Suaire de Turin : Merci de ne pas faire mentir la science

En septembre 2025, sur les ondes de Radio Notre-Dame, Olivier Bonnassies s’émerveille : une étude publiée dans Nature aurait détecté la présence d’ADN (de plantes et d’humains) venant d’Inde sur le suaire de Turin. Et d’en conclure qu’il s’agit là d’un indice extraordinaire validant l’hypothèse selon laquelle Joseph d’Arimathie aurait acheté une luxueuse étoffe d’origine orientale pour ensevelir le corps de Jésus. La science, enfin, viendrait confirmer le récit évangélique !

Cette lecture enthousiaste appelle néanmoins plusieurs mises au point.

D’abord, l’étude mentionnée n’a pas été publiée dans Nature au sens strict, mais dans Scientific Reports, une revue du groupe Nature, au fonctionnement éditorial distinct et à comité de lecture indépendant. L’article en question, publié en 2015 par Gianfranco Barcaccia et ses collègues, ne prétend nullement démontrer quoi que ce soit sur l’origine du corps enveloppé par le suaire. Il se limite à analyser l’ADN mitochondrial humain retrouvé sur divers fragments du tissu, et à identifier plusieurs haplogroupes correspondant à des régions variées : Europe de l’Ouest, Moyen-Orient, Caucase, Afrique de l’Est… et Asie du Sud, notamment l’Inde.

Le fait que des traces génétiques indiennes soient détectées n’a rien d’étonnant si l’on tient compte de l’histoire de l’objet : pèlerinages, manipulations liturgiques, restaurations, contacts humains répétés sur plusieurs siècles. Les chercheurs eux-mêmes insistent très clairement sur ce point :

« Ces données suggèrent que plusieurs individus d’origines ethniques diverses sont entrés en contact avec le suaire, possiblement en raison de manipulations humaines, d’une exposition environnementale et des déplacements historiques de la relique avant son arrivée à Turin. »[1]
(Barcaccia et al., 2015, p. 9)

Autrement dit, ce que cette étude montre, c’est que le suaire a été en contact avec des êtres humains, qui parfois venaient de loin. Cela ne prouve ni que le tissu a été tissé en Inde, ni qu’il a servi à ensevelir Jésus, ni qu’il a été acheté par Joseph d’Arimathie.

La démarche d’Olivier Bonnassies, si l’on admet sa bonne foi par principe de charité, illustre un aspect du biais de confirmation : nous pouvons avoir tendance à interpréter des informations de manière un peu acrobatique de sorte à leur faire dire ce que l’on voudrait qu’elles disent. À ce stade, l’inconnue est la capacité d’Olivier Bonnassies à reconnaître son erreur. Cela implique d’être capable de cesser d’utiliser un argument délicieux, mais complètement faux.

 

Pour en savoir plus sur le linge exposé à Turin :

 

Acermendax

Références

  • Barcaccia, G., Galla, G., Achilli, A., Perego, U. A., Olivieri, A., Semino, O., … & Torroni, A. (2015). Uncovering the sources of DNA found on the Turin Shroud. Scientific Reports, 5, 14484. https://doi.org/10.1038/srep14484
  • Radio Notre-Dame. (2023, septembre 11). Le mal et la souffrance : raison de douter ou raison de croire ? [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=fLvrBenVXB0

[1] “These data suggest that multiple individuals of different ethnic origins came into contact with the Shroud, potentially through human handling, environmental exposure and historical travels of the relic before it came to its current location in Turin.”

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