Les Anti-OGM ont-ils raison ?

La mesure du danger ?

Les Anti-OGM ont raison de vouloir empêcher une certaine technocratie de prendre le contrôle de nos assiettes. Exiger une nourriture de bonne qualité et refuser les réponses toutes faites de la puissante industrie agro-alimentaire est légitime. La logique du profit est régulièrement la cause de dégâts considérables sur la santé publique. Si besoin en est, la maladie de la vache folle nous donne le parfait exemple des conséquences de l’exploitation intensive des ressources agricoles[1]. Cette crise sanitaire et le choc qu’elle a engendré ont conduit au principe de précaution sur lequel s’appuient désormais presque toutes les critiques adressées aux industries agro-alimentaires et pharmaceutiques. Il nous faudra revenir un de ces jours sur le sacro-saint principe qui paralyse facilement l’esprit critique.

Les porteurs d’alerte ont raison d’entretenir la vigilance, d’exiger que les produits vendus fassent l’objet de contrôles drastiques tout au long de la chaine de production et de douter de la bonne foi des industriels qui affirment qu’il est de leur propre intérêt de vendre des produits entièrement sains pour conserver leur clientèle à long terme, car même si l’argument est valide il est malheureusement en décalage avec la réalité des décisions souvent prises à courte-vue.

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La rhétorique de la peur a-t-elle la moindre vertu ?

Cela ne les empêche pas d’avoir tort.

Les « Faucheurs Volontaires », mouvement essentiellement français, détruisent des parcelles agricoles pour protester contre les OGM et empêcher leur culture. Une grande partie d’entre eux militent aussi pour l’arrêt des recherches (oui, l’arrêt de la science), raison pour laquelle des expériences en champ ont été détruites à plusieurs reprises, conduisant à l’arrêt des programmes qui avaient pour but de répondre à la question des bénéfices que les OGM peuvent apporter (on parle surtout ici de bénéfice sociétal, sanitaire, etc.) mais aussi de leurs dangers potentiels. Quelle autorité supérieure les Faucheurs pensent-ils détenir pour agir sur la seule foi de leur conviction au mépris du travail des chercheurs ?

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Les Anti-OGM ont assez d’arguments dans leur escarcelle pour peser sur les débats, pour imposer une surveillance accrue des procédés agro-alimentaires, pour obtenir la transparence et la visibilité des résultats de la  recherche. Pourquoi n’a-t-on pas des résultats à la hauteur des attentes ? Peut-être parce que, trop souvent, ils décident que leurs bonnes intentions à elles seules les autorisent à mener une véritable croisade avec tout ce que cela implique d’irrationnel, de passionnel et de violence. Une partie d’entre eux considèrent que parce qu’ils sont du côté des gentils, tout ce qui va dans leur sens est nécessairement bien. Si toute publication scientifique qui va dans leur sens est parole d’évangile, voici qui permet au chercheur Gilles Séralini de survendre dans les journaux un article censé démontrer la nocivité des OGM[2]. L’article en question, si l’on prend le temps de le lire, est d’ailleurs parfaitement édifiant. Les tests réalisés sur des souris nourries de manière conventionnelle et d’autres nourries avec un maïs transgénique montrent que l’OGM particulier utilisé dans cette étude, le NK603, n’a statistiquement pas d’effet sur leur santé. Voilà. La seule conclusion que l’on peut tirer de cette étude est que le maïs transgénique utilisé n’a aucun effet visible sur la santé des souris. Las, pendant plusieurs mois on nous a fait croire que le papier montrait 1) la nocivité des OGM (et pas seulement de NK603),  2) sous-entendu pour l’Homme. Un tel décalage entre les résultats d’une étude et l’exploitation idéologique que l’on en fait jette un terrible discrédit sur la cause des anti-OGM. Cette démarche ne fait qu’entretenir la confusion chez le public qui va d’une inquiétude à une autre sur tous les sujets de société. La rhétorique de la peur que l’on brandit ici est l’ennemie de la réflexion et du jugement raisonné.

Il faut se débarrasser de toute idéologie quant aux dangers potentiels des OGM. Ne rien nier, mais ne rien inventer non plus. Il n’existe à l’heure actuelle aucun modèle scientifique qui permette de supposer que les OGM représentent une menace pour la santé des consommateurs. Or, en l’absence de travaux (empêchés par les anti-OGM), nous n’aurons pas de réponse éclairée à ces questions. Les anti-OGM devraient très rapidement se demander quel type d’argument pourrait leur prouver qu’ils ont tort. S’ils n’en trouvent pas, qu’ils s’inquiètent sans plus attendre car ils sont déjà du mauvais côté de la frontière floue qui sépare le gouffre irrationnel du petit îlot défendu par la raison.

Conclusion

Si veiller à ce que la nourriture soit saine, goûteuse, respectable de l’environnement, des droits de l’homme et de la dignité de ceux qui la produisent est un objectif non seulement noble, mais crucial, l’entreprise mérite d’être conduite avec de vrais arguments et de rassembler autour d’elle les citoyens grâce à la démonstration rationnelle de ses positions, sans prendre en otage les chercheurs ou les journalistes, sans employer la force en lieu et place du raisonnement.

 

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[1]Pour rappel, des animaux destinés à la consommation humaine ont été nourris avec des « farines animales » produites à partir de carcasses et de cadavres. Des épizooties se sont déclarées, notamment au Royaume Uni, dans les années 1990. La maladie en cause, l’encéphalopathie spongiforme bovine, est causée par un prion. Le prion est une protéine, et n’a donc pas de métabolisme, raison pour laquelle il résiste à la congélation, à la dessiccation et à la plupart des conditions de transformations des produits (y compris la pasteurisation). Le temps de comprendre cela… le mal était fait.

[2] Pour se rendre compte du crédit scientifique qu’il est possible d’accorder à ce monsieur, une visite de la page wikipédia qui lui est consacrée peut s’avérer utile : http://fr.wikipedia.org/wiki/Gilles-%C3%89ric_S%C3%A9ralini . On y parle notamment de résultats invalidés par les experts du domaine, de « Prix du  Scientifique international de l’année 2011 » factice et de conflits d’intérêt…

Cet autre lien s’intéresse aux problèmes du journalisme scientifique dans « l’affaire Séralini » http://www.acrimed.org/article4063.html.

10 réponses
  1. Anonymous
    Anonymous dit :

    Cet article est un peu malhonnête vu qu’il passe sous silence un argument essentiel dans le débat sur les OGM : la brevetabilité des semences. En effet, vous n’êtes pas sans savoir qu’une semence GM est breveté et, bien souvent, stérilisé, de telle façon que les paysans sont obligés d’en racheter chaque année et sont donc complètement dépendants, au moins pendant la durée du brevet, du producteur de ces semences. Ce qui, en plus de poser la question de la brevetabilité du vivant, pose de graves problèmes évidents.
    C’est, notamment, contre ça que se battent nombre de militants anti-OGM. Et, même s’il était prouvé qu’une semence est sans danger pour les humains et la nature, tant que ce problème ne sera pas résolu, il sera légitime de faucher des champs d’OGM, même de recherche.

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    • Acermendax
      Acermendax dit :

      Vous avez raison.
      Mais reconnaissez que le brevetage du vivant n’est pas la notion qui excite tous les débats. Le présent billet avait pour objectif de dénoncer les MAUVAIS arguments qui occupent tellement de place que les bons ne se voient plus. Celui fait partie des victimes.
      Merci de l’avoir rappelé.

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    • Monsieur Felouin
      Monsieur Felouin dit :

      Le brevetage est un sujet particulièrement problématique en effet.
      Mais on parle là d’un phénomène connu du grand public et combattu par la voix populaire, avec ou sans le soutien des anti-OGM.
      Le sujet de cet article était bien de lister les faux arguments de santé publique (faux puisque non-prouvés, chose pour laquelle les anti-OGM sont à blâmer, et non l’industrie, qui a autorisé les recherches) avancés par les groupes d’anti.
      Réfuter les thèses sans fondement des antis ne fait pas de mendax un allié inconditionnel de l’industrie, ou un ennemis de ses opposants. Le début de l’article ne nie aucunement les catastrophes sanitaires engendrées par la course au profit et rappelle qu’il est nécessaire de lutter pour obtenir un contrôle ferme de toute la chaîne de production et l’étude approfondie de ces produits et leurs effets concrets.

      Votre intervention est un pur sophisme qui voudrait réduire l’article à un plaidoyer contre les antis. Ce n’est pas le cas. Vous avez donc parfaitement tort de prêter une quelconque malhonnêteté intellectuelle à cet article, même si vous avez parfaitement raison de rappeler, hors du cadre de cet article, le problème préoccupant des brevets.

      Enfin, RIEN ne justifie de s’en prendre à des parcelles, encore moins de recherches. Ces dernières sont le SEUL moyen pour les antis d’obtenir des réponses à leurs questions. Encore faut-il qu’il s’agisse bien de question et pas de conviction idéologiques dénuées de sens critique.

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    • Dunaedine
      Dunaedine dit :

      Argument tout autant malhonnête: l’ensemble des semences sont sous brevets, pas seulement les OGM, et cela quelque soit la méthode d’obtention de la variété (sélection/hybridation, mutagenèse, transgenèse, etc). En prime, les anti-OGM se sont également attaqués à des OGM sous licence publique, destiné à éviter une catastrophe économique (culture de la papaye à Hawaï, avec licence gracieuse de la part de Monsanto sur 47 brevets, Mosanto qu’il n’y avait pas de marché à se faire). Cela montre bien que cet argument n’est que secondaire et une manière de se raccrocher aux branches quand les faits scientifiques donnent torts aux anti-OGM.

      La Propriété Intellectuelle est un problème qui n’est pas lié aux techniques mais à un problème général à notre société. On retrouve des problèmes associés à la PI dans l’ensemble des réalisations technologiques ou même dans l’art. De simples idées peuvent parfois être breveté avec des milliards à la clé. Les OGM ne sont que le fruit d’une technique qui existe dans ce cadre légal. C’est ce cadre légal qui est problématique. Sinon, autant considérer que l’informatique tout entière est à rejeté car bien souvent des idées sont brevetées à travers des réalisations logicielles.

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  2. palejaune
    palejaune dit :

    « Une grande partie d’entre eux militent aussi pour l’arrêt des recherches (oui, l’arrêt de la science) »

    source ? effectivement, ils fauchent aussi des parcelles plantées pour la science, mais tant que ces parcelles seront a ciel ouvert, L’OGM en question peut aller polluer d’autres champs ( ce se voit régulièrement, même avec les semences  » stérilisées « ) et donc, par principe de précaution, ils fauchent.
    que se passerait il si un des OGM  » science » se propageait et que l’on découvre quelques années après qu’il est dangereux pour l’avenir de l’humanité, quelles seraient nos solutions ? comment revenir en arrière ?

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  3. Samuel
    Samuel dit :

    Il y a plusieurs raisons de s’inquiéter des OGM. je recommande la conférence de Pierre-Henri Gouyon, facilement trouvable sur Youtube ou autre. La santé des consommateur… Bof. Certains pourraient très bien être bénéfiques (exemple : riz avec bêta-carotène). Leur diffusion dans la nature, effectivement. Pas si grave, mais…
    Le problème vient surtout de l’usage qui en est fait !
    Le fait qu’ils soient en général conçus pour résister à des herbicides, et les croisements mènent rapidement à des souches qui résistent à plusieurs herbicides différents. Impossible de s’en débarasser dans la nature, ou de changer de culture ! (et de plus par le jeu des brevets, les agriculteurs sont piégés, leur champ contenant toujours des gènes brevetés). L’emploi des herbicides et pesticides, seule raison d’utiliser ces OGM, qui ne laissent en vie que les OGM est aussi un désastre pour l’environement.
    La culture d’OGM obligé également à ne semer qu’une seule espèce, de plus génétiquement extrêmement homogène (ce qui est d’ailleurs un prérequis pour qu’une semence soit autorisée sur le marché, OGM ou pas) obligatoirement sur une grande surface (à cause de la diffusion des herbicides utilisés), ce qui bloque complètement la dynamique de l’évolution nécessaire à la biodiversité et donc à la résistance aux menaces environementales (nouveaux parasites ou maladies, etc). Les cultures proches de celles qui suivent cette méthode en souffrent aussi, et cela oblige certains agriculteurs à se « convertir » aux OGM résistants aux produits du voisin. Ou à attendre que ses cultures récupèrent le gène breveté et se prendre un pocès

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  4. Wolfheart
    Wolfheart dit :

    Le présent billet est titré « Les anti-OGM ont ils raison » et pour ce faire vous ne traitez que des mauvais arguments utilisés par certains anti-ogm. Prendre une partie d’un sujet et généraliser sur le sujet entier comment ça s’appelle déjà ?
    Je comprend bien votre réflexion : de bon arguments suffisent à atteindre le but. L’action sur le terrain n’est jamais une option.
    Non une décision publique ( et politique ) n’est pas prise avec l’argumentation. Le poids des acteurs et bien plus important. Les faucheurs avec leurs actions le plus souvent symbolique, alerte l’opinion publique, et augmentent donc leur nombre de sympathisant-électeur (avec le principe ils ont l’argent, on a le nombre).
    L’action n’est pas une option mais uniquement pour les anti-ogm. Car pendant qu’on argumente les producteurs agissent sur le terrain avec les essais en plein champs. Et personne nous pouvant contrôler la dissémination du pollen il y a un risque d’hybridation avec les plants non-ogm, rendant tout contrôle impossible.
    Je suis pour les OGM en général, mais testés en enceinte confiné, pas en plein champs.

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  5. Georges
    Georges dit :

    « Quelle autorité supérieure les Faucheurs pensent-ils détenir pour agir sur la seule foi de leur conviction au mépris du travail des chercheurs ? »

    Quelle autorité supérieure les chercheurs au service de l’industrialisation de l’agriculture pensent-ils détenir pour agir sur la seule foi de leur conviction au mépris du travail millénaire des paysans?

    Réponse: l’Etat (et les intérêts supérieurs de la croissance économique), sa police, sa justice de classe et ses prisons.

    Répondre
  6. charles
    charles dit :

    Bonjour Monsieur Felouin,

    permettez-moi de revenir sur votre argumentaire qui toute chose étant égale par ailleurs présente selon moi quelques biais que vous semblez si bien vouloir représenter. Pour situer mon degré de maturité sur le scepticisme scientifique, j’admets sans problèmes me situer dans la zone trouble de l’attirance qui précède il me semble le noviçat.

    Accessoirement, j’étais moi-même étudiant en science de l’alimentation humaine (DEA au max) à l’université d’Orsay + Agroparitech pendant cette période complexe. Tout cela étant, bien loin de moi l’idée de faire autorité en la matière, et ce ne sont pas mes 2 maigres stages de DEA puis chez Kronenbourg qui me donnent cette autorité. Oui bon je cause beaucoup mais c’est compliqué pour moi de me poser dans un argumentaire lorsque l’on ne me connait pas ni ne connait mon interlocuteur…

    Bref revenons à nos moutons.

    Déjà le titre de l’étude : « Les Anti-OGM ont-ils raison ? » ne correspond pas à un de vos arguments force : « Le sujet de cet article était bien de lister les faux arguments de santé publique ». Où alors il ne me semble pas explicite. Et d’ailleurs Acermendax déroule sur le sujet économique, sans doutes pour appaiser les tensions de ce sujet éminemment politique et il n’a pas tord ! autant être détendu surtout derrière son écran. Si tel était la portée donc, le mettre dans le titre n’aurait-il pas permis de mieux situer le débat ?

    Par exemple : les arguments de santé publique des détracteurs des cultures OGM plein-champs sont-ils avérés ?

    Je comprends la réaction qui vient sans doute de la mise en abîme « Cet article est un peu malhonnête » plutôt mal venue selon moi.

    du coup la conclusion de votre argumentaire « RIEN ne justifie de s’en prendre à des parcelles, encore moins de recherches ». Me pose un problème. Il balaye la critique mais ne la réfute aucunement. Je me souviens très bien de cette période pour l’avoir vécue au coeur. Je me souviens très bien de l’appel de PH. Gouyon dans un article dans le monde où il demandait en substance, non pas qu’il n’y ait pas de recherche sur les OGM mais que les recherches ne soient pas concentrée uniquement sur les méthodes d’optimisation mais également sur les effets ! il me semble me rappeler (il faudra donc rechercher l’information si vous le souhaitez !) qu’il dénombrait selon un rapport de 1 sur 100 (6 recherches contre 600) les recherches sur les effets versus les recherches d’optimisation !

    Certes dans un monde idéal, l’autorité du cercle des pairs fonctionne parfaitement mais dans un monde imparfait, séparer l’économique de la recherche (du moins c’était comme cela il y a 20 ans ?) n’est-ce pas avancer avec des oeillères ? il n’y a pas de financeurs privés de recherche publiques ? Quels moyens sont donnés aux chercheurs ?

    Je vais par ailleurs reprendre mes « recherches » sur le sujet qui me passionnait à l’époque ! et reviendrait peut être débattre ici, on a l’agora que l’on peut ! et pour démarrer :

    http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article892
    http://www.savoirs.essonne.fr/dossiers/la-vie/biologie-genetique/ogm-finalement-quels-risques/complement/resources/

    merci de votre attention,

    Thomas CHARLES

    PS : accessoirement, ma proposition de titre n’était pas anodine, un truc qui m’énervait quand j’étais étudiant, spécialisé en génétique et qui par là même cultivait de nombreuses espèces de bactéries et levures, toutes OGM, c’était d’assimiler l’OGM à la culture plein champs de plantes OGM. Et les levures utilisées par ailleurs avec bonheur pour produire des antibiotiques ?

    PS2 : j’ai toujours été étonné et parfois dégouté, qu’on ne s’interroge pas, en temps que scientifiques, de l’effet de l’accumulation dans une plante de l’agent actif du roundup dans une plante. pas vous ?

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