La critique est aisée ? – Tronche en Live #20 (François Theurel)
Invité : François Theurel, alias Le Fossoyeur de Films.
Emission enregistrée le 09 février 2016.
Editorial
La critique a parfois mauvaise presse. « Arrêtez un peu de critiquer – Y fait rien qu’à critiquer. La critique est aisée, etc. » et on la soupçonne facilement. Trop complaisante, trop virulente, entre bashing et fan attitude, elle a tôt fait de déplaire aux artistes, au public, à ceux qui confondent avoir un avis et faire une analyse.
On oublie parfois que critiquer, ça ne signifie pas dire du mal, c’est un mot qui vient du grec qui veut dire « juger ».
Juger c’est presque mal en soi à en croire certains fragiles qui voudraient que tout se vaille et qu’on n’ait pas un mot plus haut que l’autre parce que des goûts et des couleurs on ne devrait pas discuter. Mais il est bien possible que ce soit pile l’inverse : des goûts et des couleurs : on ne peut que discuter puisqu’il ne saurait y avoir de vérité unique ni d’avis définitif. A moins de vouloir s’agonir d’injures entre pro et anti-Lynch, ou s’ignorer les uns les autres… Il faut bien en passer par du dialogue.
Et la critique, finalement, est-ce autre chose qu’un acte de communication autour d’une œuvre, du message qu’elle contient, de la manière dont elle a été exécutée, de celle dont elle a été reçue… Si ce n’est pas ça, on pourrait se demander à quoi ça sert de rédiger une critique, de la publier. A quoi bon ? Qu’est-ce qu’on espère ?
Il y a ceux dont c’est le métier, les critiques officiels de la presse qui reçoivent des invitations au spectacle, les plumes estampillées, qui font autorité. Les gens achètent les magasines en partie pour connaître leur avis. La critique est un produit de consommation car il offre un regard particulièrement aiguisé sur une œuvre, et permet de la voir autrement.
A l’autre bout du spectre, il y a le commentaire sur Sens critique ou sur les réseaux sociaux, et les forums : la diatribe ou la dithyrambe et tous les stades intermédiaire. Ainsi, chacun apporte sa voix à la chorale du net 2.0, et le bouche à oreille continue d’être le media le plus utilisé sur Terre
Et puis il y a un entre-deux, quelques voix qui sortent du lot, de nouvelles références qui émergent en dehors des références classiques, et notamment les vidéastes, les youtubers. On ne compte plus les chaines où il est question de cinéma ou de séries TV, où, avec plus ou moins de bonheur quelqu’un partage avec nous ce que lui inspire tel film.
Mais de la même façon que, sur le marché du conseil, l’offre est largement supérieure à la demande, nous n’avons sans doute pas besoin d’entendre l’avis de tout le monde sur le dernier Tarantino ou le prochain Star Wars. Avoir un avis, même très ferme, très arrêté, très étayé, ce n’est pas la garantie qu’il vaille la peine d’être partagé. Car critiquer, ce n’est pas seulement donner son avis sur quelque chose, c’est aussi expliquer pourquoi l’on pense ce que l’on pense, c’est analyser l’intention de l’artiste et son adéquation avec l’effet obtenu, et cela peut devenir un art à part entière. Le critique, quand il est dans une démarche constructive, c’est-à-dire quand il oublie de prendre les uns ou les autres pour des cons, est le partenaire de l’artiste et du spectateur. Il nous aide à mieux nous comprendre.
Et l’un des plus doués dans cet exercice est avec nous ce soir, c’est François, que vous connaissez sous le nom de Fossoyeur de Films.
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