L’effet Placebo
Vous avez dit Placebo ?
L’effet Placebo est auréolé de mystère. Ce mot latin bien énigmatique est employé dès que l’on observe un effet thérapeutique sans que cet effet soit directement imputable au médicament ou aux soins que le malade a reçus. Il est tentant d’attribuer à notre inconscient, notre psyché ou notre volonté le pouvoir de guérir le corps indépendamment de toute aide extérieure, et bien des gourous et auteurs New Age suggèrent à ceux qui leur accordent du crédit d’abandonner la médecine « classique », fondée sur des données scientifiques, pour se tourner vers une médecine plus « naturelle », plus en accord avec l’identité profonde des individus, plus respectueuse, plus douce, etc.
Il y a une tentation à la pensée magique en chacun de nous, notre égo est séduit par l’idée que l’on puisse aller mieux par soi-même, que la guérison soit un pur acte de volonté. Et le Placebo vibre à la fréquence de cette corde sensible.
Le mot Placebo, qu’on le veuille ou non, est désormais porteur de ce sens ésotérique en partie parce que c’est un mot complètement incompréhensible pour le commun des mortels qui ne savent pas qu’il s’agit d’une forme du verbe « plaire » en latin… donnée étymologique qui ne nous renseigne d’ailleurs aucunement sur la signification qui lui est donnée par les professionnels de la santé et de la recherche.
Dans le monde de la science, l’effet Placebo n’a jamais eu le sens de « pouvoir de l’esprit sur le corps », c’est pourtant ainsi qu’il est souvent entendu aujourd’hui. Le Placebo, c’est d’abord le pouvoir de l’esprit sur l’esprit, et, par des mécanismes qu’il reste à expliquer en détail, c’est l‘influence des ressentis de l’individu sur certaines fonctions sécrétrices du corps (production d’antalgiques, par exemple) qui ont elles-mêmes in fine un impact sur les paramètres médicaux. L’incomplétude de notre compréhension des phénomènes impliqués ne doit pas laisser croire qu’il est raisonnable d’y discerner quoi que ce soit de paranormal. Si quelque chose de paranormal/énergétique/vibratoire est à l’origine de l’effet placebo, il deviendra raisonnable de le défendre après qu’une preuve aura été produite et dûment expertisée. En l’état actuel de nos connaissances, c’est une hypothèse coûteuse car aucun indice sérieux ne pointe dans cette direction de manière spécifique.
Changer les mots ?
C’est pourquoi il pourrait être profitable de mettre de côté ce vocable ambigu et d’employer une expression plus transparente pour faire comprendre la nature de cet effet. On propose donc de remplacer effet placebo par « effets contextuels » (au pluriel) afin de montrer que ce qui se passe autour du traitement, pendant, avant ou après, a son importance sur la manière dont le patient va réagir.
On explique aujourd’hui l’essentiel de ces effets contextuels ; on sait sous quelles conditions ils se manifestent, on sait même en maximiser les effets. En face du New Age et des pratiques alternatives irrationnelles et dangereuses, une erreur inverse doit absolument être évitée, c’est celle de croire qu’il y a une opposition entre effets contextuels et vraie médecine. Les effets contextuels sont une composante de tous les traitements, y compris ceux qui ont un effet intrinsèque, il ne faut donc pas les bannir, mais au contraire les utiliser au bénéfice du patient, dans le cadre d’une prise en charge qui tient compte de la dimension psychologique de l’acte thérapeutique.
NB. L’effet placebo englobe un autre type d’effet, que l’on pourrait oublier tant il est trivial : notre corps guérit tout seul comme un grand dans la plupart des situations. Nous avons un système immunitaire et tout un tas de mécanismes de réparations qui entrent en jeu dès que nous sommes victimes d’une maladie ou d’une blessure. Quand nous consultons un soignants ou que nous prenons un traitement, c’est généralement au moment le plus désagréable, au pic de la douleur et des symptômes. À l’effet du traitement va donc s’ajouter celui de la guérison ‘naturelle’ du corps. Ce n’est peut-être plus exactement un effet contextuel (encore qu’on soit toujours dans l’environnement de l’acte thérapeutique…) mais c’est à tous égards un effet non spécifique et sans lien avec le soin apporté au malade.
Un vide dans la pratique médicale ?
Si les médecines alternatives/douces/énergétique/etc. pullulent, c’est peut-être aussi parce que la médecine classique donne l’impression d’avoir choisi de négliger la dimension empathique et psychologique, le lien entre soignants et soignés, central dans les affections psychologiques et psychiatriques, mais également présent dans tous les cas dans la transaction qui s’opère quand une personne demande à une autre de la soigner.
Il y a peut-être un vide empathique à combler de la part de nos praticiens de la santé qui doivent mettre les effets contextuels de leur côté. À l’inverse doit-on tolérer, souhaiter, encourager la pratique consistant à vendre des produits dénués de toute activité intrinsèque et donc employer 100% d’effets contextuels en faisant croire aux patients à l’existence d’effets spécifiques ? Nous nous étions déjà posé la question sur ce blog.
Tout comprendre ou presque.
Pour tout savoir sur l’effet Placebo, voici trois vidéos.
Dans la première, l’équipe de la Tronche en Biais retrace l’histoire du concept et la manière dont on a traqué les causes de l’effet Placebo.
Dans la deuxième, Climen le pharmacien nous présente le principe de l’homéopathie qui n’est pas vraiment une médecine par les plantes comme on l’entend souvent dire.
Enfin, Le Psylab explique l’importance de la dimension psychologique dans l’acte thérapeutique.
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Ressources pour aller plus loin :
— Article de Jean Brissonnet : http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1604
— Article de Jean Benoist http://classiques.uqac.ca/contemporains/benoist_jean/aspirine_ou_hostie/aspirine_ou_hostie_texte.html
Article très intéressant, maintenant il faut que j’aille regarder les vidéos 🙂
Bravo !
Merci, cher collègue ;).
J’en aussi profité pour le partager sur facebook. Si cela peut aider les gens qui se font de fausses idées sur ce qu’est le placebo et ce que raconte les « médecines alternatives » à son propos.
J’aime bien l’idée de parler d’effet contextuel. Je crois que j’avais déjà entendu parlé de ce terme. Il est moins galvaudé c’est sûr.
Tout le monde n’est pas conquis par ce terme. Certains préfèrent garder le terme encore plus neutre de « effet non spécifique ».
Le difficile choix des mots…
Merci pour ces explication très claires.
J’ai lu il y a quelques temps le nom de l’effet placebo quand il s’applique à travers celui qui l’administre à un enfant ou un animal par exemple, mais le mot accolé à placebo m’échappe. Pourriez vous m’éclairer ?
Merci.
Bonjour,
Auriez-vous des informations svp à me communiquer au sujet de l’effet placebo chez l’animal (ou même le bébé) ? Comment se fait-il qu’il y soit sensible ? Vu qu’il ne discerne pas qu’on lui donne un médicament (vrai ou faux).
Merci. 🙂
Atterrant.