L’essentialisme

Une certaine vision du monde

Moins rationnels que nous le pensons, nous défendons nos idées pour tout un tas de motifs affectifs et nous cherchons toujours à conserver une apparence de cohérence dans l’image que nous faisons de nous-même et du monde qui nous entoure. De manière générale cela fait de nous des êtres fonctionnels, capable de nous organiser en sociétés et en civilisations. Bon an, mal an ça marche. Sauf quand ça dérape, sauf quand les préjugés qui sont aux commandes deviennent des barrières à notre épanouissement. Et ces préjugés trouvent une partie de leurs origines et du pouvoir qu’ils ont sur nous dans le biais essentialiste auquel nous ne pouvons espérer échapper qu’au prix d’efforts constants.

Sixième épisode.

Nous voyons le monde à travers une grille de lecture qui n’est pas seulement culturelle et personnelle, mais qui est encodée dès notre plus jeune âge, probablement de manière instinctive : nous rangeons les objets et les êtres qui nous entourent dans des catégories qui nous aident à comprendre le monde. Mais dans le monde contemporain complexe, ces catégories se retournent contre nous, et nous voici les victimes d’un essentialisme qui nous fait croire que la simplicité de notre lecture rend justice de la complexité du monde.
Monumentale erreur !

Pour soutenir la poursuite de notre projet, visitez notre page Tipeee : https://www.tipeee.com/la-tronche-en-biais


Quelques références scientifiques sur le sujet

  • Bloom. P. (2010) Why we like what we like. Observer. 23 (8), 3 online link.
  • Morton, T. A.; Hornsey, M. J.; Postmes, T. (2009). « Shifting ground: The variable use of essentialism in contexts of inclusion and exclusion. ». British Journal of Social Psychology 48 (1): 35–59. doi:10.1348/014466607X270287.
  • Richardson (2011) Against finality: Darwin, Mill and the end of essentialism. Critical Quarterly. Special Issue: Essentialism in Science and Culture. 53:4, 21–44.
  • Shtulman and Schulz (2008) The relation between essentialist beliefs and evolutionary reasoning. Cognitive Science. 32, 1049–1062.
8 réponses
  1. bcy
    bcy dit :

    Malheureusement dans la première partie concernant la philosophie vous vous attaquez à un sujet que vous connaissez visiblement très mal, ce qui vous fait dire des choses très, très fausses, en suffisamment grand nombre pour que je ne puisse pas toutes les relever. Je me contenterai de pointer vers des recherches philosophiques en contradiction flagrante avec ce que vous dites. Par exemple, la métaphysique (qui n’a strictement rien à voir avec le « spiritualisme ») d’Armstrong pose l’existence des universaux, mais qui contrairement à ceux de Platon n’existent pas sans être instanciés ; pour plus de contradictions frontales entre la vidéo et la réalité, il suffit de parcourir sa page wikipédia : https://en.wikipedia.org/wiki/David_Malet_Armstrong. Certes il n’est pas essentialiste à proprement parler, mais le genre de position qu’il exprime se trouve malencontreusement mélangé à de l’essentialisme. Je peux aussi pointer vers les travaux de J. Lowee qui défend un essentialisme renouvelé et offre une réfutation très intéressante du conceptualisme (https://philosophiascientiae.revues.org/222).

    L’erreur centrale — qui aurait pu être évitée en consultant simplement un dictionnaire de philosophie — est de ne pas avoir compris ce qu’était l’essentialisme en philosophie. Pour citer le Lalande : « Doctrine qui donne à l’essence une réalité, une antériorité, ou une valeur supérieure à celles de l’existence » (Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 2010, PUF, p. 1247). Quant à l’essence : « A. Métaphysiquement, par opposition à accident : ce qui est considéré comme formant le fond de l’être, par opposition aux modifications qui ne l’atteignent que superficiellement ou temporairement. […] B. Par opposition à existence […] : ce qui constitue la nature d’un être, par opposition au fait d’être. […] C. Logiquement : 1° Au sens conceptualiste, l’ensemble des déterminations qui définissent un objet de pensée. […] 2° Au sens nominaliste, il n’y a pas d’essence, mais ce que les réalistes et les conceptualistes ont appelé de ce nom n’est que l’ensemble des caractéristiques connotés par ce mot » (ibidem, p. 301-302) ; à noter que réaliste ici désigne le réalisme des essences. Ainsi, on remarque que ce les sciences humaines ont appelé « essentialisme » n’est pas l’essentialisme en philosophie mais autre chose, cet autre chose pouvant se formuler de la façon suivante dans les termes essentialistes : « classification erronée d’une propriété accidentelle comme propriété essentielle ». Par exemple, je peux sans problème reformuler Beauvoir avec des concepts essentialistes (!) : « être femme n’est pas une propriété essentielle des êtres humains femelles, mais une propriété accidentelle imposée et apprise ». Il faut donc bien comprendre que l’essentialisme et l’usage des concepts d’essence et d’accident relèvent de questions analytiques, tandis que savoir si une propriété est essentielle ou accidentelle est une question plutôt d’ordre synthétique (à supposer que la distinction analytique/synthétique soit tenable). Autrement dit, on devrait pouvoir rendre compatible les résultats et théories des sciences aussi bien avec des positions nominalistes qu’essentialistes, ou toute ontologie intermédiaire.

    La métaphysique est un domaine difficile pour plusieurs raisons : confusion avec un genre de réflexion religieuse, difficulté à saisir les concepts de base puisqu’ils servent justement de fondement pour définir le reste, très haute technicité du domaine depuis son renouveau dans la tradition analytique et pragmatiste (des bases de logique modale sont rapidement nécessaires). Il aurait été préférable de résumer le versant philosophique de la question en donnant la définition d’essence, d’accident et d’essentialisme, puis d’expliquer qu’il ne s’agit pas de la même chose qu’en sciences humaines.

    Pour éviter à l’avenir ce genre d’erreurs grossières sur des sujets philosophiques, je conseilles ces deux excellentes ressources rédigées et revues par des chercheurs en philosophie : http://www.iep.utm.edu/ et http://plato.stanford.edu/ Quelques exemples relatifs aux sujets abordés dans la vidéo :
    http://plato.stanford.edu/entries/natural-kinds/
    http://plato.stanford.edu/entries/metaphysics/
    http://plato.stanford.edu/entries/nominalism-metaphysics/
    http://plato.stanford.edu/entries/aristotle-metaphysics/
    http://plato.stanford.edu/entries/monism/
    http://plato.stanford.edu/entries/dualism/

    Répondre
  2. Monsieur Felouin
    Monsieur Felouin dit :

    Votre listing d’erreurs est valable uniquement si l’on prend pour acquis que la philosophie produit des connaissances empiriques et vérifiables.
    Et vous m’excuserez mais j’ai comme un doute.

    Répondre
    • bcy
      bcy dit :

      Mon listing d’erreurs prouve que l’essentialisme est mal expliqué, point. Qu’importe la vérifiabilité de ce que produit la philosophie, puisque ce n’est absolument pas le sujet de ma remarque. Quand on veut critiquer quelque chose, il faut s’assurer que cette chose existe bien telle qu’on croit qu’elle est, autrement on produit un épouvantail rhétorique involontairement. Un principe de base de la zététique.

      Répondre
      • Frédo Sake
        Frédo Sake dit :

        Non ca n’importe pas. Le problème c’est que les péteux de ‘philosophes’ ‘grossiers’ n’ont comme unique référence que divers dogmes philosophiques plus abrutis les uns que les autres. A ce que je sache, la meilleure définition, c’est celle sur laquelle tout le monde se met d’accord, et faut m’excusez du peu, mais les losophes n’ont pas ce privilège. Comme le dit mon interlocuteur précédent, j’ai moi aussi (plus d’)un doute.

        ‘quand on veut critiquer quelquechose’ > ok
        ‘il faut s’assurer que cette chose EXISTE bien telle qu’on CROIT qu’elle EST’ > xD ? wtf ?
        ‘on produit un épouvantail rhétorique’ > Oui… par construction l’essentialisme philosophique est proche de la méditation sur le néant, faut bien comprendre que la référence mentionnée (celle qui est existe donc selon vos propos) est celle décrite et illustrée par V, et pas celle que vous ‘CROYEZ’ (la version philo dogmatique donc). Avant de critiquer, on essaie d’apprendre à communiquer.

        L’erreur centrale – c’est que la référence (philosophique) n’a de valeur que dans son cadre, c’est le principe d’un dogme. Et faut m’excuser mais quand on vulgarise, le but de rendre ca accessible et donc de partir du cadre le plus large possible, le plus ‘consensuel’ si je puis dire; et les dogmes n’ont rien à foutre là.

        Mais peut-être que l’ironie du passage ‘Klaxon’ vous a échappé…

        Répondre
        • croPrM
          croPrM dit :

          Un argument valide, c’est un argument avec des prémisses vraies et un développement (sur la base de ces prémisses) correct du point de vue de la logique.
          Examiner la pertinence d’un argument, c’est vérifier qu’il répond à ces deux standards. Et c’est précisément le travail que fournit la communauté des philosophes au moins depuis Aristote.
          Ainsi défini, le travail du philosophe ne repose pas bien évidemment pas sur des « dogmes ».
          N’importe quelle personne ayant lu un minimum le contenu produit par la tradition philosophique anglo-saxonne analytique contemporaine pourra d’ailleurs constater la très grande rigueur intellectuelle et logique fourni par ces philosophes.
          Ce que dit bcy, c’est que pour nourrir un débat constructif sur un sujet, il faut présenter de manière précise et correcte les différentes opinions en présence, ce que la vidéo a en question avait du mal à faire.
          Le début de la vidéo fait référence à des questions philosophiques controversées :
          – la question des universaux : y a-t-il des choses universelles, quelle est leur nature,….
          – la question de l’essentialisme : y a-t-il des choses possédant des propriétés essentielles. Une propriété essentielle d’une chose est une propriété que cette chose doit avoir, par opposition aux propriétés accidentelles, qui sont des propriétés que la chose en question pourrait ne pas avoir.
          Ces questions sont des questions largement débattues par la philosophie contemporaines.
          Prétendre que réfléchir à ces questions revient à réfléchir sur le néant est une pétition de principe.

          Répondre
          • UnGrosTroll
            UnGrosTroll dit :

            Mon pauvre ami, vous tentez de pointer du doigt des idées reçues et préconçues à un Parfait Zététicien©, pour qui la méthode empiriste fonctionne parce que la méthode empiriste fonctionne! Pas besoin de philosophie dépassée pour nous faire réfléchir, vu qu’elle ne, selon les deux auteurs précédents, « péteux », « dogmatique » et autre.

            Laissez donc ces braves gens à la contemplation de leur VéritéAbsolue© qui… Pardon, à leur AbsenceDeVéritéAbsolueMaisVéritéQuandMême© qui marche pour marcher.

            On ne peut pas discuter avec quelqu’un qui avance comme seuls prémisses « il n’y a pas de vérité ». Ces gens sont des fous. Certains sont prudents à vous dire qu’ils privilégient la vérité scientifique par rapport aux autres FormesDeVéritésTropInutiles©, mais dès qu’on demande pourquoi, le déluge du VousAvezUnePenséeDogmatique© est aussitôt hurlé. Bref, zététicien… esprit critique… À géométrie variable.

            Rappelez vous, puisque vous avez au moins la décence de connaître les classiques contrairement à vos interlocuteurs, qu’Aristote avait au moins repéré un sceptique cohérent : il s’appelait Cratyle, et ayant TrouvéLaVéritéSceptique© qu’on ne pouvait rien dire sur rien, se contentait de remuer le doigt.

            Bonne chance.

          • croPrM
            croPrM dit :

            Je pense que votre réponse est très exagérée.

            Je doute que l’ensemble des lecteurs du blog soient aussi dogmatiques et anti-philos que les deux précédents.

            A ce que je sache, le scepticisme tel que défendu sur ce blog ne consiste pas à nier radicalement l’existence de la vérité (ou la possibilité d’y avoir un accès partiel). Cette position est auto réfutatrice de toute manière (tout comme le scientisme d’ailleurs), et l’exemple de Cratyle dont vous parlez montre la folie pratique de cette attitude.

            Ceci dit, je suis (très) loin de partager les différentes opinions des sceptiques en général, et de ce blog en particulier. Il m’est arrivé fréquemment par exemple de constater le respect qu’ont certains sceptiques pour les propos de gens comme Dawkins, Krauss ou Hawking sur des sujets touchants à la philosophie en général (et en philosophie de la religion en particulier), alors même que nombre de philosophes professionnels (athées compris!) ont souligné leur incompétence en philosophie.

  3. formysteries
    formysteries dit :

    Ce qui est dommage dans vos échanges, c’est l’absence de pont entre philo et science qui s’oppose à travers vous les uns les autres. En tant que prof de SVT passionné par la définition des sciences et voulant reconnecter çà à la philo, je me dis que n’importe qui peut construire une pensée sage donc faire de la philo, et c’est souhaitable pour les scientifiques qui le souhaites. A l’inverse, philo sans science sur un certain nombre de sujet ce n’est pas très solide. Des constructions de pensées louables mais assez subjectives. Ne peut-on pas se nourrir des 2 ? S’occuper des 2. définir un socle commun pour diffuser auprès du grand public entre nous professeur dont kje suis de SVT et philosophes. Je suis frappé des fossés entre les matières. Entre un collègue de Français qui est créationniste et non-darwinien, un collègue d’Histoire qui me dit lorsque je lui dit que le vrai en science ne fait pas partie de mon vocabulaire me dit « si on ne cherche pas la vérité, à quoi bon ? » et qui considère le GIEC comme idéologue par m »connaissance scientifique je pense. Détruire une croyance, quelle difficulté. On a besoin de redéfinir le socle des sciences et ses limites comme le fond des Patrick Tort ou Guillaume Lecointre entre autres …. Le sens des mots fait des dialogues de sourds et pourtant c’est le dialogue qui fait sonner les êtres … Chercher du sens commun, c’est mieux transmettre, avec une cohérence difficile certes mais qu’on doit aux élèves, étudiants qui ont besoin d’armes face aux fake news, au relativisme ambiant où une croyance vaut un savoir scientifique avec des sciences opaques au quidam moyen, qui font face aux théories du complots et qui cède à de nombreux biais de raisonnement et des gens comme moi qui recherchent du sens pour mieux enseigner et transmettre et qui aime faire des ponts et des tissages (en ce moment entre sciences expérimentales et entre autres mes chères SVT et la philo ) comme l’architecture de notre cerveau réalise avec plasticité ses réseaux … C’est dommage. Dans un monde comme aujourd’hui réconcilier des concepts communs et faire la part belle à Science et philo me stimule grandement à l’ère où réhabiliter le scepticisme scientifique et non pathologique est vital !

    Répondre

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *