipotent, etc. (exit donc les Dieux type Spinoza). En se donnant par avance ce type de réponse notre bel édifice logique se voit bien consolidé et nous n’avons plus qu’à faire mine de tomber dans les affres logiques des problèmes qu’on pose pour en sortir la réponse universelle : un Dieu qui a toutes les qualités pour répondre à notre problème construit de toute pièce.
Or nous sommes dans une situation paradigmatique ou le raisonnement logique dépasse complètement toute la connaissance possible qu’on peut avoir des phénomènes qu’on étudie. En terme de vérité le propos qu’on tient n’est même pas vrai ou faux (car non soumis à la réfutation) mais vide de sens, du fait que la raison outrepasse ici ses droits. Je vous concède ceci dit que ce problème est consubstantiel en réalité à la métaphysique elle-même plutôt qu’a la théologie, et je soutiendrais ici plutôt une position sur la métaphysique (classique) proche de Bas Von Fraasen.
Vos deux objections me paraissent hors de propos.
Premièrement, non l’argument de la contingence n’est pas un dieu-des-trous (car c’est bien ce que vous invoquez en parlant de deus ex machina). L’argument n’est clairement pas de la forme « Je ne comprends pas X, donc Dieu existe! », ce qui serait effectivement un simple appel à l’ignorance. L’argumentaire se base sur une méthodologie rigoureuse, qui montre que seul Dieu peut expliquer l’existence de la contingence. Vous semblez penser qu’on postule déjà Dieu en arrière boutique pour aller trop vite en besogne; cependant, cela n’a jamais été la cas. Il est clair que notre raison délimité un certain champs de connaissances; on ne peut pas déduire ce qui tient de la théologie révélée par exemple. La théologie naturelle ne dit pas avec force si ce sont les chrétiens, les musulmans, les hindouistes, ou n’importe quel groupe monothéiste classique qui ont la bonne vision de Dieu. St Thomas d’Aquin disait de la finitude de la création, c’est-à-dire du fait que l’univers n’était pas éternel dans le passé, ne se tirait pas du domaine de la raison mais de la Foi.
Pour comprendre en quoi un être nécessaire correspond nécessairement à Dieu, je ne peux que vous renvoyer encore une fois aux experts sur le sujet: Alexander Pruss dans « Blackwell Companion to Natural Theology » (Craig and Moreland, 2012) et Joshua Rasmussen (Rasmussen, 2008) qui a mis en exergue les différentes routes possibles. J’avais déjà mis en évidence la piste centrale qui part du fait que Dieu doit être simple, et que cette simplicité implique un certain nombre de caractéristiques, dont les trois O.
Considérer que les théistes ont trouvé une réponse toute faite à cette grande question de l’existence est mal venu face à des raisonnements logiquement et finement construits. Ce n’est pas un hasard si pendant des siècles les philosophes ont tous tendus vers un monothéisme classique¹.
Vous considérer que l’argument sur base d’un faux problème construit. Excusez-moi, mais c’est totalement faux. Allez demander à un enfant « Pourquoi est-ce qu’il existe quelque chose? », et il comprendra parfaitement que la question a un sens.
Deuxièmement, je m’étonne de voir qu’un philosophe adhère toujours à une position positiviste. En effet, faire appel à ce bon vieux critère de vérification, c’est exactement ce que ce mouvement décédé faisait. Pour un petit rappel, cette position est non seulement auto-réfutable, mais en plus de ça réfutée par des contre-exemples flagrantes.
Vous tenez donc la proposition suivante « Toutes connaissances valide est une connaissance réfutable » comme vraie. Le problème est évident: cette proposition elle-même n’est pas réfutable. Vous adoptez donc une position qui n’est même pas logique selon ses propres critères.
L’autre objection, évidente, tiens du fait que nous adoptons bien d’autres connaissances qui ne sont pas réfutables dans le sens scientifique. Quelques exemples:
– Logiques: » « A=>B » => « Non-B=>Non-A » »
– Historiques: » L’Allemagne était en guerre dans les années 40-45″
– Morales: » Il est mauvais de torturer des enfants pour le plaisir »
– Juridiques: » Marc Dutroux est responsable de l’enlèvement de Melissa »
– Esthétiques: » La Joconde est une belle peinture »
– Mathématique: » Dans un triangle rectangle, le carré de l’hypothèse vaut la somme des carrés des deux autres côtés »
– Proprement basiques:
* Perceptions: « Je suis en train de taper sur mon clavier »
* Mémorielles: « Je viens de manger deux tartines »
* Introspection: « Je suis reposé »
– Métaphysiques: « Je pense donc je suis »
– Sémantiques: » L’eau est de l’H2O »
Toutes ces connaissances sont de nature non-scientifiques, et sont pourtant acceptées de tous, malgré leur caractère non-réfutable.
Ainsi, l’argument de la contingence est d’acier. Il tire simplement sa force de deux prémisses qui sont évidentes: d’une part un constat empirique accessible de tous, qui est quelque chose existe, et d’autre part le principe de raison suffisante qui est le fondement de tout discours rationnel. Il n’y a pas plus belles connaissances que ces deux simples vérités.
Il est peut-être temps d’exorciser définitivement ce spectre du positivisme qui a hanté l’histoire de la philosophie: il a possédé Hume, Comte, Ayer, et bien d’autres. Un jour, il faudra qu’il parte une bonne fois pour toute, face à ses contradictions infranchissables.
Note de bas de page:
[1] On pourra dire qu’aujourd’hui, la tendance est à l’athéisme. Mais ça tient plus du fait de la conjoncture: rien ne tient vraiment d’objections concrètes à l’argument. Je vous renvoie à un article du philosophe Edward Feser (2011) qui parle de manière détaillée du problème à ce niveau là.
Références:
Craig, W. et Moreland, J. (2012). The Blackwell companion to natural theology. Chichester, UK: Wiley-Blackwell.
Feser, E. (2011). So you think you understand the cosmological argument?. En ligne à http://edwardfeser.blogspot.be/2011/07/so-you-think-you-understand.html. Accéder le 6 Janvier, 2018.
Rasmussen, J. (2008). From a necessary being to god. International Journal for Philosophy of Religion, 66(1), pp.1-13.
Je commence par la seconde partie qui est la plus facile à discuter, à savoir la catégorisation de mon propos sous l’étiquette positiviste. On pourrait bien discuter historiquement du fait que vous classez Hume avec Comte puis les partisans du positivisme logique, à mon avis, et je pense que c’est celui des spécialistes du penseur écossais également, il n’y a rien chez Hume de positiviste. Au contraire cet auteur a été lu très souvent comme un sceptique radical. Etant moi-même assez friand de ce philosophe je m’empêche de dérailler sur cette simple mention.
Pour en venir au cœur de l’argument : il s’agit d’un homme de paille. Vous êtes le seul à parler de vérification, j’ai préféré parler pour ma part de réfutation, en référence bien évidemment à Karl Popper, qui, si on en croit sa propre plume, a « tué le positivisme logique », en s’opposant franchement au critère de … vérification, que soutenaient ses amis Viennois, comme Carnap, à la suite du Tractacus. Le réfutationnisme se distingue très radicalement du positivisme logique, à la fois pour des raisons logiques (qui sont peut être les arguments auxquels vous pensez : le problème de l’induction, le problème du fondationnalisme, etc.) mais aussi philosophiques. Toute votre argumentation, très juste par ailleurs, manque ensuite donc son but.
Cela me permet de faire le lien avec le premier point. Vous avez raison sur ce que vous dites : j’ai donné mon sentiment plus que mes arguments dans ma première réponse. Je suis convaincu pour ma part que nous avons bien ici un appel à l’ignorance : nous ne pouvons pas expliquer pourquoi les choses sont alors on prête à un être parfait les qualités nécessaires à l’explication. Bien évidemment ceci est mon sentiment et ne saurait être une démonstration logiquement valable, cela dit néanmoins d’ou je parle.
Je vous accorde sans problème le fait qu’un être nécessaire correspondrait à Dieu – et un Dieu qui ne serait pas confessionnel -, dans une perspective théiste cela me paraît bien montré déjà par le thomisme et même l’aristotélisme. Je n’ai pas particulièrement de problèmes avec cela.
Ce avec quoi j’éprouve les plus grandes difficultés c’est bien l’extension de la question. Prenons l’exemple que vous avez posé très justement, à savoir celui de l’enfant qui dit « pourquoi existe-t-il quelque chose? » (en fait il demanderait plutôt « pourquoi X existe » plutôt que la question leibnizienne du « pourquoi existe-t-il quelque chose plutôt que rien? »). Cette question a bien sûr un sens tant qu’on reste dans le domaine de l’expérience : « pourquoi cette pierre est tombée » = parce qu’il y avait du vent et qu’une pierre, étant donné la force gravitationnelle qui s’exerce sur elle, tendra à se rapprocher du noyau de la terre. Dans ce cadre bien évidemment cette question a un sens. Mais augmentons l’extension de la question en nous demandant le pourquoi du pourquoi, et nous tomberons en dehors de l’expérience, dans des sentiers sur lesquels la logique seule peut se perdre dans ses plus sublimes délires. Il me semble que cette volonté de retrouver une nécessité comme cause de toutes les contingences illustre parfaitement ce texte de Spinoza que vous devez certainement connaître :
» Vous répondrez peut-être que c’est arrivé parce que le vent soufflait et que l’homme passait par là. Mais ils insisteront : Pourquoi le vent soufflait-il à ce moment-là ? Pourquoi l’homme passait-il par là à ce même moment ? Si vous répondez de nouveau que le vent s’est levé parce que la veille, par un temps encore calme, la mer avait commencé à s’agiter, et que l’homme avait été invité par un ami, ils insisteront de nouveau car ils ne sont jamais à court de questions : Pourquoi donc la mer était-elle agitée ? Pourquoi l’homme a-t-il été invité à ce moment-là ? Et ils ne cesseront ainsi de vous interroger sur les causes des causes, jusqu’à ce que vous vous soyez réfugié dans la volonté de Dieu, cet asile de l’ignorance. »
Ici les raisonnements sont peut être finement construits (même certainement, personnellement je trouve la pensée de Thomas d’Aquin très subtile) mais ils ne sont pas probants : en réalité on arrive à un moment ou on doit expliquer le contingent et ou la seule solution qui nous vient à l’esprit c’est un être nécessaire, comme dans le néo-aristotélisme (donc une forme de premier moteur). Or en réalité si on ne peut pas expliquer le contingent c’est uniquement parce qu’on en sait rien, Dieu porte ici clairement le nom de notre ignorance. Les philosophes ont pu s’y tromper pendant des siècles sans que cela puisse être un argument probant (de la même façon les astro-physiciens ont cru pendant des siècles des modèles périmés).
Je vous remercie pour vos références que je regarderai avec intérêt.
La « fourchette de Hume » est précurseur du positivisme; quand il dit « Ou bien quelque chose est tautologiquement vraie, ou bien c’est déductible de sens », c’est bien un avant-bouche de ce que dirait par la suite les scientistes et les positivistes, dans les grandes lignes.
Je n’ai pas fait d’homme de paille, seulement une erreur dans mon texte. Remplacer le terme vérification que j’ai employé; il est vrai que c’est celui dont les positivistes se réclamait, d’où la mention. Cependant, remplacer le critère de vérification par celui de réfutabilité ne change en rien mon argumentaire. Je n’ai pas l’impression que vous avez lu avec attention; vous vous êtes contenté de vous jeter sur ce qui vous semblait être un réfutation tout faite de quelque chose qui avait déjà été dit.
Vous n’avez donc absolument pas répondu à ce point; le fait est que le critère de réfutabilité reste auto-contradictoire, et qu’il est contredit par maintes contre-exemples. Interagissez avec ça, et alors nous pourrons discuter. Là, vous êtes juste passé à côté de ce que je venais de dire.
De fait, vous revenez plus loin avec une autre position qui tient de l’auto-contradiction. « N’est vrai que seul ce qui vient par les sens ». Ah oui? Et cette proposition, comment vous l’avez senti? Quel appareil sensoriel vous a permis d’appréhender la vérité de cette proposition? D’autant que les prémisses de l’argument peuvent être tirée de l’expérience.
Pour le reste, la critique de l’argument de votre part me parait extrêmement faible. Vous continuez à maintenir le fait que l’argument se base sur notre ignorance, mais c’est bien tout l’inverse. La causalité, c’est une ignorance? Bien évidemment que non. La contingence est également un fait de notre expérience sensible. Au final, la seul chose qui vous dérange, c’est bien le fait que la conclusion soit Dieu. Mais nonobstant votre refus, une conclusion suit nécessairement des prémisses. L’argument étant logiquement construit, et les prémisses étant sondées, la conclusion est vraie.
Encore une fois, vous dites moultes choses étranges; que vous voulez vous dire quand « la seule solution qui nous vient à l’esprit c’est un être nécessaire »? Ce n’est pas une question de ce qui nous vient à l’esprit: ou bien une chose est contingente, ou bien elle est nécessaire (= non-contingente). Un être nécessaire suit naturellement du principe de raison suffisante et de l’existence de la contingence. Vous devez niez l’un ou l’autre si vous pensez que cet être nécessaire n’existe pas. On ne peut pas se contenter de dire que la conclusion est fausse si les prémisses sont correctes.
Même chose; qu’entendez vous quand vous dites qu’on ne sait rien sur la contingence? C’est pourtant un terme très précis, qui a un sens unique. Que voulez-vous de plus?
En réalité, vous ne semblez pas comprendre la nature d’un raisonnement. Est-ce que vous savez que c’est le principe d’une explication que de postuler l’existence d’une chose qui implique un phénomène? La phrase suivante: « nous ne pouvons pas expliquer pourquoi les choses sont alors on prête à un être parfait les qualités nécessaires à l’explication. » devient alors très comique. Oui, c’est le principe que d’expliquer quelque chose en donnant les caractéristiques nécessaire pour expliquer. Que voulez-vous que je vous dise de plus?
Si je vous disais « Nous ne pouvons pas expliquer pourquoi les choses sont mouillées alors on prête à un être l’humidité nécessaire à l’explication. », je suppose que vous seriez abasourdis.
Est-ce que vous êtes d’accord avec le principe de raison suffisante, oui ou non? Êtes-vous d’accord avec le fait qu’il existe des choses qui sont contingentes, oui ou non? Si vous acceptez ces prémisses, alors vous devez acceptez que Dieu existe. Il n’y pas d’autres possibilités.
Il y a plusieurs choses dans votre réponse qui me semblent fondées sur des incompréhensions profondes de ce que j’ai dit auparavant. Pour reprendre dans l’ordre :
Ce que vous citez de Hume est une simple illustration de son empirisme radical : ou bien on a une vérité de raison (du type A = A) ou bien une vérité de sens, c’est-à-dire qui doit nous venir de l’expérience, il n’y a rien de positiviste là dedans, à moins qu’on taxe l’empirisme de positivisme dans son ensemble, mais dans ce cas la catégorie positivisme acquière une si grande extension qu’elle ne veut plus rien dire. Pour ma part j’en reste à la définition historique du terme, et notamment à ce qu’on trouve dans le Cercle de Vienne, à savoir le critère de vérification comme critère de signification, ainsi qu’une volonté de ne pas poser les questions « pourquoi » en préférant celle du « comment ».
J’ajoute ensuite que je n’ai rien de viscéral contre les positions positivistes, historiquement et philosophiquement elles ont été très importantes, mais ce n’est pas ce type de position que je soutiens.
Si votre argumentaire ne change pas qu’on parle de vérification ou de réfutation c’est en réalité lui qui est fautif, puisque ces deux principes sont absolument symétriques, mais passons sur ce problème qui demeure très secondaire. Par ailleurs je remarque tout de même que vous n’avez pas uniquement fait une erreur sur le terme mais qu’au contraire vous savez très bien historiquement que le critère de vérification est propre au positivisme. Vous faites une critique bien connue au critère, que Popper connaissait dès l’écriture de Conjectures et Réfutations : si le critère de réfutabilité est ce qui permet la démarcation entre science et non science, alors ce critère doit lui même être réfutable, or il ne l’est pas, donc il n’y a pas de méta-fondations possible à cette épistémologie. Et en réalité Popper accepte très bien le fait que l’épistémologie ne soit pas une science mais un discours rationnel (la philosophie obéit chez lui à un critère de discutabilité), tout comme la logique elle-même ne peut se méta-fonder de façon absolument pertinente (Aristote, en Métaphysique, Gamma 4, avait bien vu lui aussi qu’on ne pouvait fonder logiquement le PNC), on ne peut fonder le critère de réfutabilité qui vaut dans le champ de la science (ou plutôt pour définir ce qui est scientifique) comme quelque chose de scientifique, mais seulement de rationnel. Trouver une auto-réfutation de ce concept dans sa formulation c’est confondre les deux niveaux : le scientifique et le rationnel. Bien évidemment par la suite il y a eu plusieurs critiques (on les connait, les plus connues de Kuhn, Feyerabend, ou même Lakatos, puis après de l’Ecole d’Édimbourg etc.) qui sont tout à fait pertinentes quant à l’applicabilité du critère pris historiquement. Les débats sont encore vivaces sur ces points méthodologiques et bien savant celui qui prétend les trancher de but en blanc.
Si on prend ensuite le détail de votre propos, en réalité j’ai du mal à voir ou vous voulez en venir. Le critère de réfutabilité fait la démarcation entre la science et le reste. On admet des choses qui ne sont pas réfutables, par exemple des chose comme des opinions « la joconde est belle », et pour le coup je ne vois même pas le problème d’un tel supposé contre-exemple. Il s’agit d’une simple opinion, personnelle ou partagée par une communauté esthétique, mais cela s’arrête là. Si votre but était de dire que les humains acceptent des choses irréfutables, il ne fallait pas se donner cette peine pour prouver quelque chose d’aussi évident.
Pour ce qui est de la morale je laisse ce problème de côté puisqu’en réalité c’est un problème très complexe de savoir s’il existe des faits moraux, et je ne peux rentrer ici dans des débats entre métaéthique et éthique déontique. La logique de la même façon est l’organon de la science mais n’est pas scientifique elle-même etc. Cela dit quelques réserves : il est tout à fait possible, virtuellement, de réfuter le fait que l’Allemagne ait été en guerre entre 40 et 45, tout comme il est possible de faire des protocoles juridique ou sensitifs sur certains de vos exemples.
Mais en réalité ce qui est en jeu c’est bien la validité du critère de réfutabilité : ce que vous dites c’est qu’on accepte des choses comme vraies même si elles ne sont pas réfutables, ce qui est tout à fait correct (mais qui ne vient pas détruire la validité du critère de réfutabilité dans son domaine propre – ce vers quoi vous semblez aller). So what ? Cela vous permet donc de pouvoir dire qu’on peut accepter l’énoncé selon lequel Dieu existe à partir du moment qu’on accepte le principe de raison suffisante puisqu’on peut remonter logiquement jusqu’à un nécessaire qui explique le contingent.
Je reviens sur votre argumentation pour expliquer là ou notre désaccord est plus qu’une incompréhension de ma part. Je passe rapidement sur tous les détails : je ne dis pas qu’on ne connait pas le contingence comme concept, mais qu’on ne peut savoir s’il y a un être nécessaire, pour la raison que je donne plus bas, c’est le sens que prend mon « on en sait rien » : on en sait rien pas de ce qui est contingent – ce qui peut être ou ne pas être- mais de ce qui dépasse notre expérience possible; ou sur la déformation de mon propos : » « N’est vrai que seul ce qui vient par les sens » », chose que je n’ai jamais dit ainsi, et pour plusieurs raisons épistémologiques et philosophiques importantes, vous recyclez ici un argument de votre livre sans que j’ai rien dit de semblable, hélas je crois que ce genre de mésententes sont le propre des discussions sur ces plateformes. De la même façon je vous remercie de me réapprendre les bases de la logique et du syllogisme en toute bienveillance, j’avais oublié (en fait pas vraiment) à quel point les échanges écrits semi-publics comme celui-ci pouvaient encourager les saillies les plus basses.
Vous dites donc que je ne comprends rien à votre propos et que la logique est avec vous, qu’à partir du moment ou j’accepte le PRS je dois accepter l’existence de Dieu. Or je crois que c’est vous qui caricaturez largement ce que je dis en ne le prenant pas au sérieux : je n’ai jamais dit que la causalité était une ignorance, ou que vos raisonnements étaient mauvais, j’en critique l’extension. C’est l’extension du PRS à la recherche d’une cause première nécessaire qui est fallacieuse (et donc le PRS sous sa forme leibnizienne que vous reprenez). Cela a bien sûr toutes les apparences de la logique la plus rigoureuse, mais en réalité cette extension ne fait que projeter la raison en dehors de ses limites. Lorsque nous en sommes à parler de l’univers et de sa cause potentielle nous parlons en réalité de choses que nous ne connaissons pas, parce qu’elles sont très largement hors de nos possibilités scientifiques et empiriques. La question de la cause de la chaussette mouillée n’est pas de même nature que celle de la cause de ce qui est : la première est empiriquement testable, la seconde ne l’est pas. Le raisonnement seul a mené a bien des difficultés (Ptolémée, l’éther etc. l’histoire des sciences est pleine de modèles logiques qui se retrouvent réfutés empiriquement), le PRS est un instrument heuristique, pas un outil de fondation métaphysique.
Pour ma part je ne suis pas particulièrement gêné par l’existence de Dieu, en fait ça me soulagerait même pas mal de plusieurs questions, mais je n’ai jamais été convaincu par les entreprises rationalistes qui prétendent se défaire du rapport à l’expérience. Cela produit de belles théories, comme celle de Leibniz, mais rien de plus.
Mais à ce stade je vois bien que vous me renverrez le même type de réponse : je ne comprends pas la nature du raisonnement, parce que sinon je serais d’accord avec vous. En réalité notre différend est celui d’une différence majeure quant aux limites de notre rationalité quant à l’investigation philosophique. Sur ces domaines je demeure résolument sceptique.
Oulah, j’ai l’impression de voir un homme vexé. Si j’ai été trop agressif, je m’en excuse, ce n’était pas mon attention. Au demeurent, je trouve cette discussion agréable, et je ne veux pas que vous ayez l’impression que je vous prends pour un imbécile. Je vais donc prouver cela en m’attaquant de suite à ce que vous dites à la fin de votre texte;
« Mais à ce stade je vois bien que vous me renverrez le même type de réponse : je ne comprends pas la nature du raisonnement, parce que sinon je serais d’accord avec vous. En réalité notre différend est celui d’une différence majeure quant aux limites de notre rationalité quant à l’investigation philosophique. Sur ces domaines je demeure résolument sceptique. »
L’idée n’est pas là. Je ne dis pas que vous ne comprenez pas le raisonnement; j’ai eu certes des doutes tout à l’heure, après avoir vu des messages plus hauts où vous sembliez ne pas comprendre pourquoi un être nécessaire devait être Dieu, mais cette passagère impression a été infirmée quand vous avez soulignée, de manière correct, le fait qu’une métaphysique, telle qu’aristotélienne, permettait clairement de montrer d’où venait cette implication. Loin de moi l’idée de dire cela, donc.
Ceci dit, nous sommes bien en accord sur notre désaccord; vous n’acceptez pas le raisonnement et ce pour des questions des limites de l’investigation philosophique. Cependant, je ne pense pas que ce désaccord est insoluble; votre position est, de manière objective, problématique et inacceptable
En effet, vous remarquez, et ce avec justesse, que le critère de réfutation est avant tout le critère permettant de distinguer le discours scientifique du reste. Comme vous le faite remarquer, c’est avant tout une démarcation épistémologique et non réellement ontologique; on ne peut pas, comme vous le dites si bien, appliquer ce critère sur lui-même, à cause des problèmes d’auto-référencement.
Si vous disiez que ce critère permet de distinguer les connaissances scientifiques du reste, nous serions plus ou moins d’accord, en mettant de côté les problèmes liés à la question. Cependant! Comme vous l’avez également dit, il existe des fondations à la science, comme la logique ou le PRS.
L’endroit où tout votre raisonnement s’effondre, c’est quand vous dites qu’il n’y a pas de connaissances en-dehors de ce qui est scientifique:
« […] nous parlons en réalité de choses que nous ne connaissons pas, parce qu’elles sont très largement hors de nos possibilités scientifiques et empiriques. »
Et donc, contrairement à ce que vous disiez, vous retombez directement dans l’auto-contradiction. Cette phrase n’étant pas de nature scientifique ou empirique, vous ne pouvez pas dire que vous ne connaissez pas des choses de nature scientifique ou empirique. Ainsi, quoi que vous pensiez, vous êtes dans un scientisme/positivisme fâcheux; vous ne distinguez pas le rationnel dans le sens large et le scientifique: vous confondez les deux.
Vous me reprochez de vous dire que vous soutenez la position comme quoi seul ce provient des sens est vrai, mais c’est pourtant exactement ce que vous avez écrit, si ce n’est d’une manière légèrement différente. Vous me dites que je recycle un argument de « mon livre »: quel livre? Je ne vois même pas à quoi vous pensez. Rien de ce que j’ai parlé n’a été écrit dans les références que j’ai données. Vous venez donc me critiquer sur quelque chose de faux; ne tombons pas dans les travers du bulvérisme hâtif.
La réfutabilité n’est pas le seul critère de rationalité; on peut, et on doit, s’intéresser notamment au pouvoir explicatif, aux contradictions internes, à la simplicité, et bien d’autres caractéristiques. Vous vous plaignez du fait que je vous ai réexpliqué le fonctionnement d’un syllogisme; mais dans la mesure où vous maintenez qu’il est obligatoire de pouvoir réfuter une proposition pour qu’elle accède au titre de connaissance, je me le suis permis. La réfutabilité est un critère qui permet d’augmenter la probabilité d’une proposition; cependant, si une proposition a une probabilité déjà élevée, rien ne l’empêche de l’accepter comme connaissance malgré l’impossibilité de la réfuter. Et si une proposition est déduite à partir d’un raisonnent logique, sa probabilité ne vaut jamais que celle de la conjonction des prémisses.
Ainsi, qu’est-ce qui vous permet de dire que la conclusion n’est pas probante? Plus rien, puisque comme expliquer au-dessus, vous ne pouvez pas faire appel à un scientisme auto-contradictoire. Vous devez donc argumenter sur un terrain métaphysique, vous ne pouvez pas y échapper.
Pour ce qui est du fait de considérer le PRS comme un simple outil et non comme un principe métaphysique; c’est encore une contradiction. Si vous considérer que les propositions scientifiques ont une valeur de vérité, alors évidemment que vous assumez le PRS comme une fondation vraie. Une explication scientifique est une explication suffisante; quand vous essayez scientifiquement de comprendre un phénomène, vous partez du principe qu’il y a une explication. Ainsi, ce serait littéralement ad hoc que de dire que le PRS est vrai pour les questions scientifiques, mais pas pour le reste. Vous n’avez aucune raison concrète de penser ça. Et le simple fait de penser qu’il est peut-être faux n’est pas non plus une raison de penser qu’il est; même si c’était le cas, possible ne veut pas dire probable. Ce n’est pas parce que quelque chose est possible que ça augmente sa probabilité.
Pour une défense plus exhaustive du principe (on pourra constater qu’il tient de la nécessité, c’est-à-dire qu’il est nécessairement vrai ou faux, que sa négation entraine des problèmes hyper-sceptiques qui rend la raison impossible, que s’il était faux, rien n’explique pourquoi on n’observe pas des apparitions spontanées d’objets sans aucune raisons, que sans lui on ne peut pas faire sens des probabilités et que bien d’autres choses encore), je ne peux vous donner, encore une fois et je m’en excuse, un livre de référence sur le sujet: The Principle of Sufficient Reason A Reassessment (Pruss, 2006).
Pour ma part, je pense que le PRS est en réalité une vérité a priori analytique; même si cela n’a pas encore été prouvé, elle est nécessairement vraie et absolue. Toutes les preuves pointent dans cette direction.
Je me permets de revenir sur un léger point avant de conclure. Comme je l’ai déjà dit, vous avez beau avoir tenté une approche prudente au début, vous vous êtes de suite engouffré dans la contradiction juste après. Vous avez l’air de penser avoir tiré les leçons du positivisme, mais vous en faites pourtant les même erreurs.
Mettons de côté les vérités esthétiques et éthiques, qui sont effectivement des sujets à débats forts, tendus. Cependant, vous faites exactement la même bévue en disant des vérités historiques qu’elles sont en théorie réfutables; ce n’est pas toujours le cas, et même peu souvent. Déjà, il faudrait tenir compte du fait que la réfutation dans un milieu historique ne se fera pas la même manière que dans une expérience scientifique; on ne peut pas mettre la Seconde Guerre Mondiale en bouteille après tout! Pour un vérité historique, il faut donc chercher des documents historiques plus fiables qui disent le contraire; ainsi, on a donc une réfutation. (J’ai bien évidemment simplifié, mais la démarche globale se base dans cet esprit là.)
Seulement voilà; au cours du temps, l’information concernant un système à tendance à se dégrader. Il est tout à fait possible que nous ayons perdu tout les documents nous permettant de réfiter une position; ainsi, même en théorie, il serait tout simplement impossible de réfuter une proposition d’un évènement historique singulier.
(Vous pourriez vous débattre en invoquant des scénarios hypothétiques à base de machine à voyager dans le temps, mais je ne me lancerais pas là-dessus si j’étais vous; On ne sait même pas si une telle machine est concevable, et on ne sait pas non plus si on pourrait vraiment constater notre passé avec, et pas simplement un monde alternatif par exemple.) Ce problème n’a jamais su être résolu par les positivistes; ils n’ont jamais réussi à donner une définition claire de ce qu’il fallait entendre par réfutation théorique.
Je conclurai donc en vous corrigeant, avec ironie, sur votre remarque concernant le rationalisme;
« Pour ma part je ne suis pas particulièrement gêné par l’existence de Dieu, en fait ça me soulagerait même pas mal de plusieurs questions, mais je n’ai jamais été convaincu par les entreprises rationalistes qui prétendent se défaire du rapport à l’expérience. Cela produit de belles théories, comme celle de Leibniz, mais rien de plus. »
J’ai déjà suffisamment abordé la question des connaissances non-empiriques, donc je ne reviendrai pas là-dessus. Cependant, je dirai avec amusement que vous êtes ainsi dans le même terrain que les aristotéliciens, comme les thomistes par exemples. Eux aussi, après tout, maintiennent que : »rien dans l’intellect n’est venu en premier par les sens. » (Feser, 2009).
Le monde est petit. 🙂
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Référence:
Feser, E. (2009). Empiricism versus Aristotelianism . En ligne à http://edwardfeser.blogspot.be/2009/06/empiricism-versus-aristotelianism.html. Accéder le 7 Janvier, 2018.
Pruss, A. (2006). The principle of sufficient reason. New York: Cambridge University Press.
Après quelques temps ou j’ai été pris par des occupations diverses je trouve enfin le temps de vous répondre.
Tout d’abord sur la discussion en elle-même : si j’ai été effectivement quelque peu piqué par certaines saillies de votre commentaire je vous prie de m’excuser si jamais ma réponse a semblé amère, il est difficile souvent de prendre du recul sur des discussions qui se passent presque en direct, et notamment lorsque l’ironie entre en jeu. Que cela ne nous empêche pas néanmoins de donner clairement nos avis, ce que vous faites et je vous en remercie.
Quand j’ai parlé de « votre livre » je parlais du livre de Frédéric Guillaud, Dieu existe, dont la démonstration est fondée sur le même principe que ce que vous énoncez, à savoir une extension du PRS à l’enquête sur l’origine de l’existence. L’auteur passe comme vous par une critique préliminaire des positions positivistes et empiristes. Il y donne également le même argument sur l’énoncé suivant : « Toute connaissance provient de nos sens » (chose que je n’ai pas dite, je dirais plutôt que toute connaissance arrive avec les sens, mais ne vient pas nécessairement d’eux) est auto-réfutatif parce que cet énoncé ne provient pas lui-même des sens. Or d’une part je crois que d’une part cette critique n’est pas nécessairement fondée (on peut bien supposer que cet énoncé est une leçon de notre expérience passée si on est inductiviste – mais ce n’est pas la position que je soutiens) d’autre part cette critique constante passant par l’auto-référencement est très aisée (en réalité on peut l’appliquer à tous les principes : quelle est la raison du principe de raison suffisante? Si on est sceptique et qu’on dit que tout est soumis au doute alors notre énoncé aussi l’est etc.) et oublie trop souvent que les principes sont situés à un niveau épistémologique qui fonctionne comme un langage sémantique constituant un framework pour notre analyse. Il n’y a que si on recherche la certitude que cela nous gène : pour ma part en poppérien sur ce sujet j’accepte pleinement que les connaissances sont fondées sur des piloris, pour reprendre sa formule, et donc sur un sol changeant qu’on doit pouvoir réviser. Ce qui est essentiel c’est davantage la méthode critique de révision par l’expérience que la certitude initiale, toujours elle même sujette au doute (si on prend par exemple le cas paradigmatique du Descartes des Méditations).
Après ces quelques prolégomènes généraux je reviens sur le coeur de notre discussion : selon vous je soutiens une position positiviste qui consiste à dire que seule la science produit des connaissances valables (on a donc là une certaine définition du positivisme, qui, comme je l’ai définie plus haut, peut être vue comme une certaine philosophie des sciences plus que comme cette définition ci). Or ici je crois que cela demeure une déformation de mon propos : si je dis bien que toute connaissance commence avec les sens je ne dis pas que celle-ci provient des sens. Si on fait des conjectures sur quelque chose qui existe alors oui je vais demander de savoir quels éléments théoriques et empiriques permettent de me montrer cela (on parle donc ici d’un énoncé existentiel); mais cela n’est en aucun cas un refus des discussions métathéoriques ou épistémologiques sur les critères qui vont mener notre enquête : et notamment sur, puisque c’est le centre de la discussion, le critère de réfutabilité par exemple (mais historiquement on peut penser à plusieurs autres types).
Vous pointez donc une contradiction : d’un côté l’expérience est seule juge des théories, d’autre part les critères qui nous permettent de dire que l’expérience est seule juge ne sont pas empiriques. Comme ma réponse le laisse voir il s’agit en réalité d’un sophisme en ce qu’on fait comme si les deux niveaux représentés (ontologiques et épistémologiques) n’en faisaient qu’un seul : on peut très bien se mettre d’accord dans un langage L+1 de critères appliqués dans notre langage L, c’est généralement l’option choisie par Popper sur son critère : l’épistémologie n’est pas une science, on peut en revanche avoir des discussions rationnelles à son propos, notamment en voyant les avantages d’un tel critère (par exemple le fait qu’il ne tombe pas dans les problèmes logiques du vérificationnisme, qu’il permet une application du modus tollens, qu’il permet une bonne distinction entre science et pseudo-science etc.), et ces discussions ont eu lieu historiquement.
Or il y a un champ d’application strictement différent pour les deux niveaux : l’épistémologie rationnelle cherche à viser des critères de rationalité pertinents pour juger les théories; mais ne se permet pas de statuer sur la vérité ou la fausseté des théories particulières (connaissance propositionnelle), ou même de statuer sur l’existence (connaissance objectuelle) ou non des phénomènes. Il n’y a donc pas de contradiction dans ces propos (ni scientisme d’ailleurs).
Aucune raison donc d’argumenter sur le terrain métaphysique. De la même façon sur le PRS je crois qu’il y a une pétition de principe dans votre propos : vous postulez le PRS comme métaphysique (principe analytique a priori, Kant dirait synthétique pour la causalité – ce qui impliquerait cela dit que le principe trouve son origine dans notre entendement, et rien a priori ne vient garantir l’adéquation du monde avec notre entendement) pour en déduire qu’il est utilisé par la science en général (expliquer c’est bien donner une cause suffisante). Ici je crois que notre incompréhension tient au fait que nous entendons différemment le PRS : vous l’entendez de façon leibnizienne, comme dans la Théodicée notamment (« Rien n’arrive sans une cause ou une raison déterminante, qui puisse rendre compte a priori de pourquoi cela existe plutôt que pas »), or je ne l’entends pas ainsi. Je le prends comme un principe méthodologique de l’explication : on pose qu’il faut des causes à un phénomène que l’on étudie. De fait historiquement votre utilisation est bien meilleure : je suis tout à fait prêt à ne plus parler de PRS pour ma part. Ici on trouve donc une confusion : si on suppose bien toujours qu’il y a une explication en science on parle de déterminations et pas de déterminisme (qui est une notion en général). Si je sais que ma chaussette mouillée est mouillée parce qu’elle a été plongée dans l’eau et que l’eau par ses qualités intrinsèques mouille cela n’est jamais une preuve pour le déterminisme en général. Ce que les énoncés scientifiques mettent en lumière ce sont des corrélations, ou des lois, mais jamais le déterminisme dans son ensemble (pour la simple raison que le déterminisme est un concept universel, il n’a qu’une valeur méthodologique et pas ontologique). En faisant le passage d’un déterminisme méthodologique à un déterminisme ontologique vous faites un saut dans la métaphysique qui n’est pas garanti par ce qui précède.
Ce qui garanti la robustesse des énoncés scientifiques c’est bien qu’ils sont testables (sans quoi, par exemple la théorie des cordes, ils ne demeurent que des conjectures), et ces tests sont à la fois logiques et empiriques. Ce qui permet de juger de la justesse des prémisses ce n’est pas lorsqu’on parle d’objets réels, contrairement aux mathématiques, qui semblent davantage être votre modèle, le fait que les prémisses semblent probables ou sont acceptées (les eudoxas aristotéliciennes), mais le fait qu’elles puissent être testées. Le principe de raison suffisante dans sa forme ancienne traite d’une articulation logico-empirique, à savoir de la liaison entre une proposition vraie a priori et l’existence d’un objet. Or l’existence d’un objet ne peut être démontrée de façon logique, et c’est à mon avis une des grandes réussites de l’argumentaire kantien dans la Dialectique Transcendantale (argumentaire kantien qui est souvent critiqué par la théologie rationnelle, et notamment par Frédéric Guillaud que je cite plus haut, mais il faudrait revenir longuement sur ses arguments que je ne trouve pas probants sur ce point) que d’avoir montré que l’existence est distincte du concept, et notamment par un exemple que vous connaissez peut-être, qui est celui de la pièce de cent thalers. Rien ne diffère entre le concept de cent thalers et les cent thalers réels, ils ont la même forme, la même matière, il est écrit la même chose dessus (à savoir cent) et ils permettent théoriquement de payer la même chose. Comment différencie-t-on alors les deux ? Par l’expérience uniquement : l’existence d’une chose ne se démontre pas logiquement mais elle s’expérimente, sans quoi on commet toujours la même erreur, faire le passage d’une démonstration logique à une existence, alors que l’existence ne se démontre pas, elle s’expérimente. La démonstration logique ne peut que pointer vers des existences possibles (celle des rayons solaires, du Boson de Higgs etc. qui découlent de la théorie) qui demeurent des existences possibles tant que l’expérimentation n’est pas menée. Or si le cadre expérimental permettant la preuve est donnée pour ce qui est des théories scientifiques elle ne l’est pas pour ce qui est de Dieu, qui en tant qu’énoncé existentiel, ne possède pas de conditions d’expérimentation (par définition il est une totalité de laquelle on ne peut sortir pour l’observer, ou un premier moteur inaccessible, ou autre choses de ce genre), de ce fait il est hors de toute connaissance possible de notre part.
Enfin sur le détail final : l’Histoire a certainement des méthodes très spécifiques (critique interne et externe avec le positivisme historique, mise en récit selon certains comme Ricoeur ou Veyne, archives etc.) mais elle demeure une discipline (pour ma part épistémologiquement une science) avec une méthodologie très stricte : il est tout à fait possible de réfuter (logiquement, il ne s’agit pas de réfuter effectivement, mais de montrer qu’il est possible empiriquement de réfuter dans un monde possible) que l’Allemagne était en guerre en 1940 : nous avons encore des témoignages, des écrits, des comptes rendus de destructions, une multitude de traces donc, qui permettent de statuer sur ce fait.
Vous posez une question intéressante sur le statut universel de cette réfutation : peut-on dire la même chose par exemple sur des faits plus anciens ? L’assassinat de César par exemple. Les antiquisants ont travaillé sur ce sujet et produisent également des résultats, et notamment à travers plusieurs écrits qui remontent à ce temps, des transformations institutionnelles qui ont suivies, les guerres qui en découlent et mènent à l’Empire. C’est une chose importante historiquement que la conservation d’archives et de documents permettant de garantir la validité des discours des historiens effectivement, mais cela ne veut pas dire qu’on ne peut réfuter un énoncé historique (cela est même assez facile de penser une réfutabilité logique : il suffirait de penser à des documents potentiels qui pourraient contredire notre propos; en revanche cela est plus dur pour une théorie historique spécifique, qui fait intervenir plus d’interprétations et de variables).
Désolé, mais vous restez dans la contradiction, même si vous pensez le contraire.
Commençons par votre réfutation du caractère auto-réfutant du déterminisme. Vous faites finalement trois critiques ;
1) La proposition « Toute connaissance provient de nos sens » peut être prouvée par l’induction.
2) Le caractère auto-réfutant est aisée à souligner, même le PRS le subit.
3) La proposition ne s’applique qu’à un certain niveau de réalité.
Aucunes de ces réponses n’est satisfaisante. Voyons 1) : cela ne fait que repousser le problème un cran plus loin. Disons qu’effectivement, cette proposition peut être prouvée par l’induction. Maintenant, question : est-ce que la validité de l’induction peut être connue par nos sens ? Si oui, alors vous êtes dans l’argumentation circulaire : toute connaissance provient de nos sens, parce que nous le savons par induction, et nous savons que l’induction est valide parce qu’elle vient de nos sens. Si non, alors vous savez quelque chose qui ne vient pas vos sens, et la proposition est de nouveau auto-réfutante.
Passons à 2) : je vais être court. Tout principe qui s’auto-réfute est faux ; c’est tout, c’est comme ça. Tant pis si beaucoup y passe, je n’ai aucun problème avec ça personnellement. Et contrairement à ce que vous dites, le PRS n’est en rien auto-contradictoire. Posons votre question : est-ce que le principe de raison suffisante a une raison suffisante ? Disons que oui. Maintenant, vous me posez la question : lequel ? Si je vous dis que je ne le sais pas, quel est le problème ? Le principe dit qu’il y a une raison, pas nécessairement qu’on la connait. Pas de problème à ce niveau-là, il n’y aucun caractère auto-contradictoire.
Maintenant, attaquons 3) qui est votre argument majeur finalement, puisque c’est sur lequel vous basez toute votre philosophie. Finalement, vous faites le même mouvement qu’une partie des positivistes avaient eux-mêmes fait ; vous définissez la connaissance comme ce qui provient des sens. Le problème de ça, c’est que je n’ai aucune raison d’accepter ça. Si vous me donnez une raison, alors cette raison sera d’un ordre autre que celui de sens, et donc votre proposition sera faussée. Votre seule possibilité reste alors de n’en donner aucune, et de se contenter de croire la proposition comme vraie ; mais alors là, on rentre dans le pur dogmatisme. Vous n’avez aucune idée de pourquoi votre proposition est bonne, vous ne pouvez même pas en théorie vous justifiez, mais vous continuez quand même de croire que c’est vrai. Et le pire, c’est que contrairement à une personne qui ferait une sorte de pari pascalien vis-à-vis d’une croyance, vous n’avez aucune raison pragmatique de faire ça, si ce n’est de me dire que j’ai tort.
Vous m’accusez de sophisme ; j’appliquerais un principe de manière immodéré à un niveau qui ne s’en réclame pas. Si je comprends bien votre position à ce stade, vous admettez bien l’existence de connaissances méta-scientifiques, celles d’ordre épistémologique. Seulement, et c’est là toute votre erreur, vous semblez possible qu’il est tout à fait possible d’établir une épistémologie sans aucune métaphysique. Vous pensez qu’on peut dire qu’est-ce que la science sans faire de la métaphysique.
Pour prouver que vous avez tort, je vais me contenter de commenter sur l’exemple sur lequel la conversation est en train de se concentrer, c’est-à-dire le principe de raison suffisante. Si je réussis, je pense que nous serons d’accord pour dire que cette idée d’une science sans métaphysique pourra être considérée comme réfutée.
Vous vous placez sur le même terrain d’idée que Hume : la science constate des corrélations, pas des relations de cause à effet. Pour que votre position soit correcte, c’est-à-dire que la métaphysique n’est pas présupposée par la science, il faut donc que deux critères soient corrects ;
1) Ce que l’on constate empiriquement, ce sont uniquement des corrélations et non une causalité.
2) La corrélation n’a pas besoin de la causalité pour être intelligible
Je pense qu’encore une fois, ces deux critères sont faux. Le premier est lié à ce que Hume en disait, comme vous le savez très bien ; introspectivement, on peut imaginer un effet sans cause. Par conséquent, tout ce que l’on constate empiriquement ne peuvent-être qu’aux mieux déduit comme des corrélations, et non comme enchainement de cause à effet. Le problème, c’est qu’on ne peut pas imaginer un effet sans cause, contra ce que disait le célèbre empiriste. Comme l’a très bien fait remarquer la philosophe Anscombe, il n’y a, du point de vue de l’esprit, aucune différence entre le fait d’imaginer un lapin qui apparait à partir de rien, et le fait d’imaginer un lapin qui apparait sans aucune cause visible. La seule différence entre ces deux images mentales, ce sont en réalité les titres que vous leur accordez. Par conséquent, vous n’imaginez pas un effet sans cause, vous imaginez uniquement un effet sans cause apparente, et c’est tout à fait différent. L’imagination n’est pas toujours un guide parfait pour la possibilité ; si je vous demandais d’imaginer un chiliogone, qui est un polygone à mille sommets, vous seriez incapable d’imaginer quelque chose qui soit différent à votre imagination d’un cercle. L’imagination a ses limites ; si quelqu’un vous disait qu’il peut imaginer un monde possible où la deuxième décimale de pi est deux, vous pourriez vous contenter de hausser les épaules en disant que c’est simplement impossible, et qu’il n’imagine pas réellement un monde où ce chiffre est changé, mais simplement un monde où il a l’impression que pi a changé. On peut dire ça aussi à quelqu’un qui pense qu’il peut concevoir un monde où le théorème de Pythagore ne tient pas par exemple.
L’autre problème, c’est de penser qu’on peut faire sens de la notion de corrélation sans pour autant faire appel quelque part à la notion de causalité. La corrélation est, dans ce contexte en particulier, un concept lié aux individus qui perçoivent. C’est-à-dire qu’un observateur peut dire qu’un phénomène X est corrélé avec un phénomène Y à partir du moment où X arrive souvent quand Y arrive souvent. Attardons-nous, non pas sur la deuxième partie de cette phrase, mais bien sur le tout premier terme : l’observateur. Comment cet observateur pourra-t-il savoir que X arrive souvent quand Y arrive souvent ? Quand il observera X et Y. Mais qu’est-ce qu’on entend par observer, si ce ne le fait qu’une perception CAUSE une idée ? De plus, pour qu’il observe une répétition, il faut qu’il puisse associer ces différentes observations, c’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait un principe d’association d’idée, c’est-à-dire qu’il faut que ce principe CAUSE la tendance à associer des idées entre-elles. Ultimement, vous pourrez dire que toutes ces causes sont-elles même uniquement des impressions. Mais alors là, félicitations, vous avez détruit toutes connaissances possibles, y compris celles de l’épistémologie. Par conséquent, vous avez même détruit l’idée que vous pouviez entamez cette même idée ; c’est autodestructeur.
Ainsi, contrairement à ce que vous disiez, je n’infère pas un PRS ontologique d’une principe de raison suffisante méthodologique, mais je fais exactement l’inverse. A ce stade, on peut tout simplement se poser la question plus générale : est-ce que le PRS est-il vrai ou non ? Nous avons beaucoup de raisons de penser que oui ;
1) Comme expliquer auparavant, sa simple négation entraine un scepticisme absolu, qui rend toute connaissance littéralement impossible. En effet, comme déjà montré auparavant, si le PRS est faux, un nouveau scénario sceptique devient possible ; il n’y aucun démon qui nous déçoit, mais nos perceptions peuvent arriver sans aucune raison. Vous pensez peut-être que la vérité du syllogisme « A) Socrate est un homme, B) Tout les hommes sont mortels, C) Par conséquent, Socrate est mortel » est responsable de votre connaissances que C) est vrai, mais ce n’est pas le cas. Vous le croyez en réalité sans aucune raison, et votre perception arrive également sans raison.
Pire encore, les probabilités objectives sont liées aux lois de la nature, ou aux tendances objectives. Donc, si une situation arrive sans aucune raison, vous ne pouvez même pas lui attribuer une probabilité. On ne peut même pas dire que les violations du PRS sont improbables si le PRS est faux. Donc, si vous dites que le PRS est faux, vous ne pouvez même pas dire que ce genre de scénario est peu probable.
2) Par ce même problème de scepticisme, l’abduction est détruite au passage : à chaque phénomène que vous constatez, il n’y a absolument RIEN qui vous empêche de dire que ce phénomène est arrivé sans aucune raison. Dans la mesure où vous ne pouvez même pas attribuer à ce genre d’évènement une probabilité, vous pouvez toujours dire à tout « Ça arrive sans aucune raison ! »
3) On peut également se demander pourquoi, si le PRS est faux, on n’observe pas des apparitions ex nihilo un peu partout. Et quoi, le rien serait-il discriminant ? Il peut faire apparaitre un univers éternel par exemple, mais pas des tables et arbres fruités ?
C’est là tout le problème avec les empiristes ; on applique le PRS tant qu’il s’agit uniquement de ce qui est empiriquement détectable par la science. Par contre, dès qu’on peut l’utiliser pour prouver autre chose, là ce ne va plus ! C’est terriblement ad hoc, vous n’avez in fini aucune justification autre le fait de penser qu’il est peut-être faux, ce qui n’est jamais une bonne raison d’abandonner un principe dans la mesure où absolument toutes les connaissances empiriques peuvent-être fausses, et ce n’est pas pour autant qu’on décide de toutes les abandonnées.
4) Comme démontré par les philosophes Richard M. Gale et Alexander Pruss, le principe est nécessairement vrai ou nécessairement faux. A choisir entre les deux, il est donc plus probable épistémologiquement qu’il soit vrai.
5) C’est un principe qui permet de faire sens des catégories modales.
6) Enfin, et là ça va peut-être gueuler dans les chaumières, mais il est évident, de la même façon qu’une personne sait de manière évidente et non déductive que 1+1=2. Je pense qu’au fond de vous, même vous l’acceptez comme vrai.
Bref, contrairement à ce que vous dites, je ne « postule » pas le PRS comme métaphysique. Je dis que c’est une NÉCESSITÉ à tout rationalité, qu’il est bien plus probable qu’il soit vrai que faux pour un tas de raisons suscitées, et que par NATURE c’est un principe métaphysique. Ainsi, contrairement à ce que vous dites, nous avons bien besoin de la métaphysique non pas simplement pour faire un raisonnement scientifique, mais pour même faire un raisonnement tout cours.
Parlons maintenant de votre idée comme quoi l’existence doit se montrer de manière directe par l’expérimentation ; c’est totalement faux puisque vous allez contre la logique même. Je ne vais pas faire le culot de vous rappeler encore une fois la nature d’un syllogisme ; mais pourtant, c’est encore une fois ce que vous contestez ici. Si la conjonction des prémisses implique l’existence d’une chose, alors si les prémisses sont sondées, ça veut dire qu’on peut prouver l’existence d’une chose sans la vérifier directement. Petit exemple ;
1. Tout bébé a une mère qui existe
2. Georges est un bébé
3. Par conséquent, la mère de Georges existe.
Vous pourriez me dire que 1. n’est pas toujours absolument vrai, mais c’est en général le cas. Vous pouvez donc prouvez l’existence de certaines choses, a un certain niveau de probabilité, mais vous prouvez tout de même une existence.
Ceci dit, je comprends votre erreur parce qu’elle part de quelque chose de très juste ; l’objection à l’argument ontologique critiqué par Kant. Le problème, c’est que même si on admettait que Kant avait effectué une réfutation absolue, il ne s’agit que d’UNE version de l’argument. En effet, si la notion de l’existence comme prédicat est tout à fait discutable, la notion d’existence NECESSAIRE est tout à fait correct. Vous aurez peut-être envie de me dire qu’il n’y a aucun être dont la non-existence ne peut être conçue, mais ce serait faire la même erreur que Hume avec sa pseudo-objection au PRS, déjà critiquée plus haut. Ainsi, contrairement à ce que vous dites, il y a bien moyen de logiquement conclure à une existence ; seulement, elle sera d’un ordre probable, ou alors nécessaire. Bref, tout ce qu’il faut pour que la théologie naturelle soit effective.
Le mot final, comme vous, portera sur l’Histoire. Bon, à titre personnel, je m’interroge sur ce que vous considérez comme science. Je peine à voir comment vous pouvez classifiez une méthodologie qui ne peut même pas toujours, et même souvent, utiliser des expériences répétables de manière objective comme une science. N’est-on pas sur un site « zététique » ? Je suppose que ça veut dire que ça fait de l’astrologie une science, même si son objet est faux.
Mais là n’est pas sur ce quoi je veux m’étendre. Ce qui m’a un peu fait sourire, c’est que finalement, vous n’avez absolument pas tenu compte de ce que je venais de dire :
« il suffirait de penser à des documents potentiels qui pourraient contredire notre propos »
Ceci revient littéralement à éluder contre le scénario que je venais de vous signaler ; rien ne dit que ces documents potentiels existent en réalité. Vous rentrez dans une réfutation purement hypothétique; l’information a tendance à se détériorer, ne l’oublions pas. Vos documents potentiels ont peut-être été détruits.
Cher Matthieu, cher Nathanaël, chers lecteurs de passage, ne voyez dans ce qui suit que les notes d’un observateur partiel et reconnaissant de vos longs échanges, incapable d’en saisir toutes les subtilités et donc incapable de proposer sa propre synthèse sur un sujet sans doute sans fin. Je finirai cependant par le plus important.
Ma formation de philologue classique fait que je suis autant attentif au ton qu’aux idées, à la forme qu’au fond, et je tiens le style et le ton qu’il suggère pour des arguments pouvant incliner à suivre tel discours plutôt que tel autre.
Ainsi, j’ai trouvé en effet très nette l’irruption de l’émotion dans le discours de Matthieu, celle de la tonalité polémique, n’hésitant pas à manier l’argument de l’ironie et de l’indignation (« vous vous êtes jeté sur, etc… »), et j’ai d’autant plus apprécié (intellectuellement parlant, n’y voyez pas un jugement sur vos personnes) la courtoisie non dénuée de franchise de Nathanaël (j’adhère à son analyse des « discussions sur ces plateformes » et « les saillies les plus basses » que suscite plus facilement l’écrit que la discussion orale, parce que le visage et la présence de l’autre ne sont pour l’internaute que des abstractions, s’il n’y prend pas garde). Ce n’est pas que les arguments du style me gênent, mais ils n’avaient rien à faire dans le propos de Matthieu, visant à nous démontrer que la pure logique et la raison suffisante démontrent l’existence de Dieu. En se laissant aller à de telles remarques, il a en fait trahi l’évidence : que sa logique ne suffit pas à convaincre un interlocuteur aussi averti que Nathanaël sur les tenants et les aboutissants des concepts en jeu. Si donc deux intellects comme les vôtres ne peuvent s’entendre, les missionnaires peuvent bien laisser dans les rayons de leur bibliothèque les livres savants (et sans aucun doute très intéressants) que Matthieu nous donne en référence !
Nathanaël, si ma mémoire est bonne, écrit dans l’une de ses réponses, devant le constat d’une divergence infranchissable malgré la patience de l’un et de l’autre : « Je ne comprends pas où vous voulez en venir… » Je pense comprendre que Matthieu veut en venir à ce qu’il dit : démontrer l’existence de Dieu. Attitude missionnaire (cela dit sans jugement de valeur), pour les autres et pour lui-même (cela va de pair, psychologiquement parlant). Certaines intelligences ont besoin, pour l’économie de leur vie, de cette croyance, d’autres en font l’économie parce qu’ils trouvent autrement les moyens de « persévérer dans leur être », pour parler comme Spinoza. Je ne pense pas que la foi puisse être le fruit de tels arguments logiques, si subtils et savants soient-ils ; je crois plutôt que la foi précède ces arguments, et s’en nourrit.
Finalement, je rejoins Jeyes, qui a posé les limites de la question dès la troisième ligne de cet imposant « courrier des lecteurs » : « Ne serait-ce pas l’appellation « Dieu » trop indéfinie qui pose problème ? » Telle est mon opinion. Matthieu a une opinion assez précise de la définition du mot : celle d’un être nécessaire, d’un créateur libre et créant ex nihilo. On peut décliner et discuter ces concepts en restant dans la seule tradition philosophique occidentale : qu’on relise simplement « La docte ignorance » (1, 24, § 75-76) de Nicolas de Cuse qui s’inscrit dans cette tradition, invoquant Hermès Trismégiste pour dérouler une argumentation d’une logique aussi subtile que la vôtre afin de démontrer l’ineffabilité de Dieu pour la raison (parce qu’elle ne peut franchir les contradictoires, et que Dieu, par une définition que ce philosophe a reçue par une sorte d’illumination intellectuelle, est coïncidentia oppositorum) ; qu’on relise Spinoza bien sûr, qui a des choses fort intelligentes et logiques à nous dire sur la liberté et le néant avec lesquels le Dieu de Matthieu crée (a créé ? crée maintenant et demain, à chaque instant ?) le monde et ses parties. Mais si vous faites en plus le voyage éminemment philosophique d’un François Jullien vers un ailleurs (son « ailleurs chinois » par exemple), vous voyez mieux encore ce qu’ont de contingent les philosophèmes avec lesquels Matthieu pense nous démontrer une vérité universelle. Quand bien même cet « être » (mot qui pose déjà problème à lui seul) nécessaire serait démontrable, on n’aura rien démontré, car on n’aura pas dit grand chose de ce « Dieu ».
Nathanaël a bien rappelé cette limite, qui est celle du langage : « Les principes sont situés à un niveau épistémologique qui fonctionne comme un langage sémantique constituant un framework pour notre analyse ». Quid si l’on sort de ce framework pour en prendre un autre, qui fut, en termes de civilisation et de vies humaines cherchant à persévérer dans leur être, aussi fécond ? Le « pourquoi » n’est important que dans notre tradition, Matthieu. Vous nous dites qu’il est évident pour un enfant. Je pense que le charme de l’enfant (au sens étymologique du mot) est précisément de ne pas se situer avec ce « pourquoi ». Je suis grand-père depuis un an, et j’ai eu le plaisir de tenir dans mes bras ce petit être, sorti du néant tout comme moi, en lui montrant les choses du monde où il débarquait. Il n’avait pas plus d’un mois qu’il observait ces choses avec un regard fascinant, que ma conscience observait en sentant se presser derrière elle tous les concepts et toutes les questions que vous avez déroulés dans cet échange. Vous devriez lire, Matthieu, avant de revenir sur le sujet, « De l’Être au Vivre : Lexique euro-chinois de la pensée », par ledit François Jullien (Gallimard-Nrf, 2015). Mais ne croyez pas que je veuille me faire missionnaire : je crois trop en la puissance in fine de l’imaginaire individuel sous-jacent à la vie intellectuelle, si brillante soit-elle !
On ne peut pas penser « Dieu » (la totalité, le Maximum du Cusain, etc.) en « lâchant » le « je » d’où jaillit la pensée. Le tout début du « Tractatus de intellectus emendatione » de Spinoza est à ce titre un bel enseignement : il y a d’abord le temps (« postquam ») où s’inscrit l’existence d’une conscience incarnée, puis surgit cette conscience, sous la forme d’un « je » (« me »), qui acquiert au fil de la vie commune une expérience : alors peut commencer une vie philosophique, peut-être irrémédiablement solitaire au moins pour une part, en quête de la connaissance de la vérité et du souverain bien…
Un grand merci à tous les deux et aux autres contributeurs, pour la manière dont ils nous aident à réfléchir en philosophes !
Valete !
Je decouvre cet echange d’une tenue evidente mais dont l’argumentaire est au-dela de mes competences, qui ne sont pas du champ de la metaphysique. J’ose toutefois une observation triviale: Je n’ai jamais entendu un enfant demander » Pourquoi y a t il quelque chose? » mais soit…admettons que cet enfant (que nous pouvons par besoin de clarte appeler Leibniz…) grandisse avec ce questionnement et qu’il suive a peu pres correctement ses cours de physique. Alors il serait autorise a reformuler le dilemne ainsi: …Pourquoi y a t il quelque chose tel que nous pouvons en comprendre la complexite, plutot qun simple champ scalaire a son plus bas niveau d’ernergie ?….. Il me semblait bien en fait que depuis 2012 , transcendance et causalite pouvaient enfin cesser de hanter nos angoisses monotheisantes.
1) Pourquoi 2012 ? (Une blague sur la fin du monde du « calendrier Maya » ?)
2) Je vous renvoie à la série d’études publiée sous la direction du philosophe (normalien) Francis Wolff, « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? », Paris, PUF, 2007, réédité en 2013. Pas encore lu, mais je suis impatient d’y découvrir LA réponse à la question qui « subsume » toutes nos « angoisses monothéisantes » ! 😉
Desole de ne pas avoir precise, j ‘avais cru..2012 Decouverte du boson de higgs qui valide le champ du meme nom. Le rien est quelque chose, le vide ne peut s’obtenir qu’en enlevant le vide et le neant est une notion destructrice d’elle meme….le principe de causalite est dans l’univers mais ne semble pas devoir s’appliquer a l’univers lui meme. Il Est ….point. Pour interrompre la causalite il fallait un etre transcendant, porte par le montheisme il presuppose avant lui le rien,vide,neant,neant absolu etc…qui necessite une entite transcendante …fermez la boucle. Je vous souhaite par vos lectures de parvenir a votre propre reponse. Bonne continuation
Izitso,
1) A la teneur de votre message, je m’étais douté que vous évoquiez une découverte en physique et qu’il s’agissait certainement du boson de Higgs. Mais j’ignorais tout des développements auxquels cette découverte a conduit concernant la philosophie de la connaissance, c’est pourquoi je vous remercie de nous en informer.
2) Je pense que c’est une erreur d’interpréter Dieu ou tout être transcendant tel qu’il est porté par le mono-théisme comme ce qui interrompt la chaîne infinie de la causalité. Pour une raison historique (indiscutable) et pour une raison philosophique (peut-être discutable) :
– L’anthropologue Philippe Descola (titulaire d’une chaire au Collège de France et auteur de « Par-delà Nature et Culture » (Folio-Gallimard, 2005), déjà devenu un classique, non sans s’appuyer sur des travaux antérieurs (Arthur Lovejoy, Michel Foucault, etc.) et sur la base de ses propres observations ethnologiques, a bien expliqué que le principe monothéiste (que l’unité suprême soit Yahvé, l’Inca, Amon-Râ, le Dai Ji ou l’Être des présocratiques) était une réponse au principal problème d’une vision du monde qui fut fondamentale en Occident (mais dans d’autres civilisations aussi) depuis l’Antiquité jusqu’à la Renaissance, ce que Philippe Descola appelle l’ontologie analogique, mode d’identification de l’homme qui revient, avant toute réflexion sur le monde, à le percevoir comme rempli d’une infinité d’êtres de formes et de catégories tellement variées qu’il en résulte la question de l’unité d’un tel univers. Dans cette ontologie, la causalité dont vous parlez (celle qu’Aristote appelle efficiente) n’est pas la seule qu’on invoque : vous vous placez du point de vue de la science moderne (inaugurée surtout par Descartes en philosophie), qui a évacué la causalité finale qui avait toute sa place dans les philosophies et les théologies antérieures (qu’elles fussent monothéiste ou polythéistes : mais la notion de polythéisme nous fait trop oublier que la philosophie grecque conçoit la divinité comme nécessairement une et transcendante.) Il est frappant de constater que la psychologie aboutissait à la même déduction avant l’anthropologie : dans « Types psychologiques » (1920), Jung, illustrant les types « introverti » et « extraverti » à l’aide d’exemples pris dans l’histoire de la pensée antique et médiévale, fait remarquer que le nominalisme d’un Antisthène (réalisme extrême déniant aux abstractions une quelconque objectivité) aboutissait à un « chaos d’objets particuliers » auquel « on surordonne tout au plus une vague unité universelle dont il est assez facile de percer le caractère de désir ». Le « chaos » était dans les autres doctrines une multiplicité dont il revenait à la métaphysique de démontrer et d’expliquer l’unité.
– Que nous soyons croyants ou non, nous sommes donc souvent inconsciemment tributaires, dans nos réflexions sur l’unité de l’univers que l’on peut supposer plus ou moins bien représentée par les traditions religieuses et même les philosophies antiques, d’un mode de pensée historiquement daté : celui de l’ontologie que Philippe Descola appelle « naturaliste » parce qu’elle est fondée sur deux a priori : la « matérialité » de tous les êtres du monde est la même (l’espace devient une étendue géométrique où règne le nombre, et toute explication causale doit être analogue à un calcul mathématique) mais l' »intériorité » de l’homme est radicalement différente de celle des autres êtres du monde (les animaux sont donc des machines sur lesquelles il est normal de faire toutes les expérimentations qui seraient bonnes pour l’homme, créature dont le sentiment d’altérité absolue dans ce nouvel univers produit de nouveaux problèmes « métaphysiques » : celui de sa part « animale » par exemple, et celui de son rapport avec Dieu ou l’absence de Dieu, etc.)
– J’ajoute pour finir (c’est ma raison philosophique discutable) qu’Aristote, dans le livre petit alpha (n°2) de la « Métaphysique » a démontré l’impossibilité de concevoir une série infinie de causes ou une série infinie d’éléments dans ce qu’il appelle la quiddité ou la substance d’un être (en son temps, comme le mot grec l’indique, on ne pensait pas même l’atome divisible en éléments subatomiques mais Aristote anticipait donc sur une telle explication de l’être de la matière en affirmant qu’on finit forcément par atteindre un état de la matière que la physique moderne appelle le vide qui n’en est pas un, me semble-t-il, et qui fait singulièrement penser, à l’échelle d’un univers lui-même a-causal, à la définition aristotélicienne de Dieu, forme pure et éternelle, présente en tous les êtres imprégnés de matière et voués au changement…)
Bref, il y a des « boucles » de raisonnement, comme vous dites, qui n’ont pas toujours été celles de la philosophie et de la science, ce qui ne veut pas dire que les nôtres n’ont pas leur légitimité (Philippe Descola n’enseigne pas un relativisme.) Que le principe de causalité ne s’applique pas à l’univers lui-même n’exclut pas que ce vide qui n’en est pas un et qui le constitue (le champ quantique ?) n’ait pas des propriétés et des lois encore indémontrées (peut-être indémontrables par la « dianoïa », la raison discursive, et donc en dehors du champ de la science au sens où nous l’entendons), des lois hypothétiques qui seraient très proches des intuitions par lesquelles les philosophes ou les prophètes des temps anciens ont parlé de ce qu’ils appelaient l’Être-en-tant-qu’être ou Dieu…
J’espère que vous ne verrez pas dans mes propos une « menace théoriste » ! 😉
Très cordialement.
Merci de votre argumentaire auquel vous me pardonnerez de ne pas repondre en detail en raison de mon incompentence deja confessee en sciences humaines a l’exception peut etre de l’histoire des religions. D’une maniere generale je suis reticent devant les retropojections abusives faites a partir des avancees de la science moderne sur les positions des theologiens ou philosophes qui l’ont precedee. Les exemples sont nombreux , de l’atome de Democrite ramene a cet objet incomprehensible defini par Rutherford Bohr etc… au Big bang assimile au Fiat Lux des ecritures au point d’en figer la comprehension dans la forme desuete des annes 1950. La perception d’un monde par l’observation d’ Aristote ou celle del’intelligible de Platon s’est largement effondree devant la connaissance par l’experimentation de Galilee de meme que les approches philosophiques descriptives de ce qui fait notre univers et nous memes ne se correlent pas avec l’histoire de l’univers en tant que , lui meme, objet depuis la theorie d’Einstein et les observations d’Hubble (l’astronome pas le telescope ).
Sur le monotheisme , si a ma connaissance les croyance paiennes ont toujours une approche immanente de leur cosmogonie et les philosophies orientales n’ont pas d’etre transcendant a l’origine de leur croyance (Bouddah Confucius ou Lao Tseu qui pensait la matiere comme la nature des objets et le vide comme leur fonction, a l’exemple de la roue ) je suis favorable a croire que la pense greque a contribue a la fin des Divinites des lacunes et a ainsi prepare l’expansion de la vision judeo chretienne dans le monde romain. Ne pouvant poursuivre, je vous recommanderais vivement le debat disponible sur YT entre etienne Klein et lydia jaeger » La science rend elle la religion impossible » spoil…il y est beaucoup question de causalite. Excusez par avance mes approximations et eventuels contresens. Bonne soiree.
« Rien ne se créer, Rien ne se perd, Tout se transforme », cela réduit le Dieu créateur à une impulsion primordiale pour ensuite le rendre muet à jamais. L’impulsion primordiale est à l’horizon de la science, le seuil où la cause première est sans cause mère, mais vouloir cacher Dieu à l’horizon de la science ne fait que le repousser sans cesse à chaque avancée de la science, telle l’obscurité chassée par la lumière.
Cher Laurent, vous me permettrez de sourire (avec bienveillance) aux mots que vous employez et qui ont une forte connotation quasi… religieuse : « telle l’obscurité chassée par la lumière ». C’est d’ailleurs en homme de foi et en prophète que vous nous parlez de la science, et pourquoi pas. Mais la belle question initiale posée par Nathanaël Colin, et si pleine de sens pour nos imaginaires collectifs et individuels qu’elle ne cesse de susciter des réactions sur cette page au fil du temps, cette belle question, dis-je, me paraît d’autant plus problématique qu’on ne sait pas très bien, au fond, ce que chacun met derrière le mot « Dieu » et le mot ‘science ». Pour ce qui concerne le premier, il y a la définition qu’en donne Descartes (qui trône sur notre discussion !) dans la troisième « Méditation métaphysique » (qui rappelle que l’idée de Dieu, quoique claire et distincte, dépasse notre entendement), mais faut-il pour autant négliger d’autres représentations tout aussi délicates mais plus organicistes, comme celle du Tai Ji en Chine par exemple ? Le mot « Dieu » a pour la plupart des croyants un sens profond : dire avec simplicité l’unité de l’Être et l’extraordinaire harmonie du cosmos et de ses lois physiques. Quant au sens du mot « science », votre mot me fait penser que les savants grecs avaient peut-être plus de sagesse que nous, quand ils divisaient la science (leur « épistèmè ») en trois grands champs distincts : la canonique (la logique), la physique et la métaphysique (que les Atomistes réduisaient à une éthique). Des penseurs comme Aristote n’étaient pas plus naïfs ni idiots que nous, qui en savons nous-mêmes tellement moins que ceux qui seront là dans 2500 ans…
Ca n’étonne personne (puisqu’on les a laissés faire), de voir 2 personnes perdre plus d’une année à parler de quelque chose qui n’existe pas ?