Attaque et victimisation : seul horizon pour l’imposteur
L’imposteur n’a souvent qu’une défense : l’attaque.
Lorsqu’une personne se positionne dans l’espace public en tant qu’expert d’un phénomène, quel qu’il soit, mais qu’elle exige de son public qu’il exclue a priori certaines sources critiques, ou qu’il condamne sans examen des voix dissidentes, il y a lieu de s’interroger. Si cette personne adopte une posture manichéenne du type « si vous n’êtes pas avec moi, vous êtes contre moi », tout en usant de culpabilisation pour rallier les hésitants et en restant fuyante sur le contenu réel des critiques qui lui sont adressées ou la matérialité de ce qu’elle reproche à d’autres, il est raisonnable de se méfier. Ces mécanismes rappellent les premiers engrenages de l’emprise mentale que l’on retrouve dans les dérives sectaires. (Cf. Singer, M.T., Cults in Our Midst, 1995).
Les manipulateurs – qu’ils soient gourous, pseudo-experts ou arnaqueurs – exploitent souvent les bons sentiments et les valeurs nobles pour servir leurs intérêts personnels. Cela peut inclure l’invocation de causes qui méritent effectivement qu’on s’y investisse. Mais cet usage cynique de l’empathie devient une arme contre l’esprit critique, car il détourne l’attention des incohérences ou des abus, tout en rendant socialement coûteux le fait de poser des questions légitimes.
En parallèle, ces stratégies s’accompagnent presque toujours d’un narratif victimisant, destiné à discréditer activement celles et ceux qui révèlent les failles ou les manipulations à l’œuvre. Cette victimisation est une forme de violence insidieuse, car elle transforme les critiques légitimes en attaques perçues comme injustes, voire malveillantes. Il est crucial de rappeler que prétendre être une victime ne doit pas être utilisé comme une carte d’immunité pour éviter tout examen critique.
Je pense qu’il ne faut pas demander à celles et ceux qui produisent des critiques argumentées et se voient en retour insultés, accusés d’être des ennemis d’une cause, voire des harceleurs ou des délinquants, d’encaisser tout ça en silence pour ne pas amplifier un phénomène dont la cause n’est pas mystérieuse, mais réside dans l’escalade d’engagement d’un imposteur rattrapé par ses mensonges.
La bonne foi : une question indécidable
L’aspect le plus effrayant de cette mécanique est que le pseudo-expert ou le manipulateur peut croire sincèrement à son propre narratif. Cette conviction, souvent renforcée par des biais cognitifs comme le biais de confirmation ou l’effet Dunning-Kruger (Kruger & Dunning, 1999), alimente un cercle vicieux où toute critique est interprétée comme une attaque personnelle, et où l’estime de soi repose sur le maintien d’une illusion d’expertise.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille abandonner tout espoir de dialogue. Ranger ces personnes dans une catégorie de « fous » ou d’individus irrationnels avec qui il serait impossible de discuter reviendrait à adopter une posture contre-productive, voire à reproduire les travers mêmes que je suis en train de critiquer moi-même.
Face à une telle situation, la meilleure approche consiste à suspendre son jugement et à refuser de céder à la pression de prendre position immédiatement. L’urgence imposée est souvent un piège destiné à limiter le temps de réflexion et à favoriser des choix émotionnels plutôt que rationnels. Prenez le temps d’examiner les faits, les arguments et les sources, et n’hésitez pas à consulter des experts indépendants pour vous faire une opinion éclairée.
La suspension (momentanée) du jugement : une bonne idée
L’esprit critique ne consiste pas seulement à dénoncer les impostures, mais aussi à résister aux manipulations émotionnelles et aux appels fallacieux à la loyauté. Si quelqu’un exige de vous une allégeance sans examen, souvenons-nous que la science et la raison progressent par le doute, et jamais par l’adhésion aveugle.
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